Profession : exportatrice de vins

Portrait d’une Française exportatrice qui nous a proposé de nous rejoindre pour partager son expérience.


Rencontre avec Laëtitia Miroux, une Française expatriée au Canada qui a construit un parcours unique de spécialiste à l’export du vin. J’ai demandé à Laëtitia, quel nom donnerait-elle à ce métier qu’elle s’est créé toute seule en tant qu’indépendante : Je peux dire aujourd’hui que je suis directrice export de vins.

Le vin comme produit à l’export ?

 Tout a commencé en 2005. Après avoir empoché un diplôme dans une école de commerce, Laetitia termine ses études par un stage dans une société industrielle à Chicago. Elle y reste deux ans en tant que gestionnaire du marketing et du commerce.

Rapidement, une réflexion sur la suite de son parcours professionnel s’impose : dans quel univers Laetitia aimerait vraiment travailler ?

Laëtitia :  Mon univers de prédilection ? Ce sont les 5 sens ! A force de rencontres sur le terrain, son choix se porte sur le vin.

Pourtant à l’époque, on la met en garde contre les obstacles qu’elle risque de rencontrer : Tu n’es pas d’une famille vigneronne, tu n’arriveras pas à y rentrer. En plus, tu es une femme ! Voilà l’image que le monde du vin pouvait déjà laisser au grand public…

Bref, un portrait pas très glorieux de cet univers qui semble fermé, sectaire et -qui plus est- sexiste. Laëtitia n’écoute pas les conseils de son entourage et fonce quand même, poussée par une envie profonde et une intuition.

Une spécialisation par conviction

Alors, elle reprend un master de viticulture, d’œnologie et de marketing du vin à l’ESA (Ecole Supérieure des Agricultures d’Angers), le Vintage.

Le diplôme en poche, Laëtitia est embauchée directement par l’ESA pour développer le programme de licence, ce qui lui permet de nourrir son réseau de vignerons. Adepte de la méthode « test and learn », une méthode d’apprentissage continu en gestion de projet qui teste différentes hypothèses pour utiliser immédiatement les résultats afin d’optimiser un produit, elle finit par créer son entreprise pour accompagner les vignerons à l’export.

Pendant 10 ans, Laëtitia va vendre des vins dans des pays de prédilection : l’Amérique Latine dont le Brésil. Une audace et une âme d’entrepreneure couplées à une passion pour le voyage.

un job sur mesure

Laëtitia crée ainsi son propre métier à son image, avec cette envie de se frotter au terrain. Après un premier voyage de six semaines pour s’immerger dans la culture brésilienne et acquérir les bases de la langue, elle démarre par du porte à porte mais essuie de nombreux refus. Laëtitia finit par rencontrer des importateurs.

Voilà selon elle la vraie clé du succès d’un produit dans un pays : « Une fois que tu as l’importateur, il va te faire entrer sur le marché et ensuite il te faudra trouver le revendeur qui va proposer le produit au consommateur final. » Tout un travail marketing : présenter les vins, raconter leur histoire, amener leur dégustation auprès des écoles et des prescripteurs. Mais aussi un travail de fond : administratif, commercial, marketing sans oublier le développement des relations et partenariats dans le temps.

Le Canada comme base

Dix ans plus tard, Laetitia débarque en famille au Canada, portée par un projet familial d’expatriation. Puis, son chemin prend forme lors d’une rencontre clé avec une vigneronne canadienne, Jocelyn Lightfoot, qui lui offre sa carte de visite.

Alors en décembre 2019, Laëtitia s’installe en Nouvelle-Ecosse et devient directrice export de Lightfoot & Wolfville Vineyards. Sa mission ? Vendre le vin à l’étranger, chercher des aides et des marchés, réaliser le plan d’action export et le mettre en exécution. Laëtitia se concentre sur les marchés cibles des Pays-Bas, du Royaume-Uni, des Bahamas, du Japon, du Danemark, Singapour, et aussi sur d’autres provinces du Canada. Ce qui passe par la participation à des salons de dégustation. Laëtitia s’y plait : elle y déploie toujours sa méthode favorite « test and learn ».

