L’offre de ventealapropriete.com pour ce vin d’Arménie de Zorah Wines a toutes les raisons de séduire les amateurs des vins d’ailleurs. Je sais qu’en cette période tourmentée, le réflexe national et le «made in France » ont les faveurs du discours politiquement correct. Je sais aussi que le bilan carbone d’un vin venant d’Asie Mineure est problématique. Mais le vin d’ailleurs a ce petit goût de la transgression qui le rend encore plus savoureux.
Comme en amour, un petit écart permet parfois de redécouvrir les immenses qualités de nos vins français quelquefois affadies par une consommation trop routinière.
Cette cuvée envoutante, savoureuse et précise, notée 16/20 par Olivier Poussier est une invitation au voyage : embarquez pour l’Arménie. Avant de dégainer ma carte bancaire, j’ai besoin d’en savoir davantage pour comprendre d’où vient ce vin afin de raconter son histoire, sa culture, lorsqu’on ouvrira la bouteille.
Et la compassion ?
Il y a quand même un point qui me chagrine. Comment font-ils, à ventealapropriete.com pour passer sous silence les malheurs de ce tout petit pays, coincé entre la Turquie, l’Iran, l’Azerbaïdjan et la Géorgie, frappé par la guerre, il y a moins de 3 mois ? Ce souvenir douloureux, je pense que nous sommes nombreux à le partager, enfin ceux d’entre nous qui restons solidaires du premier pays chrétien au monde.
Sauf que l’offre n’est assortie d’aucune parole de soutien ni promesse de dons pour les associations caritatives. C’est bien au moment des fêtes que le marketing de la générosité prend tout son sens. Du coup ma carte bancaire risque de rester dans son fourreau.
Boire du vin : un acte militant ? Nous posions la question récemment, voilà un début de réponse.
Noé et son arche
Qui est derrière Zorah Wines ? Après une navigation ciblée, je découvre Zorik Gharibian, son fondateur, un arménien de la diaspora dont la famille a choisi l’Italie après le génocide.
Ayant fait fortune dans le textile à Milan, Il y a une vingtaine d’années, Zorik et son épouse Yeraz sont partis visiter la terre de leurs parents. Une fois sur place, ils décidèrent de replanter de la vigne sur les terres inhospitalières des pentes du mont Ararat. Cette région du Caucase est considérée comme le berceau de la viticulture, là où furent découvertes les traces les plus anciennes de la vitis vinifera, la vigne domestiquée.
Les légendes et récits bibliques y foisonnent comme celui de Noé et son Arche, C’est Noé, homme du terroir, qui le premier plante une vigne. Il boit du vin jusqu’à l’ivresse…’ Genèse 9, 20. Des conditions extrêmes qui découragèrent même le philoxéra à venir piquer les racines de ces vignes d’éternité.
Je commence mon voyage immersif en visionnant le film d’Eddy Vicken diffusé sur Arte « Invitation au Voyage ».
Puis j’explore le blog- carnet de voyage de Jean Baptiste Ancelot. En Arménie, il existe un potentiel viticole inestimable .Le globe-trotteur nous raconte sa belle rencontre avec Zorik Gharibian et son enthousiasme pour la qualité de ses vins. Pour feuilleter enfin l’étude universitaire du Prof. Françoise Ardillier-Carras sur l’histoire du vignoble d’Arménie, Renaissance vitivinicole en Arménie, berceau de la vigne et du vin.
Savoir-faire italien
Ma curiosité pour le Voyots Dzor Areni noir Karasi rouge 2018 va croissante, d’autant que l’équipe de vinificateurs de Zorah Wines est italienne, gage d’un haut niveau de professionnalisme. Le comité de dégustation lui trouve une « étonnante parenté avec nos grandes syrahs », ça tombe bien, j’adore les Saint-Joseph.
Enfin, son élevage en amphore (karasi) le rapproche de mes meilleurs souvenirs d’amphores géorgiennes (kvervri) et des jarres de l’Alentejo (talhas). Et pour couronner le tout, Charles Aznavour a dit : Le vin arménien est si particulier ; on le ressent au plus profond de soi, mais on ne peut pas le décrire avec des mots.
A lire aussi : les vins de Géorgie en amphore la magie du vin en Qvevri frappe fort !
Et on mange quoi ?
La proximité gustative avec les grandes syrahs donne une piste. On sait que ce cépage originaire de la ville de Shiraz en Perse, se marie admirablement avec la viande et le monde animal. Avec quels mets les Arméniens marient-ils leur cépage emblématique areni ?
Le Khorovadz, semble s’imposer d’autant que ce plat – des brochettes de viandes diverses- a été popularisé par le récit de voyage de Marc Brunet « J’irai manger des Khorovadz ».
Il semble que le Qyala l’emporte, comme le soutient le Courrier d’Ereban, le site d’information francophone en Arménie. Le qyala n’est rien d’autre que la tête du taureau :
Vais-je passer commande ?
Il me reste un petit contrôle à faire en croisant les informations avec celles données par le site Valade et Transandine, la référence en matière de vin d’ailleurs. Cette équipe de passionnés dont Olivier Poussier fait d’ailleurs partie, est animée par Jean-Luc Soubie (Vins du monde, Vins de Lisennes) qui distribue les plus grands domaines internationaux.
Parmi leur 650 références issus de 25 pays, va-t-on retrouver le Voyots Dzor Areni noir Karasi rouge 2018 de Zorah Wines ? Bingo ! Voilà qui me rassure sur la qualité du produit, mais revers de la médaille, il est proposé 30% plus cher. Certes on peut panacher le carton ou se limiter à un ou deux bouteilles, mais quand même ! De toute façon, c’est plié pour ventealapropriete.com qui a épuisé son stock.
Jean-Philippe
Image à la Une : Mont Ararat ©Serguei
Sujet très intéressant. Vraiment.