ma cave est en mikado !

Anticipons un peu…Vous avez enfin bouclé ce roadtrip que vous vous étiez tant promis de réaliser un jour : parcourir quelques unes des nombreuses régions viticoles françaises. Des paysages à couper le souffle, de belles rencontres et peut-être de nouvelles amitiés, des dégustations au cours desquelles vous avez cru ressentir que le temps s’était arrêté, bref  plein de souvenirs pour vos vieux jours et bien sûr, des cartons de bouteilles qui attendent en Point-Relais votre retour à la maison.

L'œnotourisme en camping-car

Une autre façon de voyager, qu'on aime ou qu'on aime pas les camping-cars : avec France Passion plus de 800 domaines les accueillent pour une nuit ou plus. Sans être glamour, c'est quand même plus fun qu'une place sur un parking d'hypermarché...

La formule est éprouvée : elle existe depuis plus de 30 ans. Et le principe est simple : des producteurs fermiers et vignerons vous invitent à stationner gratuitement sur leurs propriétés pour une étape de 24h.

L’accueillant France Passion vous propose des emplacements plats et stabilisés, un accueil authentique et convivial,  des conseils, bons plans et idées de visites dans sa région et pour ceux qui le souhaitent une visite du domaine.

Seules conditions pour profiter de cet extraordinaire réseau de stationnement (plus de 2000 emplacements en rajoutant aux vignerons les fermiers et les artisans) : voyager en camping-car, van ou fourgon aménagé autonome (eau, wc, déchets), être en possession du Guide des étapes de l’année en cours, respecter les Règles d’Or de l’accueil France passion à découvrir sur leur site.

Chausse-pied

C’est là que l’aventure (et les ennuis…) commence. Vous les avez tous ouverts, ces cartons, et ce n’est qu’une fois les bouteilles dressées les unes à côté des autres que vous réalisez que chacun contenait des formes différentes. Des hautes, des ventrues, des corsettées …Elles sont bordelaises, bourguignonnes, ligériennes, alsaciennes, champenoises, rhodaniennes, provençales. Elles auraient bien en commun leur contenance : 75 cl…

Las, Ce clavelin du Jura n’en compte que 62cl…Sans compter ces deux ou trois vignerons qui en prime vous ont offert un magnum de leur meilleur vin…

Pourquoi 75cl ?

Rappelons que les premiers clients des vignerons français furent les Anglais, installés d'ailleurs dans le Bordelais pour faciliter ce commerce.

Sauf que le système métrique n'était évidemment pas de leur goût et ne facilitait pas les échanges. Un litre ne correspondait pas à grand chose outre manche.

Après de nombreux tâtonnements on s'est mis d'accord en 1866 sur cette unité de 75cl qui, multipliée par 6 correspondait à 1 gallon anglais : 4,54 L. Et multipliée par 50 (gallons), on obtenait une barrique de 225 L. En fait le calcul avait été fait dans l'autre sens...

L'Europe est passée par là et aujourd'hui c'est une norme obligatoire avec de nombreuses exceptions puisqu'en France, la loi autorise huit volumes différents de 100 ml à 1,5 L...

Le commerce des vins reste marqué par cette histoire car les caisses de bouteilles sont majoritairement vendues par 6 ou par 12.

Mais oui, il y a des raisons à cela : la région, la tradition, la réglementation, les contraintes techniques dont il va falloir tenir compte lors du rangement dans votre super cave-à-vins-de-vieillissement d’une capacité théorique de 300 bouteilles et plus, réduite à près de la moitié, une fois celles-ci réparties sur les clayettes supplémentaires dont vous n’aurez pas manqué d’équiper votre armoire.

Que voulez-vous c’est le charme de notre tradition viti-vinicole…Sauf que certains vignerons n’hésitent pas à conditionner leur vin dans des formes « originales » pour se démarquer de la concurrence, c’est à dire de leurs voisins, ceux avec lesquels ils ont peut-être créé leur AOC.

Une démarche qui peut avoir son sens, lorsque la bouteille doit se « faire voir » sur un linéaire de la Grande Distribution. Mais les vins dont nous parlons aujourd’hui, achetés au domaine, n’ont pas vraiment ce problème.

struggle for life

Passées ces considérations mercantiles, je m’interroge. N’y aurait-il pas là à la fois une forme d’égoïsme exacerbé vis à vis du collectif auquel le domaine appartient dans le genre seul au monde, doublé d’un manque de confiance en soi, comme si, par la magie du marketing, le flaconnage allait rendre le vin meilleur car plus original. Et dans tous les cas un mépris pour le client qui n’a qu’à se débrouiller avec le problème posé.

La responsabilité du verrier peut être aussi mis en cause : on peut lire sur le site de l’un d’eux : La forme de la bouteille de vin peut être un facteur clé dans l’acte d’achat du consommateur. Désolé mais pour moi la forme de la bouteille est désormais rédhibitoire si elle ne reflète pas celle de sa région d’appartenance.

chassez l’intru

En attendant vous voilà à tenter de faire tenir en équilibre (pas gustatif celui-là) six bouteilles tronconiques de ce sublime chenin de l’Ile de Ré dégusté les pieds dans l’eau au soleil couchant, avec six congénères bordelaises de chardonnay vendéen découvertes à Vix, aux Portes du Marais Poitevin. Lesquelles piqueront du nez sur l’étagère les premières ?

Et que faire de cette bouteille de Mateus ?

L’affrontement se poursuit chez les rouges, sur la clayette du dessus, entre une demi douzaine de bouteilles ventrues d’un Anjou Villages de Rochefort-sur-Loire qui refusent de laisser un peu de place aux goulots de ligériennes d’un cabernet franc angevin. Comme dans les dortoirs d’un refuge alpin. Et ne tentez pas de faire coulisser la clayette, dégât des eaux et mélange des couleurs assuré !

Côté rosé ce n’est pas mieux : ce Miraval qui m’a été offert squatte la place de 3 bouteilles à lui tout seul. Comme si Brad Pitt avait pris trois tours de taille. D’accord vous me direz : que font des bouteilles de rosé dans une cave de vieillissement ? Pas faux ! Et si vous avez un autre endroit à me recommander pour stocker mon vin, je suis preneur !

le marketing de la discrétion

A contrario, mes petites curiosités sont conditionnées dans des flacons tout à fait standard : je pense à ce Minervois du Domaine de la Tour Boisée, une cuvée aux 23 cépages de Jean-Louis Poudou, ce Val de Loire d’Henry Marionnet, un vinifera non greffé qui n’ont nul besoin de se faire remarquer. Leur seul nom est une promesse d’achat !

Alors restons calme, et soyons plus vigilant lors de nos prochains achats !

François

 

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Réalisateur documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.
Catégories : oenotourisme

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