Vous avez prévu quoi contre le gel cette année ?

Dans quelques jours débute le mois d’avril et la période qui a fait si mal à l’ensemble du vignoble français en 2021. Et les prévisions pour cette fin de semaine sont plutôt alarmistes : Météo France annonce : “Après l’heure d’été la météo retourne en hiver !”

Sur le site du météorologue Guillaume Séchet, Météo-Paris, on trouve une carte des gelées prévues pour dimanche 3 avril (source : Heidelberg University)

Quant à l’agro-climatologue Serge Zarka, il présente différentes modélisations :

De quoi s’inquiéter ou du moins se poser des questions. Alors, même si le végétal est sans doute moins en avance que l’an passé, qu’avez-vous prévu pour faire face au gel cette année ?

En dessous d’une température de -3°, l’air autour des vignes a besoin d’être réchauffé pour éviter que les bourgeons ne gèlent.

Croiser les doigts ou prier

Faut-il y aller fataliste en se disant qu’à moins de 15k€ le prix de l’hectare de vignes, aucun équipement antigel ne permettra d’être amorti ? Ou s’en remettre ainsi à l’assurance ? Quand on sait que la majeure partie des surfaces viticoles en France n’est toujours pas assurée (seules 32% des vignerons ont souscrit un tel contrat, selon la Fédération Française de l’Assurance, 15 à 18% selon le Ministère de l’Agriculture)…

Ou alors attendre un prochain « fonds de solidarité exceptionnel » créé par le gouvernement ? on se dit que tout ça c’est un peu jouer à la roulette (russe).

Alors revue de détail des dispositifs en place. Car il n’y a pas de solution miracle contre le gel :  « Il faut choisir sa lutte en fonction de ses contraintes  » précise Melissa Merdy, conseillère à la Chambre d’Agriculture d’Indre et Loire sur Techniloire. D’ailleurs on parle de quel type de risque ? Gel radiatif ou gel advectif ? gelées blanches ? gelées noires ?

allumer un cierge

C’est un peu la solution de base : l’installation de bougies permet de réchauffer l’atmosphère en élevant les températures au dessus du point de congélation. Les bougies sont conditionnées dans des seaux métalliques et ont une capacité de 9 à 10 heures de combustion. Elles permettent de gagner 2 à 3 degrés par rapport à l’air ambiant. L’astuce c’est de ne pas les allumer trop tôt.

Il faut compter entre 250 bougies et 400 bougies/ha en fonction de l’intensité du gel. Ce qui représente une importante main d’œuvre, tant pour la mise en place des bougies que pour leur allumage le (bon) moment venu.

Autour de 1500€ HT la palette (144 bougies). En vente sur e-viti.com

Pour les fabricants de cierges,  c’est une aubaine ! A la Ciergerie du Sud-Est « une ligne de production a été reconvertie et sort actuellement jusqu’à 3.000 bougies antigel par jour, en travaillant à flux tendu » déclarait son Pdg à la RVF

Faire feu de tout bois

Les chaufferettes utilisent des granulés de bois, des pellets : du bois densifié pour dégager plus de chaleur. Mais aussi elles peuvent accepter pour un tiers du broyat de l’exploitation. Disposées tous les 50 m², soit 200 à 250 chaufferettes/ha, les chaufferettes peuvent avoir jusqu’à une autonomie d’une dizaine d’heures, pour 2 sacs de 15 kg de granulés mis dans le réservoir.

Les chaufferettes à pellets ont prouvé leur efficacité lors de tests réalisés dans le champenois et à Chablis. Cédric Aymonin, distributeur du produit indiquait à l’Yonne Républicaine : « Les chaufferettes ont été allumées à 1 heure du matin. Au bout de 30 minutes, la température a augmenté de 3,3 degrés. ». Les chaufferettes de Viti-Chauffe ont reçu à l’automne dernier le prix de l’innovation du Viteff. Coût d’une chaufferette : 230 à 250 € HT.

brasser de l’air

Le sol absorbe et emmagasine la chaleur causée par les rayons solaires dans la journée et la renvoie la nuit en hauteur.

