les marques territoriales revitalisent-elles les départements ?

« Je vois la vie en Vosges », « Épinal, la Belle Image », « À La Spinalienne » et « Saint-Dié Vallée des Vosges – Vivre ». Quatre marques pour un territoire, celui des Vosges. Sont-elles de véritables moteurs de transformation ou simplement des outils de visibilité ? Comment éviter qu’elles ne se concurrencent ? Et concrètement, quelles sont les recettes de leur succès ?


Les Vosges ont-elles trouvé leur marque de fabrique pour se hisser au sommet ? Depuis 15 ans, « Je vois la vie en Vosges » invite à découvrir un territoire où nature et authenticité s’entrelacent. En 2016, « Épinal, la Belle Image » a rejoint le mouvement, suivie récemment par « À La Spinalienne » et « Saint-Dié Vallée des Vosges – Vivre ». Ces marques territoriales traduisent une ambition forte : transformer l’attractivité économique et sociale de la région.

Mais ces initiatives, qui impliquent des investissements significatifs, sont-elles de véritables moteurs de transformation ou simplement des outils de visibilité ? Cet article explore le rôle stratégique des marques vosgiennes. Il interroge leur capacité à se distinguer dans un paysage où chaque territoire cherche à se… démarquer.

« Je Vois la Vie en Vosges »

Connues pour ses célèbres montagnes, ses lacs, ses stations thermales, ses circuits de vélo ou les défilés de la Saint-Nicolas, les Vosges attirent de plus en plus de touristes. Selon l’observatoire du tourisme des Vosges en 2023, le département a attiré 3,8 millions de touristes, a généré 5 600 emplois touristiques salariés et 14,4 millions d’euros d’investissements touristiques. Le département affiche sa volonté de s’appuyer « sur la notoriété grandissante de la marque « Je vois la vie en Vosges » pour attirer de nouvelles activités et de nouveaux habitants, notamment de jeunes familles.

Dans un monde où l’attractivité des territoires est devenue un enjeu stratégique, les Vosges se réinventent pour relever des défis de taille : déclin industriel, transition écologique, dépeuplement et vieillissement de sa population. Le département qui combine des espaces ruraux prédominants et des pôles urbains dynamiques – Épinal ou Saint-Dié-des-Vosges – a vu naître plusieurs initiatives de marketing territorial.

Attirer entreprises, habitants et touristes

Depuis 2008, « Je vois la vie en Vosges » agit comme porte-drapeau du département. À cette initiative s’ajoutent des marques plus ciblées comme « Épinal, la Belle Image » (2016), « À La Spinalienne » (2024) et « Saint-Dié Vallée des Vosges – Vivre » (2024). Elles viennent de se positionner comme un levier de développement économique et de mise en réseau des entreprises. Ces marques affichent une ambition commune : valoriser les richesses du territoire pour attirer entreprises, talents et visiteurs, tout en fédérant les habitants autour d’un sentiment d’appartenance partagé.

 

Cependant, leur coexistence soulève des questions stratégiques : comment éviter qu’elles ne se concurrencent ? Quels outils permettent d’évaluer leur efficacité ? Et comment s’assurer que leur rayonnement dépasse les frontières vosgiennes pour toucher un public plus large ? Le branding territorial a un coût et cela engendre des débats en temps de crise. Ainsi, le département des Vosges a investi 742 500 euros en marketing territorial en 2024. Avec quel impact attendu pour le grand public ? Ces interrogations révèlent un enjeu déterminant : ces marques ne sont pas de simples coups de communication. Elles sont des leviers essentiels pour transformer l’image et l’avenir des Vosges.

Branding territorial : les recettes du succès

La marque territoriale joue ici un rôle important. Elle peut être définie comme un outil de marketing reposant à la fois sur les perceptions des groupes cibles – correspondant à l’image – et celles des communautés locales – correspondant à l’identité. Différents travaux dans la littérature du branding territorial (Anholt, Kotler, Ashworth et Kavaratzis) montrent que le branding territorial est un véritable levier stratégique de développement économique. Il permet de construire une identité forte, en valorisant les spécificités locales et en mobilisant les habitants.

Devanture de la boutique « Je vois la vie en Vosges » d’Épinal.
Jevoislavieenvosges

Pour faire face à la multiplication des marques sur un territoire, le positionnement des marques est central. Une complémentarité entre les marques d’un même territoire est donc nécessaire. Cette perspective est particulièrement pertinente dans le contexte vosgien, où plusieurs marques coexistent. Une coordination efficace entre marques permet de maximiser leur impact tout en évitant la concurrence interne. La participation des citoyens peut également permettre d’améliorer la qualité de la marque et l’attachement à la marque du territoire.

