2020, il faut bien nous l’avouer : la situation sanitaire nous a obligés à dépoussiérer notre atlas de France et à nous pencher sur nos régions et leurs vins. Les terres corréziennes en font partie. Et elles sont pleines de promesses. Cinq des plus beaux villages de France : Collonges-la-Rouge, Ségur-le-Chateau, Curemonte, Turenne, Saint-Robert. Sans oublier le domaine de Pompadour célèbre pour son Haras national et son festival de jazz annuel, la route gourmande de la pomme du Limousin…
Autant de découvertes à faire au fil d’un voyage au sein du petit mais irréductible vignoble de Corrèze.
L’ardoise signature d’un terroir
La Corrèze, le « Bas-Limousin » de l’Ancien Régime, est entourée du bassin aquitain, de l’Auvergne et du Limousin. Son relief ressemble à un escalier : 984 m au nord-est à 87 m au sud-ouest. Entre les deux, des plateaux culminent à 500m d’altitude environ. Une morphologie géographique et climatique somme toute intéressante pour produire des vins. Le vignoble se situe au nord de Brive, sur les coteaux d’un affluent de la Dordogne : la Vézère.
En Périgord, sa vallée est par ailleurs inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO pour la beauté de ses paysages et pour les traces laissées par les premiers hommes il y a 10 000 ans.
En Corrèze, elle a creusé ses gorges dans la roche et ainsi, nous trouvons les dernières carrières d’ardoise de France encore en activité au nord de Brive. Mêlée aux schistes, l’ardoise offre aux vignes un sol unique, pieds qui s’épanouissent sur des coteaux pentus orientés sud-est ou sud-ouest.
L’ardoise est la marque de fabrique, l’essence même des vins de Corrèze-Coteaux de la Vézère, l’élément qui les différencie des autres. En effet, les cépages que nous y retrouvons sont similaires aux cépages ligériens, notamment du côté de la Touraine et de l’Anjou.
Les vins tranquilles rouges et blancs en AOC Corrèze à laquelle s’ajoute la dénomination « Coteaux de la Vézère » sont issus du cabernet franc pour les rouges et du chenin pour les blancs.
Ces deux vedettes des parcelles ont conquis le cœur mais surtout le palais des acteurs du monde viticole. N’oublions pas que le chenin est le cépage par excellence du Val de Loire, de l’Anjou. En Corrèze aussi désormais. Il s’y décline en sec, demi-sec, moelleux et liquoreux.
Histoire d’un irréductible vignoble
Le bon sens voulait que la vigne revienne en pays corrézien. Dès le Vème siècle, les moines des abbayes locales et les évêques de Limoges la cultivent, notamment du côté d’Allassac, Voutezac et le Saillant (anciennement Orbaciac). Il est déjà fait mention des domaines du Bassin de Brive dans le testament d’Aredius (ou saint Yrieix), évangélisateur et fondateur de monastères. L’essor du vignoble trouvera son apogée au XIXème siècle avec ses 16 735 ha.
Cependant, à la fin des années 1800, pour des raisons économiques, techniques (fortes pentes difficilement mécanisables) et sanitaires (apparition du phylloxéra), le vignoble de la Basse Corrèze disparaît quasi entièrement. Seules quelques parcelles subsistent alors à Allassac et Voutezac.
Dans les années 2000, l’idée d’un retour de la vigne fait son chemin. 5 hectares sont alors plantés : Jacques Chirac, natif de ces terres, jouera alors un rôle majeur. Puis, en 2002, le projet de relance de la viticulture au nord du Pays de Brive voit le jour, un pari qui s’avère gagnant. Jusqu’alors, une partie des vignobles corréziens était reconnue en IGP.
Mais, le 3 mai 2017, l’INAO vote la reconnaissance de l’AOC Corrèze dont le projet fut porté notamment par la Cave des Coteaux de la Vézère avec son président, René Maury.
Celui-ci suit l’expertise avisée du célèbre œnologue, Jacques Puisais, qui s’est pris d’affection pour ce territoire et propose avec sagesse et justesse l’implantation du cabernet franc et du chenin sur les Coteaux de la Vézère. Rappelons que ce grand Monsieur, auteur et philosophe du goût auquel il dédie sa vie, qualifié de « Trésor Vivant » par les Japonais, est fondateur de l’Institut du Goût à Tours :
La cave des Côteaux de la Vézère : découverte & dégustation
La Cave des Coteaux de la Vézère a été créée sur un modèle innovant, moderne et précurseur. Aucun des membres n’était vigneron au commencement, un sacré pari.
