Carton plein pour l’AOC Bourgueil !

Grâce à sa position stratégique en bord de Loire, le vignoble de Bourgueil est, depuis longtemps, un bon exportateur de vins de qualité, ouvert sur la mer, allant vers les pays flamands dès le XVIIème.

Bourgueil 2018, au sommet des cabernets ?

Pourtant certains se demandent si Bourgueil a bien obtenu la place qu’elle méritait parmi les vins Ligériens, Chinon lui aurait volé la haute marche du podium. 

Et ce, bien que son territoire viticole recèle de nombreux atouts : historiques, climatiques et parcellaires.

Une appellation qui mérite que notre webmagazine s’y intéresse.

 

Tout d’abord l’AOC Bourgueil en chiffres

7 communes : Bourgueil, Restigné, Benais, Ingrandes de Touraine, Saint Patrice, Chouzé sur Loire et La Chapelle sur Loire,

Superficie 1400 hectares, AOC depuis 1937,

En 2017 Bourgueil 10,3 % répartition de la production sur la zone AOP France Agrimer 2016,

120 vignerons, 1 cave coopérative et 40 négociants,

Cépage cabernet franc mais un peu de cabernet sauvignon autorisé, alcool minimum à 10,5 %,

Rendements max 55 hectolitres à l’hectare rarement atteint,

Les meilleurs millésimes : 1928, 1929, 1945, 1947, 1949, 1953, 1955, 1959, 1978, 1985, 1989, 1990, 1995, 1996, 2005.

deux maisons des vins, mais laquelle choisir ?

Jean Carmet ne s’y est pas trompé, il buvait les cabernets de Bourgueil certes, mais seulement les vieux millésimes à leur apogée, qu’il savait dénicher avec son ami Chabrol dans les caves des habitants récemment disparus.

La ville a eu la bonne idée de créer sa maison des vins de Bourgueil dans la demeure de son grand-père sur la place du village.

Un hommage mérité.

On y trouve des vins en dégustation gratuite, des bouteilles à la vente, des conseils avisés, quelques millésimes anciens et des animations.

Il en existe cependant une deuxième version à deux pas du château de Langeais. Un arrêt obligatoire pour faire plus ample connaissance avec un large choix de vignerons qui exposent leur production à portée de verres. Le travail de diffusion ou de présentation des vins de l’AOC marque des points.

Toute exploration de Bourgueil commence par l’Abbaye

L’Abbaye Saint Pierre de Bourgueil-en-Vallée, a assuré la conduite des vignobles et la diffusion du cépage cabernet originaire de Bordeaux entre les 10ème et 18ème siècles. Cela lui vaut sa réputation de berceau, alors qu’aujourd’hui le patrimoine foncier et viticole n’est plus à la mode chez les religieuses qui revendent ou mettent en location leurs vignes.

La notoriété et la bonne réputation des vins de Bourgueil, vin au parfum élégant et fruité, sont évoquées dès le XIème siècle dans les archives de l’abbaye bénédictine.

Au domaine du Clos de l’Abbaye, tout nouvellement installé à la suite de son père, - c’est son second millésime entièrement assumé, Jérémy Lorieux gère l’exploitation bio des 6 hectares du clos. La congrégation des sœurs de Saint Martin en avait laissé le fermage en 1975 à deux paysans Jean-Baptiste et Michel, son père.

Le Clos -qui est le seul de l’appellation, apporte ses vertus chauffantes et des sols drainants. Il demandera qu’on sache mieux accompagner son potentiel de vieilles vignes sur des cailloux, des graviers et des silex.

Les élevages se font en cuves pour préserver le les arômes de fruits. Les vins sont souples, enveloppants et tiennent facilement la garde, dépassant le quart de siècle sur les bons millésimes.

Très abordable : 8,90€

Cabernet je t’aime … ou pas !

Ouh là là… ces notes de feuilles de tomates, menthol et poivron vert. Cette acidité ?!

Si c’est ce souvenir tenace de dégustations qui vous hante, vous allez changer d’avis.

Les vins rouges exhalent des notes de fruits rouges et de fruits noirs. Certains, plus amples, révèlent alors des arômes plus complexes, cacaotés, légèrement fumés ou épicés. Avec l’âge des saveurs de sous-bois ou de truffes.

Vous serez séduits par le caractère du cabernet, sur les sables où il se montre souple mais de garde moyenne. Dans les vins mûrs de Bourgueil on trouve des arômes plus persistants, avec parfois des notes d’amertume qui allongent la persistance du vin en finale.

Mais sur les tuffeaux, argiles et les sols calcaires, dès lors qu’il y a un élevage maîtrisé, on découvre un vin de gastronomie. Ses tanins se mêlent au fruité et donnent de grands vins de garde.

Des coteaux bien exposés avec une météo clémente

Si le terroir est primordial pour la vigne, il est de bonne constitution comme le montre la carte du vignoble ou des sols autour de Benais.

Autre atout, son climat plus doux et plus sec que celui de la région Touraine, les températures minimales, moyennes et maximales de Bourgueil sont supérieures, les précipitations inférieures.

Enfin son plateau densément boisé, au-dessus du coteau viticole, assure une protection vis-à-vis des vents froids venant du Nord. Effet de microclimat ?

Les grands virages historiques, années 80 et versions bio

La revue Le Rouge & le Blanc* racontait comment Pierre Jacques Druet, figure historique, fut l’un des premiers à mettre en valeur des cuvées de lieux dits comme Vaumoreau et Grand-Mont.

Belle intuition, car l’appellation possède des « climats » comme en Bourgogne.

Son vaste coteau est orienté au sud, incluant des découpages de terrasses et de croupes très qualitatives.

Qualité qui s’est donc rapidement retrouvée dans les vins.