94 % des Vosgiens adhèrent à « Je vois la vie en Vosges »

Les marques vosgiennes se distinguent par leurs périmètres d’action et leurs missions spécifiques. « Je vois la vie en Vosges », couvrant 507 communes, agit comme une bannière fédératrice à l’échelle départementale.

Elle valorise le patrimoine naturel et culturel à travers des campagnes nationales et des partenariats stratégiques. La marque qui réunit à présent 350 entreprises a fêté ses 15 ans, et a montré son efficacité. Selon une étude du CSA sur la notoriété de la marque, 94 % des Vosgien(ne) s connaissent la marque et y reconnaissent un engagement pour le local, le bien vivre et les savoir-faire vosgiens. 80 % des Français y adhèrent, et 40 % des jeunes de moins de 35 ans la plébiscitent.

Communauté d’Agglomération d’Épinal

Hashtags, partenariats et visites d’entreprises

Les stratégies de communication varient selon les objectifs et les publics cibles.

« Je vois la vie en Vosges » privilégie des campagnes d’envergure nationale, renforcées par des collaborations avec des entreprises emblématiques telles que : Bleu Forêt, Le Jacquard français, Atelier TB, la Confiserie des Hautes Vosges et Clairefontaine, etc. À une échelle intercommunale, « Épinal, la Belle Image » mobilise une communication digitale et participative. Elle incite les habitants et visiteurs à partager des contenus via des hashtags comme #epinallabelleimage et #onestpasbienla.

La municipalité d’Épinal a ouvert un « office du commerce » et lancé une marque de centre-ville « À La Spinalienne ».
Ville d’Épinal

La marque utilise également des autocollants, cartes postales et autres supports pour renforcer son identité collective. « À La Spinalienne », s’appuie sur des objets personnalisés pour fédérer commerçants et habitants autour d’une identité forte. Quant à « Saint-Dié Vallée des Vosges – Vivre », elle combine ateliers et visites d’entreprises avec une communication orientée vers la mise en réseau des entreprises pour consolider son attractivité économique.

Les habitants, premiers ambassadeurs de la marque

La participation des habitants et des acteurs locaux est un levier central pour le succès des marques vosgiennes.

« Je vois la vie en Vosges » mobilise les habitants grâce à des initiatives départementales comme le Triathlon de Gérardmer. La marque remporte un franc succès avec la vente en ligne ou sa boutique éphémère de produits emblématiques (bonnets, écharpes, chaussettes…) estampillés avec le logo de la marque. Elle renforce ainsi le sentiment d’appartenance des clients locaux et touriste.

Triathlon de Gérardmer.
Jolisoleil/Wikimediacommons, CC BY

Pour « Épinal, la Belle Image », la co-construction se traduit par des outils accessibles. Des autocollants et des cartes postales rendent les habitants de véritables ambassadeurs actifs. « À La Spinalienne » mise également sur l’appropriation locale. Elle est renforcée par la co-construction de la marque avec les commerçants eux-mêmes et la distribution de produits personnalisés. De manière similaire, « Saint-Dié Vallée des Vosges – Vivre » mise sur son réseau d’ambassadeurs représentés dans ses 76 communes.

Une histoire d’identité, de fierté et de… passion !The Conversation

Nora Bezaz, Enseignante-Chercheuse spécialisée en marketing, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Ecrit par Nora Bezaz

Commentaires:

  1. Raffard Jean-Philippe dit :

    Voilà un article très intéressant, madame Bezaz, mais la médaille a un revers qui n’est pas vraiment évoqué. Les territoires relèvent de la vie politique, économique et sociale, avec son lot de bonnes et de mauvaises nouvelles que l’actualité égrène au fil du temps. Le marketing territorial, tel que vous le décrivez, s’apparente au monde des Bisousnours, bien sympathique mais déconnecté des réalités souvent difficiles. Tenez, Plombières les Bains, un exemple de naufrage économique pour une station thermale réputée. « Je vois la vie en Vosges » est bien absent du débat. Une marque locale pourrait-elle contribuer à remobiliser les habitants sinistrés et les curistes en manque? Les marques des territoires ont une force fédératrice indéniable, mais elles doivent s’enraciner davantage pour devenir un étendard de la vie d’un territoire.

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