Aujourd’hui basée au Québec, Laëtitia Miroux est de nouveau indépendante et continue de proposer ses services de directrice export à des vignerons qui souhaitent pénétrer de nouveaux marchés, et ce, dans les deux sens : elle exporte autant les vins du pays qui l’a accueillie que ceux du pays qui l’a vu naitre.

Vins français ou canadiens, les spécificités de ces vignerons n’ont plus de secrets pour elle. Laëtitia pousse les vins français autant vers le Canada que le reste de l’Europe, l’ensemble de l’Amérique du Nord et du Sud sans oublier les marchés asiatiques (Japon, Singapour). Elle exporte aussi des produits œnologiques d’Amérique du Nord, comme récemment des extraits de tanins vendus auprès de distilleries au Canada.

Son prochain défi ? Introduire un vigneron de St Emilion dans le monopole de l’Ontario : le LCBO équivalent ontarien de la SAQ québécoise. Une semaine « mission de prospection » qu’elle devra organiser, ponctuée de nombreuses visites et dégustations sur place auprès des professionnels.

Laëtitia organisera aussi des visites de magasins pour que le vigneron appréhende la complexité de placer ses vins. Puis, elle programmera des rencontres avec des agences d’importation et des directeurs de magasin.

Le quotidien d’une directrice export ?

De son bureau à Montréal, la journée de Laëtitia est composée de moments forts : la matinée est consacrée à la créativité. Elle aime aussi positionner ses rendez-vous téléphoniques : « Au matin, je suis fraiche et créative pour bâtir des partenariats, donner envie de se rencontrer et développer des idées. » Elle en profite aussi pour faire du benchmarking et recenser les prix des produits concurrentiels afin de bâtir une analyse robuste et pouvoir mieux adapter sa stratégie. Elle liste ses points de contact : agents, brokers, directeurs de magasins…

L’après-midi se consacre plutôt à l’exécution : rédaction de comptes-rendus à des partenaires et clients, répondre aux objections, bâtir un argumentaire convaincant, mesurer et jauger les résultats des rendez-vous pour créer une stratégie de suivi…

Ces activités sont chronophages et aussi fatigantes du fait qu’elles sont bilingues ! Enfin le jour J de la prospection, il faut être plein d’énergie: accueillir le client vigneron, partager dans le taxi la feuille des plannings, briefer sur les attentes, la situation du marché, rappeler les arguments à mettre en avant.

Laëtitia aime ressentir le potentiel chez son client avant de s’engager. Chaque nouveau prospect nécessite une réflexion avant de se lancer. Et oui j’ai déjà refusé des clients. La raison ? Parce l’offre ne correspond pas toujours au marché et l’investissement en temps aurait été trop important pour le peu de retours potentiels. 

La majorité de ses rendez-vous sont réalisés seuls sans la présence du vigneron et pour cela, elle doit croire en son produit pour en parler au mieux. J’ai appris à me faire confiance et mieux déguster les vins pour mieux en parler. L’Europe a de beaux produits. nous confie-t-elle.  Sa conclusion, malgré un contexte international compliqué : L’export c’est un vrai levier de croissance !

Audrey

Ecrit par Audrey DELBARRE
--------------------------------------------------------------- Passionnée par l’écriture, Audrey est une amatrice de vin joviale et enthousiaste, guidée par la richesse du contact humain ! C’est à l’Académie du vin du Cap en Afrique du Sud qu’elle affine ses connaissances dans les vins puis développe son inspiration à partir de ses rencontres et voyages dans les vignobles du monde.... Titulaire du diplôme WSET 3, elle se consacre à l’organisation de séminaires et formations sur le développement des sens et des émotions grâce à l'œnologie.
Catégories : le métier

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


L'abus d'alcool est dangereux pour la santé © 2025 - GENERATION VIGNERONS
Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
error

Ce site vous plait ? faites le savoir !