La Loire et ses vins pour le plaisir des mots

Ce titre est trop réducteur car le remarquable ouvrage de l’historien Emmanuel Brouard (La Loire et ses vins, Flammarion 2021, 192p, 29€) va bien au-delà des perles savoureuses du vieux français ou des parlers locaux.

Tenez, à propos des rendements : autour d’une busse de vin par quartier lors des grandes vinées.

En 1765, les vins du coteau (Suzy et Dampierre) sont  » fort spiritueux  » c’est quand même plus évocateur qu’un degré d’alcool élevé. Il s’agit d’un beau livre culturel aux illustrations symboliques signées du talentueux Djohr.

Un livre qui nous raconte la Loire, toute la Loire avec ses affluents et ses vignobles et bien sûr son commerce du vin, disons avant l’arrivée du chemin de fer, lorsque la voie fluviale était reine.

FILOUTER LE GABELOU

Et là, on est estomaqué par les trésors d’inventivité que manifestaient les négociants pour faire transporter leurs barriques à Paris ou les descendre à Nantes par les mariniers, appelés voituriers.

Il y avait bien sûr les aléas de la navigation, les crues, l’étiage du fleuve, les coups de vents, les vols et pertes de marchandises.

Mais il n’y avait rien de pire que les péages sur le fleuve. Le plus connu était celui d’Ingrandes sur Loire qui marquait la frontière entre la Bretagne et le Royaume de France.

Quand les Ducs avaient besoin d’argent pour financer leurs guerres, on n’hésitait pas à taxer la marchandise à 100%. On connaît l’histoire de l’essor du vignoble nantais au 17ème siècle. Justement le péage d’Ingrandes bloquait l’arrivée des vins d’Anjou de meilleure réputation. Et le gros-plant nantais si productif alimentait à feu continu les distilleries de Nantes et de Rezé pour fournir en eau-de-vie les Hollandais gros acheteurs pour leur marine.

MAUVAISE RÉPUTATION

Un autre exemple : le vignoble orléanais était au XVIIIème siècle le plus grand du bassin de Loire, avec plus de 30 000 ha. Comment a-t-il pu décliner drastiquement en moins d’un siècle ? L’essor de Paris lui a été fortement préjudiciable. Le prix du blé est élevé au milieu du siècle et pendant le second Empire, ce qui encourage la reconversion des meilleures terres. Les vignerons arrachent les vignes car le vin ne rapporte plus… Le choc du phylloxéra l’achevé.

Savez-vous pourquoi les vins d’Anjou ont longtemps gardé mauvaise réputation à Paris ?

Les étrangers sélectionnent méticuleusement les vins et ne les achètent que lorsqu’ils sont vraiment bons, tandis que les marchands de Paris les choisissent sur le critère du prix à la pièce qui ne doit pas dépasser 20 livres. Remarquez, ces marchands ont fait la même chose, il n’y a pas si longtemps avec les Saumur-Champigny !

Un «pot-de-vin» ? Cette petite somme supplémentaire, aussi appelée « denier de Dieu » payée comptant marquait l’acceptation du vendeur pour dire à l’acheteur : tope-là !                    

Aujourd’hui, c’est du pénal.

LES AMOUREUX DE LA LOIRE

Un livre de belle facture, accessible, jubilatoire pour l’amateur d’histoire qui se déguste à petits doses comme un Quarts de Chaume Grand cru. L’historien Emmanuel Brouard rejoint les grands amoureux de la Loire qui ont chanté ses vins.

Ceux qui nous ont offert des voyages dans l’histoire et le temps du fleuve royal inscrit en 2000 sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité. Je pense à l’académicienne Danièle Sallenave avec son Dictionnaire amoureux de la Loire (Plon 2014).

Aux nombreux ouvrages- Les Femmes du Val de Loire, La Loire est en Elles, Vins mille lieux sous la Loire-de Jean-Claude Bonnaud, fondateur de la revue Le Vin Ligérien. Qui pourrait oublier la rencontre explosive entre Étienne Davodeau, auteur de BD et le vigneron Richard Leroy ? L’histoire des Ignorants (Futuropolis 2011) au succès phénoménal se déroule évidemment en Loire. What else ?

Jean Philippe

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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