Lors de notre précédente visite en Pic St Loup, nous avions évoqué ces terroirs empreints de fraîcheur que vous retrouvez dans les vins, digestes, avec une belle acidité. L’appellation connaît un succès mérité, porté par des vignerons, réputés – à juste titre, et des vins… forcément bons.
Coup de projecteur sur un duo qui le mérite
Avec leur instinct de jardiniers, Vincent et Samuel sont deux amoureux de la terre et des vignes. Leurs plus belles parcelles sont situées au Nord de l’AOP Pic-Saint-Loup sur un terroir d’éboulis calcaires, s’étirant entre Corconne et Brouzet-les-Quissac.
Samuel parle-t-il de son jardin ? Parmi les rangs de vignes on retrouve syrah, mourvèdre, grenache, cinsault et carignan pour les rouges et le rosé, et de viognier et roussanne pour le blanc.
Nos parcelles captent ces parfums de thyms, de romarins et de résineux qui sont présents dans le paysage.
Heureux, celui qui sait parcourir ses rangs de ceps, tel l’homme qui marche parmi les siens.
You are a child of the universe / Tu es un enfant de l’univers, les vers du poète américain Max Ehrmann leur serviraient-ils de devise quotidienne ?
Quid de cette fraicheur qui fait l’unanimité ?
Un Pic de fraicheur dans le sud, une vidéo de la Revue des Vins de France
D’abord, qui sont vraiment les frères Feuillade ? Deux poètes du vin, avec deux approches nécessairement complémentaires. Le Ying et le Yang. Lorsqu’ils ouvrent leur porte d’un bâtiment simple, rien ne saute aux yeux.
Ici, la tendance n’est pas au « tape à l’œil ». L’essentiel se passe dans les vignes.
On pénètre dans un chai avec ses cuves silencieuses et on poursuit par une salle plus obscure où sont serrées des fûts sur deux niveaux. Nos syrahs s’expriment bien, elles sont dans le fruit avec leur côté graphite.
Vincent saute sur les barriques la pipette à la main, et donne à goutter d’une main experte un extrait du travail en cours. Les vins sont en élevage. C’est une étape d’éclosion puis de transformation. Nous sommes à peine à la sortie de l’enfance du vin.
Chaque tonneau est affecté à une délimitation de terrain. Car les parcelles livrent des accents différents, à peine perceptibles pour le néophyte mais intenses pour lui qui est traversé par le souvenir de ces milliers d’endroits.
En 2007 les taux de souffre ont chuté, dès 2009 le bio s’installait dans les pratiques. Des essais en biodynamie sont mis en place…Pour quels résultats ?
Et à la dégustation ?
Des syrahs en mode majeur, des grenaches voluptueux et un mourvèdre onctueux et frais.
Nous goûtons et j’évalue les élégances des jus.
C’est droit, sans lourdeur et on perçoit immédiatement les contours du fruit.
La maîtrise des cuves ou du temps de repos ne sont pas proposés au hasard mais adaptés selon les millésimes. On se refuse à faire des extractions plus fortes, il y a de la matière.
On veut rester sur la délicatesse.
La gamme des vins
5 cuvées en 5 cépages, 40 000 cols. Avec une production de 21 hectolitres à l’hectare on comprend que nos deux comparses ne cherchent pas la surproduction. Certaines parcelles n’atteignent que 15.
Les Bancels 2017 Pic St Loup sur la persistance. Nez floral délicat, sur la rose, fruité de cassis. Des tannins poudreux. La syrah est légèrement poivrée accompagnée de soupçon de tapenade. Bel équilibre aromatique.
Un Loriot blanc 2019 gouté sur cuve, à rechercher pour son assemblage de viognier, de roussanne et petit manseng. Particulièrement réussi. Très floral s’étirant sur des notes poires et de fruits exotiques en finale.
Le Chant des Sorbiers 2017 (Languedoc). Amplitude des textures. Une bouche fine, soyeuse et empreinte de délicatesse. Le vin malgré sa jeunesse est déjà en place. Des notes de garrigue, de violette, une finale poivrée. Le mourvèdre est racé.
Comment Samuel et Vincent résistent-ils aux sirènes de l’argent ? Un peu par philosophie, sous l’effet d’une démarche acquise et héritée des aïeux, des idées qui nous sembleraient fortement éloignée des préoccupations modernes. Faire bien, faire bon. En accord avec la terre, c’est une affaire de désir. Une affaire de poésie !
Jean Luc
*Desiderata, Max Ehrmann, 1927
Image à la Une : ©languedoc-wines.com