La chronique bordelaise (de Génération Vignerons) repose ses valises dans son département d’exploration préféré, à savoir la Gironde, après un détour dans le Périgord voisin. Direction aujourd’hui vers un domaine d’une appellation trop peu explorée : l’AOC Cadillac Côtes de Bordeaux.
Des vallons dessinés par le passage du temps, des villages dont la beauté convoque des souvenirs séculaires, des biches courant répondre à l’appel de la forêt, puis un chemin de graviers longeant un potager qu’on devine aisément « maison » et enfin les vignes. Arriver au Domaine les Carmels vous entoure d’un sentiment de plénitude et de réconfort ! Pour couronner le tout, Sophie, toujours souriante, vous accueille avec la gentillesse et la sincérité de celles et ceux qui sont touchés par une passion débordante d’humilité.
Prompte à mettre à l’aise dès la première rencontre, son empathie encourage les échanges. Après un café matinal, nous enfilons des bottes direction les vignes, le berceau du travail du domaine, car comprendre leur vin, c’est d’abord comprendre le travail de la terre et la philosophie qui préside aux décisions prises dans les rangs de vignes.
vigneron jardinier
Pour Sophie et Yorick, fidèle binôme dans la vie comme dans la vigne, l’aventure du domaine a commencé en 2010. Après des années de recherche du terroir idéal, ils finissent par dénicher près de Langoiran, dans le Bordelais, leur espace d’expression. Doté de 17 hectares de végétation dont seuls 5 hectares sont réservés à la culture de la vigne, le domaine est enfin lancé. Délimitées par une lisière forestière, les vignes serpentent le long de vallons majoritairement argileux, agrémentés de zones calcaires ou graveleuses, terroirs typiques du bordelais.
Fervents défenseurs d’une agriculture respectueuse du vivant et des sols, ils ne conçoivent pas l’élaboration d’un vin autrement. Suite logique, ils choisissent de convertir le domaine en agriculture biologique dès leur installation. Le précieux sésame est obtenu quelques années plus tard, après le passage obligatoire par le temps de la conversion (3 années).
Soucieux d’apporter le plus grand soin à ses rangs de vignes, les explications détaillées de Yorick sur le travail à réaliser dans les parcelles confèrent à son quotidien de vigneron des allures d’artisan-jardinier. La technicité et la précision de ses propos montrent l’étendue des connaissances utilisées au domaine: taille, travail manuel pendant la saison, vendanges vertes, tout est fait pour que le raisin soit le plus mûr et le plus sain possible à la vendange.
ne pas se planter
Et sur leur domaine, porté par un climat tempéré à proximité de la Garonne, le merlot et le cabernet franc règnent en maître. Seulement, sensible aux maladies fongiques de la vigne (mildiou, oïdium) et facilement porteur d’alcool et de richesse dans des millésimes chauds de plus en plus fréquents, la place du merlot est débattue. Soucieux de diversifier leur matériel végétal, Sophie et Yorick décident de planter du malbec. Rompu à la chaleur de Cahors, présent dans le Blayais avec un certain succès, ce cépage est voué à apporter de la diversité dans leurs vins.
Le sujet des cépages résistants est au cœur de leur réflexion. Par leurs potentielles aptitudes de résistances face aux maladies fongiques, ces cépages ne nécessitent pas de traitement, diminuant de fait les passages dans les vignes donc les émissions de gaz à effet de serre. Quant à leur qualité dans le vin, même si des exemples réussis et prometteurs de vins produits à partir de ces cépages existent, le sujet est épineux car il n’y a pas le même recul d’exploitation.
D’autant que les enjeux sont importants. Heureux d’avoir construit un domaine dont la pérennité économique est un principe fondateur, les décisions de plantations qu’ils prennent aujourd’hui auront un impact pendant des décennies. A rebours de l’immédiateté ambiante, le temps d’un domaine est toujours le temps long. Rappelez-vous les époux Comme, Jean-Michel nous disait pour l’exemple qu’il aurait aimé une deuxième vie pour apprécier le travail entamé dans son domaine.
faire moins pour faire mieux
Passé le temps de la vigne, direction les chais pour apprécier la suite du travail. Cueillies à la main, les précieuses baies sont acheminées vers le chai gravitationnel. contient du millésime.
Après éraflage, les baies sont mises en cuves pour démarrer la fermentation alcoolique. A partir de cette étape, la tendance des gestes accomplis dans le chai est à la décroissance, non par dogmatisme, mais simplement pour accompagner le plus précisément possible ce que le raisin
Ainsi, les extractions sont moins nombreuses et plus douces. Les fermentations prennent le temps qu’il leur faut pour arriver à leur terme. Les élevages sont moins marqués. Bref, le vin est accompagné au plus juste de son expression naturelle. Pour se faire, les dégustations en cuves ou sur fûts sont primordiales. D’une part, elles permettent de déceler l’apparition d’un éventuel défaut pour pouvoir y remédier.
D’autre part, elles permettent de confirmer que le style recherché, plus de fraîcheur et de pureté aromatique, passe par moins de manipulations et d’extractions.
En apprentissage continu, dans la vigne comme dans le chai, Yorick et Sophie ne se départissent jamais d’une réflexion pointue quant aux décisions prises. Depuis plus de dix ans, ils apprennent à chaque millésime comment faire mieux en faisant moins de manipulation dans le chai.
C’est ainsi qu’à force de patience et de maîtrise technique, ils ont réalisé, pour le millésime 2020, leur premier vin selon la méthode des vins nature (cuvée Abondance). Une sorte d’aboutissement qui préfigure peut-être le chemin des années à venir.
Les Cuvées
Rondeur et fraîcheur accompagnent le superbe fruité de ce vin. Accessible dans sa prime jeunesse, il gagne en souplesse après une ou deux années de vieillissement. Un vin de plaisir pour découvrir ce domaine.
Vendanges 2018 – 75% Merlot / 25% Cabernet Franc
La Rolls du domaine. Un assemblage réalisé uniquement dans les plus grandes années quand les deux cépages viennent prendre le meilleur du terroir. Concentré, l’aromatique explose en bouche et dure longtemps. D’une texture soyeuse, sa structure soutient parfaitement des plats riches. Grande capacité de garde
Florian