On parle beaucoup de la génération Z, âgée de 18 à 25 ans -la génération TikTok- qui passe en moyenne 4,5h/jour sur les réseaux sociaux. Celle qui a développé une culture de l’immédiateté en matière de communication, de consommation et d’accès à l’information. Celle aussi qui est soucieuse de se montrer sous son meilleur jour sur Instagram, de donner d’elle sa meilleure image…
la boisson des darons
Celle aussi qui tourne le dos à l’alcool, vin bière et spiritueux confondus, qui a intégré la modération et pour laquelle la sobriété devient tendance. Le vin, surtout le rouge, est la boisson de la génération précédente, leurs parents ou même de leurs grands-parents. Ceux qui en consomment ? Un club élitiste rassemblant les plus de 50 ans ayant les moyens. En acheter est une expérience douloureuse, devant laquelle ils manquent de repères peut-on lire en substance dans un rapport de Vin et Société, l’organe de représentation des intérêts de la filière. Et les vidéos d’Emile Coddens et ses 526K abonnés sur TikTok n’ont pas modifié leur perception.
Maintenant que les reproches sont identifiés, comment faire pour attirer la génération montante (d’aucuns poseraient plutôt la question ainsi : faut-il l’attirer…) ? Et comment doit s’adapter la filière à de nouveaux modes de consommation ?
On assiste en effet à un changement de statut social de l’alcool, lequel n’est plus systématiquement perçu comme une dimension incontournable de la fête.
Faut-il alors passer par le vin désalcoolisé ? L’apprentissage des caractéristiques du vin par le vin sans alcool ? C’est ce que suggère Coralie de Boüard, productrice de vins désalcoolisés, propriétaire du château éponyme en appellation Montagne Saint-Emilion, lors d’une conférence à la Cité du Vin : Le vin désalcoolisé est une locomotive pour mes vins traditionnels…
des apps en veux-tu en voilà…
Charmer et éduquer les Zoomers…Une autre approche, plus subtile peut trouver facilement sa place sur leurs smartphones : une App. L’idée n’est pas nouvelle vous me direz : il y en a déjà des dizaines, des applis encyclopédiques comme Vivino, l’application leader aujourd’hui qui réunit plus de 50 millions d’utilisateurs, Wine-Searcher pour les bonnes affaires avec plus de 100 000 distributeurs référencés dans le monde, Wine Advisor, le Shazam du vin rachetée par l’enseigne E. Leclerc en 2018 qui se définit comme un guide, et aussi le Guide Hachette des Vins & Millésimes…
Des apps thématiques comme Raisin, dédiée au vin naturel qui géolocalise les caves, restaurants et bars, Goot le Uber des cavistes pour découvrir les pros de son quartier et tant d’autres ! Mais toutes ces apps sont destinées aux amateurs éclairés. Leur objectif c’est la commercialisation de bouteilles. Et aucune parmi celles-ci n’est consacrée à l’apprentissage le vin.
le duolingo du vin
Quand c’est les jeunes eux-mêmes qui s’y collent…Alors Nathalie Roudier et Colin Lazarini ont conçu Winology, une app qu’ils présentent comme le Duolingo du vin.
Pour ceux qui ne connaitraient pas Duolingo, c’est l’appli d’enseignement des langues la plus téléchargée au monde. Une app fun et gratuite pour apprendre plus de 40 langues avec des leçons courtes et interactives. Les concepteurs de Winology : nous avons transposé les codes actuels des applications ultra « gamifiées » pour réinventer l’apprentissage du vin. Pour info ici la gamification c’est l’apprentissage par une série de défis et de récompenses, l’objectif étant de rendre le processus non seulement éducatif mais aussi divertissant.
Ici, pas de QR code à scanner, pas de bouteilles à acheter, pas de cavistes à aller visiter et l’app est totalement gratuite pour ses utilisateurs.
L’application s’adresse en priorité aux néophytes, en leur offrant un tremplin de découverte du vin. C’est le coeur de cible et notre promesse initiale rappelle Nathalie.
Winology propose des milliers de questions auxquelles les utilisateurs peuvent répondre selon un parcours de progression en plusieurs étapes, rythmées par des évaluations de connaissances.
Alors nous nous sommes glissés dans la peau d’un néophyte…
On a testé pour vous
En tant qu’ancien adepte de Duolingo, je me suis glissé facilement dans l’app. Débarrassé de l’obsédant habillage sonore de la grande soeur américaine, me voilà en terrain connu avec ces quiz. Je reconnais le rythme de ces séries de questions fermées et identifie facilement les (rares) pièges qu’elles contiennent. Et j’apprécie que les concepteurs de Winology aient fait le tri dans les travers de l’app linguistique, notamment cette inutile mise en concurrence entre apprenants qui pousse à aller toujours plus vite sans prendre le temps d’assimiler les règles.
La démarche est plutôt structurante et me permet de ré-organiser mes connaissances. Je ne m’en sors pas trop mal : j’enchaine les quatre niveaux déjà dispos, Bouchon, Piccolo, Chopine et Fillette (Bouteille, le dernier niveau, étant encore en préparation chez l’éditeur). Je réussis les exams. Ouf ! je pourrai donc continuer à écrire dans Génération Vignerons même si j’ai été moins bon sur la famille des empyreumatiques (faut-il faire vraiment appel au vocabulaire scientifique pour séduire une jeune génération néophyte ?). Je reconnais que dans ces conditions l’apprentissage du vin est une expérience à la fois enrichissante et divertissante.
Mais d’autres profils plus avertis pourront également y trouver leur compte : les amateurs souhaitant enrichir leurs connaissances, les connaisseurs préparant des certifications reconnues comme le WSET, jusqu’aux professionnels dans le cadre d’une animation vin.
Avec Winology, nous proposons de parler sérieusement des vins sans se prendre au sérieux, résume Nathalie qui a le sens de la formule !
Le modèle économique repose sur la participation des interprofessions des ODG et des appellations : Saint Emilion, le BIVB, Mâcon, sont les premiers clients. A qui l’équipe propose la création de quiz publiés sur l’app pour une durée d’un an. Ils permettent aux utilisateurs de découvrir en profondeur les vins, leurs terroirs, leurs histoires… Winology revendique aujourd’hui 10 000 utilisateurs.
Encore un peu de progrès à faire pour atteindre les 37 millions d’utilisateurs mensuels de Duolingo…
François
Image à la Une : crédit Winology
Ecrit par Francois SAIAS 