Aujourd’hui, elle comprend une dizaine de viticulteurs propriétaires et une cinquantaine d’associés vignerons. Cinq salariés y travaillent à plein temps et bénéficient régulièrement des conseils de Jacques Puisais.
Les 22 hectares de la cave sont en bio : la viticulture y est raisonnée et essentiellement manuelle. En 2016, sa production s’élevait à 90 000 bouteilles.
La dégustation de la gamme des Périères (En langue d’Oc, « peirièra » désigne une carrière, un amas de pierres) fut prometteuse, tout comme le prix de ses bouteilles :
Les Périères – chenin sec 2017 : 11€
Le côté agrumes de ce vin laisse présager un bel accord autour des fruits de mer et coquillages voire d’un poisson grillé accompagné d’un wok de légumes.
Les fleurs blanches se mêlent à une sensation de salinité. Frais et fruité, il enchante les papilles.
Température de service : entre 8°C et 10°C
Capacité de vieillissement : 5 à 7 ans
Les Périères – chenin sec – cuvée spéciale les Terrasses 2018 : 14€
Nous montons en gamme avec cette cuvée en parcellaire : plus étoffée, elle trouverait son idéal en se mariant avec des crustacés, une lotte cuisinée ou pourquoi pas des Saint Jacques parfumées à la vanille. Elle sera aussi le compagnon de fromages affinés.
Structuré en bouche et élégant, il est très aromatique et il est intéressant de le laisser vieillir un peu.
Température de service : 8 à 10°C
Capacité de vieillissement : 4 à 6 ans
Les Périères – chenin demi-sec 2016 : 11€
Gourmand avec ses notes de fruits jaunes mûrs et léger avec son côté floral, il a une belle vivacité et un équilibre qui se marieront à la perfection avec une viande blanche en sauce, un plat sucré-salé ou un bleu d’Auvergne.
Température de service : entre 10°C et 12°C
Capacité de vieillissement : 5 à 7 ans
L’année 2018 fut généreuse et permis de réaliser un beau liquoreux 100% chenin : Dernières Vendanges. Un petit trésor à déguster au goûter avec une flognarde (dessert à base de pommes) un dimanche d’automne au retour d’une promenade en forêt ou à partager autour de fromages persillés avec des proches.
Les Périères – cabernet franc 2018 : 12€
Un boudin noir aux pommes, un magret de canard ou une côte de bœuf du Limousin iront à ravir avec ce cabernet franc, puissant et épicé. Les notes de cassis amènent de la gourmandise et les tanins une belle structure qui nécessite de vieillir au moins 2 ans.
Température de service : entre 17°C et 18°C
Capacité de vieillissement : 5 à 7 ans
Un liquoreux 100% chenin en IGP : Orbaciac allie le vin et l’art. Dans la petite église du Saillant de Voutezac, vous pourrez admirer quelques vitraux de Marc Chagall : l’un d’eux, nommé « la Création » qui a inspiré l’étiquette de ce vin.
Enfin, une autre gamme est aussi proposée, Gamade, en IGP « Pays de Brive » entre 8 € et 9 € la bouteille. Vous trouverez des assemblages chardonnay-sauvignon en sec et demi-sec, cabernet franc-pinot noir, un muscat sec et un gris rosé à base de pinot noir, à un rapport qualité-prix plus qu’intéressant !
D’autres expérimentations sont en cours, en corrélation avec l’environnement, la géologie et l’histoire du lieu. Histoire à suivre…
Le vignoble corrézien de 73 hectares est promis à un bel avenir et, un jour, ses vins mériteront leur place sur les plus grandes tables.
Le Val de Loire aurait-il du souci à se faire ? Aucune inquiétude, il y a de la place pour tout le monde et la diversité n’est que plus enrichissante !
Si vous êtes de passage par ce département, n’hésitez pas à vous arrêter pour humer, goûter, déguster ce petit coin de France.
Caroline
Photo à la Une : Par Budotradan — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15531034
Ca me rappelle le « petit cidre corrézien sans prétention » dont Chirac faisait la promotion !
Blague à part, ça donne envie de s’y arrêter et découvrir tout ça !
Merci, Caroline, de nous avoir éclairé sur ce « petit » vignoble corrézien.
Jean-Claude Bonnaud