Enfin, en trois décennies un joli groupe de vignerons phares (presque stars) a tracé la route du succès et de la reconnaissance (Jacky Blot, Catherine et Pierre Breton, Pierre Caslot, Mathieu Vallet, Yannick Amirault…).

Mais l’autre grand changement vient du passage au bio de 25 % sur l’AOP Bourgueil, contre 44 % des surfaces bio dans le Val de Loire. Tandis que la biodynamie, encore sporadique, gagne du terrain. Il en ressort des pratiques vigneronnes nettement plus saines, donnant des vins plus précis, vivants, réellement expressifs et persistants.

2018… ? Assurément une TRÈS BONNE année !

Il y a quantité et qualité avec un vin déjà ouvert. Il rattrape une année 2016 catastrophique = 70 % de pertes. Puis un millésime 2017, frais avec des arômes moins expansifs. Moins taillé pour la garde ?

Nos visites chez plusieurs vignerons de grands talents confirment la tendance :

Bertrand Galbrun notre COUP DE CŒUR pour ce vigneron exigeant, travailleur discret et précis. Avec lui « ça infuse et j’accompagne ».

Ses vins sont en biodynamie, touchants et souples. Ses 3 cuvées « Chatrois, Impétueuse et Tempérance » nous ont enthousiasmés car reflétant finement le terroir de Bourgueil.

Très équilibrés, fruités, les jus expriment du volume. L’acidité apporte de la fraîcheur (sans agresser). Les tanins restent poudreux. Très bon ! 10 €

 

Stéphane Guion, vigneron bio, cultive les vignes familiales qui n’ont pas vu de chimies depuis les années 1960.

Ses vins sont une expression très fidèle des terroirs de Bourgueil. Les cuvées peuvent traverser le temps avec élégance comme la Cuvée Prestige au nez expressif, fumé, minéral, aiguisée par un soupçon de violette.

Des notes de cassis, de tabac rehaussées par des tanins veloutés qui lui donnent une belle ampleur.

Finale poivrée.  10,50 €

 

 

Plus de vignerons !

Laurent Mabileau nous donne vraiment une belle surprise et un rapport qualité prix très appréciable sur un vin aux vinifications traditionnelles. Aucun élevage et cependant des nuances de douce compotée de cassis et de fraise. Une petite pointe graphite. Bel équilibre sur des tanins souples. Un vin Glouglou 6,50 €.

Laurent Herlin, « informatigneron » comme il aime à se définir joyeusement pour rappeler son ancien métier, décline plusieurs cuvées sur le fruit en rouge ET aussi en blanc !

La cuvée ÉCLOSION bénéficie d’un élevage en bois neuf.

Son nez est discret mais la matière est juteuse et gouleyante. 20 € et c’est BIO !

Domaine de la Chevalerie passé en biodynamie sur ses 38 hectares, c’est sur sa cuvée expressive les Busardières qu’on retrouve cette élégance du fruité délicat (cassis frais, framboise) chère à Bourgueil et aussi la longueur qui manque à d’autres. 10 mois d’élevages mais ses tanins restent soyeux.24€.

Au Domaine des Ansodelles nous rencontrons enfin une femme, courageuse qui met toute son énergie dans son aventure vigneronne.

Nous notons ses bulles rosées « Étincelles » fraîches et séduisantes.

La cuvée de rouge RENCONTRES, à part, demande une légère aération, elle possède un beau fruit, une amplitude en bouche, des tanins ronds et souples avec un petit profil sudiste singulier. 12,50 €

 

 

Les vendanges millésime 2018

D’abord il y eut le mildiou. Des pertes de récoltes très importantes, parfois jusqu’à 50 %. Un été chaud et sec a permis aux raisins de rester sains. Certaines parcelles ont souffert de stress hydrique dans les sols sableux. La vigne est restée en avance dans son cycle de développement.

Les raisins sont arrivés à une belle maturité et les vendanges ont été réalisées dans de bonnes conditions météo avec une excellente récolte qui exprime des degrés élevés et de faible acidité.

Le millésime 2018 se montre donc comme un vin de garde.

Enfin, les cours des prix des vins d'AOP au négoce progressent pour la majorité des appellations : + 7 % pour le Touraine Rouge, +5 % pour le Touraine Blanc, le Vouvray tranquille. Bourgueil devrait en profiter. Source Interloire BIVC

Et le blanc dans tout ça ?

Si Montlouis et Vouvray sont en position de leader sur le marché des blancs, sachez qu’on travaille avec fermeté sur l’idée que Bourgueil pourrait les rejoindre à moyen terme. Pourquoi pas pour 2030 ?

Avec un chenin ancré sur argilo-calcaires, blanc sec qui historiquement existe depuis 1718 mais n’appartient pas encore à l’AOC. Des plantations de ce cépage ont débuté sur 15 à 20 hectares, et plusieurs vignerons pionniers en testent la production sur les meilleurs terroirs.

La demande internationale et française étant là, l’aura et la qualité de Bourgueil ne cessant de progresser, ne pas y répondre semblerait économiquement suicidaire.

Jean-Luc

Photo à la Une : Par Duch.seb — CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/

*Le Rouge et le Blanc (N°116, L’Autre face des rouges de Loire)

Ecrit par Jean-Luc POIGNARD
------------------------------------------------------------------- Prenez un descendant de vigneron en AOC Orléans, arrosez d’un bon zeste de passion œnophile, un fond de langue et littérature anglaise, ajoutez un WSET 3 et de nombreuses visites chez les vignerons. Mixez l’ensemble. Laissez reposer, lisez et dégustez un verre à la main.

Commentaires:

  1. Quentin dit :

    Excellent article ! Je me permets de recommander en plus un super vin que j’ai pu goûter d’une vigneronne du pic Saint-Loup.

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