Le souffle brûlant de la canicule nous rend irritable. C’est l’été des C : covid, catastrophe… L’actualité, elle, n’est pas au beau fixe. Le ciel est si bleu pourtant… Aussi, partons nous rafraîchir le corps et l’esprit au sein du Val de Loire, au cœur de la ville de Saumur, connue entre autres pour sa célèbre Ecole nationale d’équitation, le Cadre Noir.
Allons à la rencontre du savoir-faire unique des maîtres distillateurs, un patrimoine technique peu commun et reconnu depuis 2016 par le label Entreprise du Patrimoine Vivant.
L’heure est aux cocktails et à leurs couleurs chatoyantes. Les spiritueux se réinventent afin d’assurer leur avenir auprès de la jeune clientèle. Sans compter les bartenders, nouveaux VIP des lieux mondains.
Les cocktails sont les nouvelles stars de l’été. Leur dégradé chasse la triste grisaille de ce début 2020. Les Spritz sont toujours à l’honneur, suivis de près par l’Americano à base de Campari (en référence aux Américains séjournant sur les côtes italiennes lors de la Prohibition), le Negroni à base de gin et cousin de l’Americano, ou encore le Moscow Mule, mélange américano-russe de vodka et de ginger ale (qui ne laissait pas présager la future Guerre Froide….).
Prenez un Dry Martini façon 007 ou un Manhattan version Marilyn Monroe dans « Certains l’aiment chaud » le temps d’une soirée.
Clin d’oeil historique
L’histoire du cocktail est rattachée, comme pour beaucoup de produits, à l’aventure humaine et à ses explorations lointaines. Et nos amis les Anglais bâtirent leur réputation sur leur sens du commerce et des relations internationales. Preuve en est avec le punch, rapporté des Indes, où il est apparu au XVIIème siècle. Ils l’exportèrent dans les Antilles Britanniques où le rhum remplaça l’arak, alcool indien.
Avec le développement des techniques de conservation par le froid et de la glace artificielle, en 1850, le cocktail se diversifie et monte en gamme. Jerry Thomas sera le premier à publier un livre de recettes à ce sujet, qui deviendra un best-seller.
L’apparition de nouveaux spiritueux au fil des années (vodka dans les années 40 et tequila dans les années 60) enrichit le répertoire du barman qui recherche de nouvelles saveurs et invente au gré des envies et des tendances.
Aujourd’hui encore, il souffle un vent de fraîcheur sur les vieilles recettes tandis que d’autres, répondant aux aspirations actuelles, se frayent une place sur les cartes à l’image du Mocktail, un mix de fruits sans alcool, en vogue dans notre société où la modération et l’attention (excessive ?) portée au corps est de mise.
Distillerie Combier
Revenons sur les bords de Loire et en 1834. Jean-Baptiste Combier, propriétaire de la confiserie éponyme, fonde alors une distillerie qui produira dans un premier temps le Triple-Sec.
Puis, au fil des années, il étendra la gamme à d’autres produits tels que le Royal Combier, savant mélange d’oranges, plantes, épices et cognacou le Gin Meridor aux pétales de rose dont le nom s’inspire de la dame de Montsoreau (appelée Diane de Meridor dans l’œuvre d’Alexandre Dumas).
L’arrivée du maître distillateur Franck Choisne en 2000 donnera un nouveau souffle à la distillerie qui allie aujourd’hui histoire et innovation dans ses liqueurs, alcools et créations.
Cette dernière devrait prochainement s’agrandir afin de proposer un espace de découverte autour de ce patrimoine, avec, entre autres, la rénovation de la salle de distillation.
L’art de la distillation se dévoile dans la salle des alambics dont la structure métallique a été dessinée par Gustave Eiffel.
Ces alambics du XIXème siècle aux longs cols de cygne, de contenance entre 3.5 et 10 hectolitres, permettent de distiller des produits uniques et sur mesures : Triple-Sec, Gin, Absinthe.
Précisons que les boissons spiritueuses se divisent en deux grandes familles : les « simples », plus couramment appelées eaux-de-vie, dont le goût provient directement du processus de distillation (armagnac, cognac, vodka, rhum, whisky, tequila … ) ; les « composées », dont le goût est issu de substances végétales, sucre ou arômes, ajoutées à un alcool neutre ou à une eau-de-vie (liqueurs, anisés … ).
Le choix et l’utilisation intelligente des matières premières, l’implication des salariés, la valorisation de ce savoir-faire ancestral … sont autant d’éléments qui montrent l’attachement de cette entreprise à la notion de qualité et d’authenticité. Les fruits et plantes sont cultivés autant que possible à proximité de la distillerie et les salariés participent à la cueillette des fleurs de sureau et des pétales de rose aux beaux jours.
Ma dégustation
Après une visite captivante de la fameuse salle des alambics, nous arrivons à la dégustation : deux spiritueux proposés en cocktails, accompagnés d’un buffet de gourmandises.
La triple distillation d’écorces d’oranges, auxquelles viennent s’ajouter eau et sucre, donne le Triple-Sec.
Obtenues par zestage manuel, les écorces d’oranges douces et amères sont séchées puis mises à macérer avec de l’alcool et de l’eau.
La partie la plus qualitative du distillat est alors sélectionnée : c’est le cœur de chauffe.
A déguster seul (vous pouvez mettre la bouteille au congélateur au préalable) ou en cocktail, le Triple-Sec s’associe bien avec le gin, la fraise, le citron ou la cranberry.
Il amènera une touche de fantaisie dans un soufflé glacé ou à des noix de Saint-Jacques flambées.
L’Absinthe de Combier est à l’exemple du proverbe grec « la persévérance est la clé de la réussite ». La ténacité du maître distillateur Franck Choisne a conduit à l’Entêté en 2010, une absinthe digne de celles du XIXème siècle, composée du trio indispensable à son élaboration : l’absinthe, l’anis et le fenouil.
En réalité, celui-ci réussit à faire sauter l’interdiction d’utiliser le fenouil, stipulée dans un décret de 1988. L’Absinthe l’Entêté était née. Et avec elle, tout un cortège de cocktails et utilisations culinaires possibles.
Le goût délicat et végétal que dégage l’absinthe nous offre des mariages inattendus avec le poisson, le jambon de Savoie, les cerises, le chocolat et même le reblochon.
Je vous conseille vivement cette visite d’une heure, à 5 €, avant le commencement des travaux. Ainsi, vous pourrez vous rendre compte du changement qui va s’opérer quand vous y reviendrez.
Tombé un temps en désuétude, le cocktail propose une expérience gustative inédite, selon l’humeur du moment. Envie de changement? L’imagination est de mise : invitez vos convives à un voyage sensoriel original.
Un bel avenir pour les spiritueux en perspective.
Caroline