Effet de mode ou artisanat ?
Devant la Maison de quartier de Doulon à l’est de Nantes vers midi, le festival ne semble que prendre très très lentement ses marques, seulement trois néo vignerons sont là avec quelques bouteilles. J’ai l’impression de m’être trompé de lieu, ou de m’être emmêlé dans les horaires. Je croise deux jeunes gars souriant On s’est couchés tard, hier soir on voyait nos cavistes Nantais de la Contre Etiquette. On a trop bu …. leurs yeux sont rouges mais leurs têtes éminemment sympathiques. Je suis perplexe, pourront-ils déguster avec moi leurs vins et me parler de leur travail ?
Mais, eh ! Il y a une journaliste de Ouest-France qui pose des dizaines de questions méticuleuses. Je me joins donc à eux pour déguster les vins de Sylvain Martinez m’attendant à nombres d’ idées révolutionnaires. Mais non, son discours reprend celui des vignerons de bonne qualité, respectueux de leur principal outil de travail : la vigne et son fruit. Enfin quand même mes oreilles sifflent, …sans soufre, sans soufre, sans soufre… : ça revient très souvent. Et SON vin à lui? Et bien pas de défaut dans ses cuvées alors que la quantité de souffre est quasi nulle. Ni déviance (oxydation, réduction) ni odeur d’acescence, ou sensation de vin piqué. Donc ça passe. Démonstration est faite que le vin naturel est plus que buvable.
Jeune génération talentueuse
Justement à côté d’eux, le solide gaillard amoureux de la nature avec un look de rugbyman c’est Adrien Bouzonville, du Domaine des Hulottes qui présente un Gamay 2015 des coteaux d’Ancenis qui rivalise avec de très bons Beaujolais.
Toute sa production s’écoule tellement bien sur le marché qu’il ne reste pas grand-chose à vendre.
Car le bon vin nature disparait très vite notamment vers l’étranger qui en est friand (Japon, USA côte est et ouest).
Une petite merveille dans les rouges, c’est ce Coup d’jus 2016 de Julien Pineau qui travaille merveilleusement un cépage côt assez peu connu sous nos latitudes, mais si je vous dis « malbec » vous penserez aux vins de Cahors ou de Bordeaux.
Il y a dans sa bouteille un vin très précis et franc, un profil de jus très aromatique qui veloute sur nos palais avec une très belle longueur en bouche.
La Folle Berthe arbore des étiquettes art déco où les belles Viennoises d’Alphonse Mucha semblent nous faire de l’oeil. Mais c’est dans les verres que le charme opère avec un blanc de très belle facture, racé et équilibré tandis que son rouge navigue vers des arômes de fruits noirs et rouges très séduisants. David Foubert et son domaine en Anjou propose des cuvées Nat’, fraiches et juteuses qui reste en bouche sur une trame énergique. Un vin qui ne laisse aucun des dégustateurs indifférents : C’est plus régulier, technique, cohérent .
Un tout petit groupe qui fait un gros buzz sur la planète Média
Heureusement qu’on nous aide à mieux comprendre le mouvement des vins nat’, grâce à Julie Reux, consœur de Terre de Vins, les Vins Ligériens et la RVF qui nous propose une conférence très pertinente suite à une enquête qu’elle a menée auprès des vignerons. Les chiffres dressent un tableau plus qu’éloquent. Cocorico, La Loire est leader et très nettement en avance sur les autres vignobles avec 150 vignerons en Val de Loire sur les 500 au niveau National ! Le dynamisme est là et le salon la Dive Bouteille de Saumur en est la preuve. La tendance ne fait que s’accentuer et la demande pour des vins qui apparaissent plus SAINS (sans aucun intrant ni sulfite), bien soutenue par un réseau de cavistes indépendants, est à la hausse.
Un phénomène qui suscite la convoitise
Bien sûr on mentionne l’ombre des gros groupes viticoles français qui s’intéressent au mouvement et livrent déjà des vins judicieusement estampillés « sans souffre ajouté»,
- C’est de la supercherie ! Une opération marketing !
Y aurait-il alors des procédés très complexes issus de nouvelles technologies cachés derrière ces vins comme la flash pasteurisation, de l’osmose inversé ou des filtrages très fin, bref tout sauf du vin nature ? Car il y a des enjeux commerciaux très importants.
Ok, mais dans les rangs des vins présentés ce jour là il faut avouer qu’il y avait aussi quelques liquides pas faciles à goûter. Un des producteurs me glisse en off : Moi quand je trouve ça chez moi, j’envoie direct dans l’évier, je ne garde pas. On donne une mauvaise image. Et on ne peut pas tout dire de peur de jeter un froid sur un mouvement qui pour l’instant se serre les coudes. Il y en aurait donc qui sulfitent un peu ? Oui « 38 % le font parfois et 25 % un peu ».
Des valeurs durement éprouvées
Or, comme le gel est passé par là encore cette année, qui sait si cet esprit solidaire et puriste saura rester ? Je goute pour conclure un chardonnay sec et minéral, très joli, L’Atrie 2015 élaboré avec beaucoup d’élégance sur des terres de quartz et de schistes par Julie Bernard installée à Aizenay (85). Deux années de pertes c’est trop… pour une jeune exploitante sans stock installée depuis 2012 seulement. …on a peur que nos vins soient oubliés jusqu’à la sortie de notre prochain millésime… en 2019 . Alors Stop ou Encore ?
La musique bat son plein, les festivaliers arrivent alors que le soleil décline, je sens que le vin nat’ va être célébré dignement et il le mérite.
Jean-Luc