Karine Aliouane, diplômée de l’ESA d’Angers, fut lauréate du Grand Prix des Œnologues du Val de Loire 2022 pour son mémoire sur « le vieillissement des vins rouges d’Anjou, immergés à 25 m de profondeur en baie de Douarnenez ». Sa démonstration fut si convaincante, son analyse si rigoureuse que l’équipe du Point Vin (Jacques Dupont et Oliver Bompas) en a publié un article très documenté : « le vieillissement du vin rouge en mer » en juillet dernier.
Lors de sa présentation, Karine a surpris l’assemblée des œnologues et des journalistes présents en annonçant qu’elle souhaitait planter des vignes en Finistère. Elle nous a dit : Rendez-vous à la fin de l’année quand j’aurais planté mes premiers plans. Je ne devais pas être le seul à ricaner sous cape. Pour moi Douarnenez évoque l’épopée de la sardine, les fêtes maritimes, Tristan et Yseult, la ville d’Ys, les druides et l’hydromel, mais de-là à faire du vin……. Au piquet les sceptiques ! l’affaire est lancée avec maestria, comme vous allez le voir.
Jean-Philippe
des vignes pour Kerampape
Chaque personne s’adresse à moi en me demandant comment m’est venue cette idée… Spontanément la réponse est toujours la même : c’est l’endroit où je vis qui m’a inspirée ! Ces pierres à l’abandon entre campagne et littoral, achetées il y a plus de dix ans, renaissent après moult travaux de rénovation. C’était au tour des terres qui m’entourent de prendre vie- différemment- et de manière pérenne je l’espère !
Réchauffement climatique prometteur
Depuis 2016 l’INAO a assoupli la règlementation et il est maintenant possible de planter en Bretagne en VSIG (Vins Sans Indication Géographique). Par ailleurs le réchauffement climatique est prometteur : d’après les travaux menés par l’Université de Rennes II en 2021, les prévisions sur période végétative annoncent une baisse notable des précipitations. Quant au cumul de températures moyennes (toujours en période végétative) nous gagnerions 3 degrés, passant ainsi de 14 à 17° C. Ici en baie de Douarnenez le climat est océanique tempéré, avec un micro climat en bordure de littoral.
un sol vivant
Avant toute réflexion j’ai fait réaliser une fosse pédologique et deux études de sol à un an d’intervalle. La Bretagne repose sur un sous-sol granitique, mon domaine lui, est sur une faille géologique datant apparemment du Mésozoïque (moins 230 millions d’années) avec du quartz, schistes et mica. Mes deux parcelles ont une granulométrie sensiblement différente, avec un profil limono-sableux commun mais plus d’argiles sur la parcelle des chenins. Le sol est vivant, profond, avec un excellent niveau de matières organiques, drainant, un ph à 6.5, et une orientation SE.
Quels cépages choisir ?
Après une très longue réflexion personnelle, j’ai choisi de planter du chenin, du gamaret et du pineau d’Aunis. Impossible pour moi de planter un cépage que je n’aime pas boire ! Pour les blancs le choix s’est immédiatement porté sur le chenin, cépage que j’affectionne tout particulièrement, tellement différent d’un terroir à un autre, et qui est assez polyvalent en vinification. Certes plus sensible à l’humidité, mais le vent constant ici sera un précieux atout … Espérons !
Pour les rouges – eh oui, du rouge ! quitte à se lancer dans un challenge, autant y aller à fond ! – le choix fût plus compliqué. Mon cœur aurait choisi la syrah mais la raison reste de mise et j’ai donc opté pour deux cépages avec de bonnes aptitudes sur sols granitiques et sableux, un profil organoleptique qui me parle et une moindre sensibilité à l’humidité et maladies cryptogamiques, le gamaret étant un cépage résistant. Je teste deux porte-greffe différents pour chacun des cépages ; en cas d’extension du parcellaire dans deux ou trois ans, j’aurai ainsi acquis un recul suffisant.
Breton, mon domaine !
Kerampape est un lieu sacré à mes yeux, épuisant par l’effort physique qu’il demande mais tellement ressourçant par l’énergie qu’il restitue : aujourd’hui, après deux années de découverte du métier de vigneronne, je peux affirmer que les vignes seront un mode de culture à l’image de ces lieux ! Deux années de découverte du métier après une carrière professionnelle dédiée au grand import-export.
J’ai décidé d’en finir avec le commerce international, et de débuter un BTSA viticulture-œnologie l’ESA avec stages au domaine Clau de Nell en Anjou. Diplômée en juillet dernier, le projet se concrétise fermement : les premières vignes de chenin ont été plantées mi-novembre, seule, en plantation manuelle. Les propositions de coups de main affluent mais pour cette toute première plantation je voulais apporter une intention personnelle pleine et entière à chaque geste, chaque plant.
en ordre de marche
Mais avant cela il a fallu se frotter au dédale des démarches administratives. En premier lieu la création d’une structure juridique (une Entreprise Individuelle pour ma part, entité simple, rapide et peu coûteuse à mettre en place pour une personne s’installant seule).
Puis l’immatriculation de cette entreprise vitivinicole auprès des douanes via un numéro de CVI (Casier Viticole Informatisé), puis demande d’autorisation d’exploiter auprès de la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer), demande des droits de plantation auprès de France Agrimer, déclaration des parcelles auprès des douanes à nouveau, audit pour la labellisation AB que je souhaitais mettre en place dès le travail du sol, et enfin déclaration de fin de chantier après plantation.
Je m’apprête à remplir quelques dossiers de demandes de subventions et la tâche semble ardue également.
développer la biodiversité
Les chenins ont essuyé leur première tempête bretonne sur cette « plantation test » de départ qui en final totalisera 1 hectare environ. Les aléas potentiels et inconnues sont nombreux ; je suis totalement confiante mais souhaite néanmoins limiter les risques et « me faire la main » à une échelle raisonnable, d’autant plus que je gère plusieurs gîtes sur la propriété et que je suis maman de deux petites filles.
Le domaine est conduit en biodynamie, pour l’instant j’y fais tout à la main, et le premier buttage à cheval est prévu très bientôt. La biodiversité est ici naturellement abondante et je suis en train de mettre en place différents partenariats pour la préserver et la favoriser davantage. Les vignes sont d’ailleurs plantées à faible densité et des arbres et plantes compagnes y sont prévus.
un projet pour la vie
Si l’essai est concluant, j’aimerais augmenter le parcellaire à 3 hectares, pas plus, et y développer une activité d’œnotourisme et club de dégustation. Des bâtiments restent à restaurer et seraient parfaits pour de futurs chai et cave … appel à investisseur ou chantier participatif ? Mon choix n’est pas encore arrêté et la réflexion sera menée plus profondément dans les mois à venir.
Je n’en suis qu’aux prémices mais le challenge est stimulant, et le chemin est beau !
Rendez-vous au printemps 2023 pour la suite de l’aventure !
Karine ALIOUANE
Très bel article sur un projet concret du retour et de l’évolution de la vini-viti culture en Bretagne.
Karine présente bien cette renaissance, mais surtout sa volonté,t son dynamisme face à cette « aventure ».
Je ne peux que l’encourager, et lui dire « à dans 3 ans pour la dégustation.
Rémy
Madame, Monsieur,
Je voudrais me présenter. Je suis John de Vos et j’ai un petit vignoble à Poullan sur Mer avec du Cabernet Cortis et de la Salomé depuis 12 ans. Je travaille actuellement sur une extension. Je vous souhaite bonne chance
Jean de Vos