Elles en imposent ces vignes en terrasse de la côte rocheuse, sculptées au fil des siècles par des générations de vignerons laborieux.
Du schiste, rien que du schiste
Sous chaque parcelle défrichée, 26 siècles d’histoire vous contemplent. Les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains bien sûr et surtout les Templiers au XIIème siècle ; les Chevaliers du Temple s’étaient donné comme mission de protéger les chrétiens en partance pour la Terre sainte. Il fallait fournir la boisson, aussi les voilà richement dotés par les seigneurs locaux pour fournir le vin nécessaire à requinquer les croisés. Après, ce furent les rois de Majorque, dont Perpignan fut la capitale au XIVème siècle, qui leur firent les honneurs de la cour. Passons les crises, les doutes et les courtes périodes de prospérité pour arriver au XXIème siècle.

Moins de 400 viticulteurs les cultivent, la grande majorité d’entre eux sont membres de groupements coopératifs comme Terres des Templiers, la Cave l’Étoile ou le Cellier des Dominicains.
La famille grenache – noir, gris, blanc – est archi-dominante et souvent complantée, c’est-à-dire mélangée sur une même parcelle. Voyez, vous devez passer autour du cep sans oublier de grappes ; aujourd’hui on récolte les grenaches noirs, les gris ça sera pour la fin de semaine me dit Philippe, chef de culture à la Coume del Mas. Il pilote son équipe experte de vendangeurs sur une pente vertigineuse avec Manu, le costaud, qui transporte ses 80 kg de raisin dans sa hotte de Père Noël.
mon portfolio
Le grenache taillé en gobelet est dispensé de palissage. Nos repères changent : oubliez les paysages viticoles du Médoc, du Val de Loire ou de Champagne avec leur architecture végétale en rangs de vignes taillées au cordeau. Ici ce sont les 6000 km de murettes de pierre- les feixes– qui structurent le paysage, balafrées par des rigoles qui canalisent les excès d’eau des pluies d’orage ; la biodiversité y est exubérante dans les fonds de vallons.

Des figuiers poussent souvent à leurs côtés, leurs fruits mûrs en période des vendanges embaument les terrasses pierreuses, il n’y a qu’à se baisser pour les ramasser en prenant soin d’écarter les insectes gourmands.
Qui ne s’est pas gavé ainsi de figues dégoulinantes ?

La vigne est plantée sur la caillasse ici, ses racines font éclater le schiste et peuvent atteindre 10 à 12 m de profondeur là où il y a un peu de fraîcheur et d’humidité.

Mais la grosse majorité des cultivateurs de raisin -ceux qui livrent aux coopératives- utilisent des traitements chimiques pour désherber. Mon père s’est éreinté sa vie durant à entretenir sa vigne, à remonter ses murettes après les orages, à curer les rigoles ; qui voudrait refaire ça aujourd’hui ? Cette jeune retraitée revenue à Cosprons est fataliste, c’est le tourisme qui fournit maintenant les emplois sur la côte Vermeille, et encore insuffisamment.
Il y a certes une poignée de résistants,
…comme on le verra aux 9Caves à Banyuls, qui ne ménagent pas leur peine pour maintenir en vie cette viticulture de montagne. Mais les dégâts sont visibles- vignes abandonnées, murettes effondrées ou sommairement reconstruites en brique ou ciment. Traditionnellement, l’entretien des parcelles est à la charge des viticulteurs mais on voit bien qu’ils ne peuvent plus assurer cette tâche.
Alors, chemine le projet d’une demande de classement au patrimoine mondial de l’UNESCO…
Le vignoble de la Côte Vermeille va-t-il rejoindre le vignoble en terrasse de la vallée du Haut-Douro (Portugal) et les vignes de Lavaux (Lausanne) qui surplombent en majesté le lac Léman ? Sans parler de la Champagne, du Val de Loire, des climats de Bourgogne, de Saint Émilion, du Barolo du Piemont, du Riesling de la Wachau et bien d’autres encore.

Faut-il y voir un signe ?
Jean Philippe









