Voilà une pub qui a gâché ma lecture d’un article remarquable, « des cépages taillés pour l’avenir »(Télérama 3688). Pollution visuelle et dérive sémantique, la méthode algorithmique pour l’achat d’espace n’est pas encore au point. Cette pub nous dit au premier degré que l’AOP Saint Véran, ça ne vaut pas 10 balles ! Quelle brutalité, quel cynisme !
Et ils ont trouvé un sans grade dont personne ne connaît le vin, pour se faire pigeonner. Pourquoi vouloir casser cette belle appellation bourguignonne ? Saint Véran est un grand terroir à chardonnay, au pied de la Roche de Solutré dans le Mâconnais, voisin des Pouilly Fuissé, Pouilly Lochée, Pouilly Vinzelles…
Haro sur les AOC
La grande distribution « alliée des petits vignerons qui ont tant souffert en cette année COVID » concentre maintenant son tir sur les terroirs et les appellations soupçonnées de quelques ententes secrètes pour tenir des prix élevés. On cogne et on abîme une subtile construction juridique, l’AOC, créée à l’origine pour protéger ceux faisaient honnêtement leur boulot des faussaires et autres traficoteurs. Des faussaires, il y en a toujours eu, aujourd’hui ils portent le masque du casseur de valeur et du nivellement par le bas.
La boisson de la mondialisation

Le « pape des terroirs », œnologue, psychologue, universitaire, auteur prolixe, peut-être le plus fin connaisseur des vins de Bourgogne pour leur avoir consacré une vingtaine d’ouvrages est aussi l’initiateur de la dégustation géo-sensorielle.
Son livre dense et puissamment argumenté nous explique que « le vin boisson de la mondialisation est devenu le miroir grossissant des espérances de l’époque, comme de ses inquiétudes et incertitudes. » En final et sans chauvinisme excessif, vous comprendrez pourquoi les vins de Bourgogne demeurent-ils les vins les plus recherchés au monde, alors que tout a failli basculer en 2000 par un retentissant article publié dans Business Week :
qui devait signer l’arrêt de mort des vins de terroir.
S’il distingue vins technologiques et vins de terroir qui cohabitent dans la production mondiale, il prend soin de ne pas les opposer : « mieux vaut en caractériser les différences en explicitant les philosophies qui les fondent et les enjeux qu’ils véhiculent ». Ce qui l’agace vraiment, c’est la mauvaise foi de ceux qui tentent de faire « passer un vin technologique pour l’expression originale du terroir », bref, les faussaires d’aujourd’hui.
Questions dérangeantes
Son livre est une succession de questions dérangeantes. Allez, j’en choisis une : où commence le vin industriel ? C’est le rapport au lieu qui marque la différence entre vins industriels et vins de terroir, et de citer son ami vigneron Henri Jayer : « le vin est plus affaire de philosophie que de technique.»

Le débat très actuel sur les vins nature, les vins au naturel et les vins « méthode nature » n’échappe pas à sa sagacité, mais toujours sans parti pris, fournissant au lecteur les informations lui permettant de former son propre jugement.
L’Anjou à l’honneur

Il apporte un soutien appuyé à Yvan Massonnat (Domaine Bélargus), qui travaille avec une précision toute cistercienne sur les climats et lieux-dits de son domaine de quarts-de-chaume grand cru en Anjou.
Boire du vin devient-il un acte militant ? Tant mieux, il n’en sera que meilleur !
Jean-Philippe
Le teaser AOC St Veran 2017 est juste sublime… on ne s’en lasse pas.