La caisse en bois prend l’eau

Que faites vous de vos caisses bois inutilisées ? Si vous faites partie du panel de l’enquête lancée par l’Alliance France Caisse Bois vous n’échapperez pas à cette question.

Pour l’instant on ne sait si les Français les conservent dans leur cave jusqu’à leur dégradation naturelle, en font de la planchette pour alimenter le foyer familial – très mauvaise idée, les résineux encrassent les cheminées – les balancent aux encombrants ou mieux, les recyclent en objets décoratifs, meubles éphémères, porte-bagages pour vélo ou cachettes pour nains de jardin.

Est-ce bien essentiel ? Quand rien ne va plus sur la planète vin, il y a peut-être d’autres priorités.

Qu’on se détrompe !

L’affaire est d’importance car elle menace l’avenir de la caisserie bois, un modeste secteur économique qui pèse quand même 45M€, 300 emplois et fait tourner une quarantaine de PME principalement dans le bordelais, en Bourgogne et en Champagne.

Ce qui paraît logique.

10 millions de caisses produites par an, ça en fait de la planche coupée ! le problème c’est que les ventes dégringolent.

RECYCLAGE OU PAS ?

L’enjeu existentiel pour ce secteur, c’est le recyclage, comme l’explique la porte-parole de l’association Camille Lebrun, directrice générale de la Caisserie Marie Louise en Gironde.

Le carton, éternel concurrent de la caisse bois gagne des parts de marché, c’est le sens de l’histoire, mais avec un avantage jugé déloyal par la caisserie bois, celui d’un niveau de recyclage proche des 100%.

C’est bon pour la planète évidemment et c’est surtout bon pour l’empreinte carbone des châteaux et domaines qui se livrent à des arbitrages compliqués pour viser la neutralité carbone. Quand on entend que certains châteaux ou exploitants nous délaissent pour du carton car cela les pénalise dans le bilan carbone, ça nous alerte parce que c’est faux, rétorque la porte-parole qui espère bien démontrer que le recyclage de la caisse bois est une réalité.

LA CAISSE EN BOIS EST-ELLE MENACÉE ?

Demain je signe à deux mains la pétition pour la survie de la caisse bois. Comme beaucoup d’amateurs avertis, ma cave affiche un bric-à-brac de cartons et caisses bois à demi-entamées. Au premier abord, ça fait désordre, un peu tanière même, mais je m’y plais bien. 

A y regarder de près, mes caisses bois sont anciennes. Mes plus récentes acquisitions, souvent par lot de 3 bouteilles, sont en boîte carton cannelée avec poignée, très pratique ma foi. Laissons la caisse bois 6 bouteilles aux Grands crus classés, les vrais.

N’a-t-on pas vu des châteaux plus ou moins anonymes se pousser du col avec leurs caisses aux fausses armoiries pyrogravées pour épater la galerie comme on disait à l’époque.

Il n’empêche que la caisse bois avec fermeture sécurisée est vivement conseillée aux spéculateurs qui pourront attester de l’authenticité de leur bien lors d’une vente aux enchères comme le conseille IDealwine.

Rajoutons un argument qui tombe sous le sens : quand la palette tombe du camion, il vaut mieux avoir choisi la caisse bois. Elle possède une endurance à l’effort huit fois supérieure lors du gerbage et cède sous 14 tonnes de pression tandis que le carton explose à 5 tonnes. dit l’argumentaire.

NICHÉE DANS SON ÉCRIN BOIS

Ne pouvant malheureusement plus accéder aux Châteaux haut de gamme par caisse de six, je privilégie la belle bouteille, la bouteille unique, le magnum souvent. Celle qui m’a été offerte ou celle pour laquelle j’ai craqué.

Comment résister à la bouteille nichée dans son écrin bois qui déploie tous les feux de sa séduction ?

Mon Bonnezeaux 2014 Châteaux de Fesles a une sacrée allure dans son coffret bois sur mesure. Lors de son ouverture sacrificielle, une petite main sera chargée de démonter le coffret avant le maniement délicat du tire-bouchon.

Je n’imagine pas un instant un coffre PVC ou cartonné, mais en disant cela me voilà à contre-courant des magnifiques packagings des Maisons de Champagne. Disons qu’il faut les deux.

LA CAISSE BOIS ET LE TONNEAU

Comparer la caisserie à la tonnellerie est très excessif, mais ces deux métiers artisanaux travaillent le bois pour magnifier le vin. La planche sera découpée avec précision comme la douelle. Ces deux savoir-faire partagent le feu en bien commun, pour la chauffe en tonnellerie, pour la gravure en caisserie.

Un produit fonctionnel, noble et durable qui ne va pas chercher la planche de pin n’importe où mais dans une forêt des Landes ou de Galice certifiée PEFC international ou FSC- Forest Stewardship Council. Ces labels internationaux garantissent que la forêt est gérée durablement avec des sources contrôlées.

Les caisseries mettent l’accent sur leurs efforts d’investissement, les machines automatisées, la personnalisation des produits, les techniques de gravure laser, etc. Elles insistent sur le sourcing de la matière première pour afficher un profil éco-responsable exemplaire. Est-ce bien suffisant pour susciter l’adhésion?

POURQUOI CE DÉSAMOUR ?

Les châteaux n’y sont pas pour rien dans les difficultés du secteur, me glisse un négociant, en tirant au maximum les prix vers le bas, à moins de 5€ la caisse de base. La faute aux contrôleurs de gestion ? C’est probable, mais j’y vois une cause plus profonde.

La caisserie demeure une sorte de scierie spécialisée, laissant à d’autres le soin de perpétuer l’art millénaire de la pyrogravure et aujourd’hui la gravure laser, comme expression créative riche de valeur ajoutée.

Où voit-on les concours de créations pyrographiques, si fréquents en Italie ? Ces savoir-faire qui remontent au Moyen Âge ont toute leur place dans l’univers culturel des métiers d’art et des métiers nobles du vin et de la vigne.

Malheureusement on ne les voit pas suffisamment. Alors oui, je signe la pétition pour la survie des caisses bois. Et je signe aussi la pétition qui demandera à la Cité du Vin – via sa Fondation pour la Culture et la Civilisation du Vin – de mobiliser ses conservateurs pour réaliser une grande exposition sur la dimension culturelle de la caisse bois.

Jean-Philippe

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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