Une histoire d’amour… pour toujours !
Beaucoup rêvent de trouver ce vigneron inconnu ou cette bouteille unique dont peu d’amateurs ont eu vent…
Comme un coin de pêche secret ou un sous-bois couvert de girolles.
Un ami vigneron m’a offert ce privilège.
Nous avons cherché à savoir comment, niché dans le village perché d’Arboras, un petit domaine languedocien, qui ne ressemble pas aux autres, produit des vins d’une qualité inhabituelle.
La Bonne école
Notre vigneron Éric Supply-Royer a su apprendre et développer des techniques de vinifications des blancs qu’il a transposées au Languedoc avec un savoir-faire vraiment très abouti. Rondeur, gras, volume en bouche et longueur jusqu’à me faire douter sur le contenu des barriques.
Même sur des millésimes récents, les saveurs sont déjà particulièrement expressives. Le savoir est indubitablement passé au niveau de l’art, sans qu’il ne s’en étonna jamais. Avec ma femme on est fils et fille d’ouvrier. Personne n’avait jamais travaillé la vigne.
Il a travaillé en Bourgogne chez Jean Marc Roulot, qui passe pour être un des plus grands producteurs de Meursault en côte d’Or. M. Roulot étant capable de passer du temps sur les planches ou sur le grand écran dans ce film de Klapisch si attendrissant : « Ce qui nous lie » évoqué par notre ami Jean-Philippe.
Non seulement l’art s’est développé naturellement mais l’énergie vitale d’Éric l’a poussé à cumuler comme M. Roulot deux casquettes. Est-ce par peur de l’ennui… ou par amour ?
Régisseur des vignes de Malavieille…
Car Éric ne lésine pas sur ses efforts pour conduire les vignes du domaine Malavieille proche du lac Salagou, que nous arpentons en sa compagnie, 65 hectares en biodynamie. Les parcelles anciennes sont accompagnées tandis que les nouvelles sont éduquées, pour se préparer à livrer le meilleur de leur potentiel. Je vais vous faire voir mon petit coin préféré. Nous sommes très près du lac du Salagou, au nord-ouest de Montpellier, célèbre pour ses sables rouges gorgés d’oxyde de fer, les ruffes.
Je ne sais pas pourquoi il y a souvent un chien doux et amical qui nous suit lorsque je visite les vignobles, celui-ci gambade, fier, vraisemblablement heureux d’être devant nous alors que nous devisons sur les ceps, l’état des pieds ou le travail qui reste à faire. Nous faisons lentement connaissance.
Éric est doux, précis et aimable, habile en parole. En réalité je comprends que nous marchons sur des chemins ensoleillés qui sont comme son jardin. Terret bourret, carignan blanc, petit manseng, portan, chenançon, cépages anciens et vignes de 100 ans sont sous sa surveillance bienveillante.
Nous goûterons tous les vins de Malavieille, puis prendrons rendez-vous à Arboras pour porter un regard plus que curieux sur les vins 100 % Supply-Royer avec des modes de culture inhabituels.
… et en charge de son jardin secret
Comment tout a commencé ? Tout est parti du bourboulenc…, moins d’un hectare. Puis la syrah, et chaque année on en achetait une, ou on en replantait une. Pour arriver à un peu plus de 4 hectares. A l’origine c’était uniquement par passion.
C’est à partir de là, un peu plus de 1000 bouteilles de bourboulenc, que l’aventure commence avec les caves de Gambetta à Montpellier. Je suis venu lui présenter la cuvée, je lui ai dit le prix. Il m’a pris à part en me tirant la main et m’a dit : Éric je vais te l’acheter mais tu vas augmenter le vin sinon je ne te le prends pas. En même pas 3 semaines tout s’est vendu. On livrait en caisse en plastique ! Dès les dégustations chacun allait en chercher un carton de six.
L’étonnante expérience de la complantation, comme en Alsace chez Marcel Deiss où plusieurs cépages sont mélangés dans la parcelle en fonction des pourcentages requis pour élaborer le vin, voilà un des secrets. Même lieux. Quête d’une unité de terroir. Éric, pourquoi ne pas produire des élevages en assemblant les jus de toute la vigne de cette même parcelle ? Et bien justement nous le faisons.
Ne jamais renier ses origines, ce qu’ils font avec son épouse, De par mon esprit politique ça me gênait de bouger les prix, on a beaucoup débattu, cela ne nous plaisait pas de faire des vins chers. On ne fait pas comme ceux qui s’installe dans le vignoble et qui dès la première année bombarde à 30 euros la bouteille.
Avec sa femme Marie-Ange dont on sent la présence indispensable mais que nous ne verrons pas, tous deux sillonnent sans relâche ces rangs, taillent, plantent ou replantent les ceps manquants.
Rachetant des parcelles abandonnées, redonnant vie à un territoire qui se mérite, pas un des plus facile.
Leur approche est bio et empreinte de la biodynamie. Il est le moteur, mais elle le suit, l’encourage ou le raisonne avant d’investir dans des barriques neuves, elle le maintient dans cette passion qui les soude.
Quand les enfants partiront, il nous restera ce jardin. Et quand la peine les attrape, car elle doit bien arriver à les asseoir, ils peuvent regarder comment leur petit royaume tient debout, et tiendra encore longtemps après eux.
Jean-Luc