Où est-on ? A Vaudelnay, à deux pas de Montreuil-Bellay. Le décor ? Le château de Fosse-Sèche, 45 hectares d’un seul tenant, l’idéal pour travailler un domaine et éviter les allers-retours (moins écologiques !). Mais, ne vous attendez pas à 45 hectares de vignes, car ce n’est pas là le principe de l’agroforesterie : un tiers de l’espace est dédié à l’Homme et deux tiers le sont à la Nature.
sans végétal, pas de biodiversité
Depuis 24 ans, cette répartition de l’espace vivant, assurant la biodiversité, est la ligne de conduite de la famille Pire ! « Il faut passer par le végétal pour assurer la biodiversité des écosystèmes », explique Adrien.
Ce sont ainsi 15 hectares de vignes que l’on peut admirer au milieu d’un terroir atypique par sa différence avec les calcaires de Saumur situés sur du turonien (90 millions d’années).
Le château Fosse-Sèche présente cette curiosité géologique de silex (du Jurassique 200 millions années) et d’oxydes de fer, ce qui confère certainement ce goût si particulier aux vins !
Les premiers travaux du domaine ont débuté dès la fin des années 1990 par la mise en place d’un plan d’eau, élément essentiel au principe de l’agroforesterie.
Madagascar comme laboratoire
D’origine belge, Antoine et Guillaume Pire ont vécu 13 ans à Madagascar. Après avoir développé et géré une propriété de 450 hectares sur l’île, cette famille de deux frères et leurs parents ont ressenti le besoin de faire une pause et retourner en Europe. Elle s’est alors embarquée dans un tour de France en quête du vignoble idéal. Guillaume qui menait des études en Suisse en viticulture et le beau-père vigneron étaient des atouts pour rebondir dans le monde viticole dès leur retour en 1996.
La famille achète dès sa première visite le château de Fosse-Sèche en novembre 1998. Ce terroir fut la révélation !
Petit à petit, la famille a reproduit les principes qu’elle avait déjà établis à Madagascar : un domaine diversifié en polyculture avec des rizières, 3 étangs, des vignes et élevages. L’envie était de reproduire le même principe en France en dynamisant un lieu avec l’approche de la biodiversité.
La famille a creusé l’étang, réalimenté par le puits. Puis, un marais artificiel a été créé plus tard par épanchement du premier étang pour favoriser la vie des batraciens, une zone alternant avec des périodes d’assèchement.
Des arbres plutôt que des pieds de vigne
La famille a planté un verger il y a 5 ans. Le 5 février 2022, elle a procédé à l’arrachage d’une parcelle de chenin pour planter d’anciennes variétés d’arbres fruitiers. A terme, l’idée est de transformer les fruits en confiture avec de vieilles variétés de pommes, poires, prunes et cerises. Ces plantations ont vocation à financer des projets humanitaires en Afrique (puits, plantation de vergers).
L’arbre tient aussi une importance capitale dans ce principe : rafraichir le vent se dirigeant vers les vignes et les prairies au centre. Cette disposition des arbres permet de maintenir la fraîcheur pour se parer au changement climatique dans les années à venir.
Depuis 2013, la famille a planté plus de 4500 arbres. Des ruches ont également pris place sur le domaine depuis plus de 10 ans avec une production annuelle de miel.
Entouré de forêts (10 km de haies), soit des lisières soit des bouts de forêts, qui représentent environ 5 hectares sur le domaine. La règle est d’assurer un écartement de 12 mètres entre arbuste, buisson et arbres.
les vignes au centre
On retrouve au centre les vignes et prairies destinées aux animaux. Chèvres, alpaga, moutons et petites vaches laitières trouvent successivement leur bonheur. Quant aux vaches jersiais, elles suivent un programme d’alimentation strict, en partenariat avec l’éleveur Guillaume Gatard et la célèbre boucherie J.A gastronomie d’Angers, ce qui résulte en une viande succulente.
Les bêtes sont en herbage en majorité de l’année, suivant un système de pâturage tournant dynamique, en alternant tous les 5 jours les animaux d’une zone enherbée à une autre pour optimiser la pousse de l’herbe, assurant une herbe peu abîmée et qui repousse vite !
Des essais sont menés dans le domaine dans le cadre de programme bio nature 2050 pour tester les réactions et l’évolution de la nature face au réchauffement climatique avec des analyses régulières de sols et feuillages.
Un travail sensible des parcelles jusqu’au verre
Au cœur des vignes, une fosse pédologique confirme cette particularité du terroir au cœur du vignoble saumurois connu pour son calcaire : 25 cm de terre recouvre des couches de « silex ».
La plus vieille parcelle date de 1951. Sous nos pieds, la terre meuble démontre le respect du système vivant : l’idée est simple, avoir un cavaillon net avec encore un peu d’herbe de cet hiver et dans l’objectif de ne pas se faire envahir par l’herbe. Car sur les silex, il faut être vigilant à la concurrence entre la vigne et l’herbe : s’il fait trop chaud en été, il faut privilégier les quelques millimètres de pluie pour nourrir la vigne plutôt que l’herbe…
Alors, oui le cavaillon est hyper propre et dans le respect du fonctionnement du végétal. Entre les rangs, notre regard se pose sur une bande d’herbe spontanée assez étroite pour avoir une concurrence suffisante à la vigne et sans excès tout en maintenant l’humidité. Adrien ajoute : « nous détruisons cette bande enherbée après les vendanges. »
une réserve en jachère
À côté de cette vieille parcelle, un grand espace vide apparaît : cela fait 12 ans qu’il est en jachère et il va être prochainement replanté car le sol est enfin prêt. Il est devenu meuble et enrichi au fur et à mesure des années. Même s’il y a des manquants dans les parcelles, la famille ne pratique pas la complantation. Les renouvellements se font parcelle par parcelle avec des périodes de repos pour le sol.
Ce domaine n’a jamais apporté d’engrais aux vignes car il a toujours existé en tant que ferme en polyculture. Dans le cycle de la vigne, les équipes (8 personnes pour les 15 hectares du domaine) enlèvent les contre bourgeons et sont prêtes à diviser par deux (moins de brins, moins de grappes, moins de risques de maladies, moins de rendement) mais pour obtenir des vins de terroir ! L’objectif pour les cuvées Arcane et Eolithe est d’atteindre 30 hectolitres par hectare.
des oeufs sous terre
Au chai, l’entrepôt de stockage a été creusé dans la terre, dont une partie est même entièrement enterrée avec 60 cm de terre au-dessus, apportant une isolation naturelle et assurant une gestion des températures constantes. Le reste a été isolé avec de la laine de chanvre.
Ici, on retrouve des cuves inox pour la fermentation et des cuves d’œufs en béton pour l’élevage : cette forme ovoïde assurant ce mouvement perpétuel des lies par l’effet vortex, apportant une texture et structure aux vins.
En 2009, le premier œuf en béton est arrivée à la cave. En 2010, dix autres œufs sont entrés et depuis, plus aucun vin ne passe en barrique.
Nous sommes un terroir homogène, les vins se révèlent bien lors de la dégustation être des vins de terroir, car les seuls facteurs changeant sont ici le cépage et le millésime !
Audrey