Cette chaleur forme alors une couche dite d’inversion à environ 10 mètres de hauteur. C’est le job des tours antigel de rabattre cette chaleur vers le sol en provoquant un mouvement d’air chaud, situé dans la couche d’inversion, vers l’air froid situé au raz du sol.

La surface protégée par les ventilateurs n’est jamais circulaire. Elle prend une forme ovale en fonction de la direction du vent dominant. En général, la surface protégée est égale aux 2/3 de sa direction du vent et à 1/3 de sa direction inverse selon le distributeur RN7 Agri Services.

Elles pourraient ressembler à de petites éoliennes sauf qu’elles ne tournent qu’en période de gel et la nuit. Elles existent soit en fixe sur un socle en béton soit mobile avec une tête orientable à 7 mètres de haut et peuvent dans ce cas être déplacées par un tracteur ou un 4×4. On lui préfèrera le modèle à 5 pales moins bruyant. Une tour antigel peut protéger jusqu’à 4 hectares.

Au Moulin de Chauvigné à Rochefort sur Loire, c’est le choix fait par Sylvie Plessis : « J’ai choisi un modèle au gaz pour éviter les vols de gasoil. Avec deux tours je compte couvrir 7 à 8 ha de nos parcelles de Savennières. »

Un investissement de près de 80k€. Qui aurait pu être mutualisé ? « Savennières c’est une appellation qui est très longue, très étroite. Il y a un schéma d’implantation de la tour à respecter sur 8 hectares. Et si sur ce schéma on trouve des vignerons en fermage, d’autres qui sont sur le point d’arrêter, ça devient très vite très compliqué ! »

Pour que les tours fonctionnent correctement, le démarrage doit se faire lorsque la température est encore positive. «  Le brassage de l’air va entraîner l’assèchement de la rosée sur les bourgeons. Cette action fait perdre 1 °C très rapidement. Si on est déjà en négatif à ce moment-là, cette brusque chute va engendrer des dégâts  », explique Thomas Stonestreet, le directeur technique du Domaine de Chevallier à mon-Viti.

Asperger au plus près

Une solution efficace mais pas donnée non plus. Pendant longtemps elle a été considérée comme trop gourmande en eau. Puis sont arrivés des dispositifs inspirés du goutte-à-goutte. Pour Laurent Huet, agronome chez Netafim : L’aspersion permet de protéger jusqu’à -6°C dans des conditions optimales. Ce système fonctionne sur le principe d’un échange exothermique lors du passage de l’eau de la phase liquide à solide autour du bourgeon ou de la tige.

Netafim a développé un système d’aspersion localisé sur le rang de vigne sans gaspillage sur l’inter-rang et fonctionnant sur le principe du goutte-à-goutte (bas débit, basse pression et uniformité). Compter entre 7500 et 8000 €/ha juste pour le matériel.

Chauffer le cable

Ah on allait oublier de vous parler de la solution du fil chauffant. Avantages : pas besoin de main d’oeuvre pour le mettre en service, c’est automatique, pas de maintenance, pas de pollution de l’air… Le câble est placé sur le fil de palissage au plus proche des baguettes de vigne. Tous les 50  cm, un collier de serrage vient fixer le dispositif.

Mon-viti présente le système Eltrace qui offre un système autorégulant. La température du câble augmente proportionnellement à la chute de la température ambiante. Autrement dit : plus il fait froid, plus le câble chauffe et plus l’air à proximité des baguettes se réchauffe. De 6 à 12€ le mètre linéaire sans compter les armoires électriques (et éventuellement le groupe électrogène pour fournir le courant)

Et puis

On ne va pas vous parler ici de l’hélicoptère. Cher. Dangereux. Compliqué à mettre en oeuvre. Il faut une autorisation de vol de nuit à demander avant le gel, réserver l’hélico la veille, pas cool pour les riverains non plus.

Alors, c’est vrai que l’époque n’est pas propice aux investissements. Sylvie Plessis : « si je ne fais rien et si je prends 3, 4 cartouches de gel et que je vais alors voir mon banquier pour lui dire que je veux me protéger, il va me répondre : dis donc Sylvie fallait peut-être y penser avant, non ?

François

 

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.
Catégories : le métier

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