C’est toujours impressionnant de rencontrer un œnologue- celui qui possède la science du vin. Autant la rencontre avec le vigneron provoque chez moi l’échange direct, la compréhension, la complicité parfois, car j’ai en face de moi un chef d’entreprise et suis en capacité de comprendre ses problèmes de production, de réglementation, de commercialisation, etc. Avec l’œnologue, je suis face à un expert, je ne vais pas le chercher sur son terrain n’étant pas expert-moi même. Sur le terrain de la communication, c’est souvent lui qui se défile.
Œnologie ? Je pense bien sûr à Emile Peynaud,
le père de cette discipline. Et puis, j’ai la tête pleine de clichés sur les parcours emblématiques de Stéphane Derenoncourt, Denis Dubourdieu ou Michel Rolland, stars du métier, qui s’affichent en conseillers spéciaux des grands crus bordelais et des vignobles internationaux.
Des hommes capables de redresser le goût d’un vin ou de redonner prospérité à un château sur le déclin. Deus ex machina !
Aussi quand Frédéric Junge, œnologue du Val de Loire, compagnon des routes géorgiennes, m’invita au point presse du Congrès national des Œnologues (Tours-Amboise, 18-21 mai 2016), j’ai dit banco. Le métier a évolué, le docteur du vin d’hier est devenu le conseiller, l’accompagnateur du vigneron qui anticipe ensemble les actions à mener sur le cycle complet : cépage, plantation, contrôle des maturités, ramassage du raisin à l’optimum, fermentation, élevage, etc. De la dégustation du vin à la dégustation des baies, notre bouche reste notre outil de travail ! Cette belle image nous est offerte par Cyril Payon, Président de l’Union des Œnologues de France à l’accent méridional charmeur qui a fait de l’AOC Picpoul de Pinet une appellation renommée.
A l’époque, pour un hectolitre de vin, il fallait un hectolitre d’eau, ça c’est bien fini précise Cyril Payon en lien avec le thème du congrès : le Vin et l’Eau. L’eau, clin d’œil à la géographie locale souligne Laurent Polleau, Président des Œnologues du Val de Loire. L’œnologue créateur de valeur ? Peut-être, mais « résoluteur » de problèmes ou alchimiste de la filière, surement, quand on voit les 4500 oenologues français intervenir sur tous les fronts : domaines, labos, négoce, assurance-qualité, achat, conditionnement, bouchonnage, formation, journalisme, interprofession ; un réseau puissant et bien organisé qui structure la filière.
Une enquête récente de Vitisphère montre que 57% des oenologues travaillent dans la production, pour 43% dans les services. Et en continuant sur les chiffres, les femmes sont de plus en plus présentes (40% des nouvelles promotions) et le taux de chômage est à la baisse. Mais il est un domaine que l’Union des Oenologues regarde avec les yeux de Chimène, c’est la formation. Le fameux DNO, Diplôme National d’Oenologie, délivré au compte-gouttes par sept universités françaises habilitées est la clé de voûte du système éducatif de la filière ; accessible en formation initiale ou continue, le DNO à Bac + 5 sanctionne un cursus, à la fois scientifique et technique, marketing et réglementaire, très orienté métier.
Cursus reconnu à l’international, ce diplôme prestigieux attire de plus en plus d’étudiants étrangers.
Pour preuve, l’invité d’honneur du Congrès, Giorgi Samanishvili, directeur de l’Institut du Vin Géorgien à Tbilissi présenta son célèbre vin d’amphore (Qvervri). Dans un français impeccable. 20 ans auparavant le jeune Géorgien a bénéficié d’une bourse du Conseil régional de Bourgogne pour étudier le vin à l’Institut Jules Guyot de Dijon et obtenir son DNO.
Ah ! Les vertus de la coopération ou celles du soft power, comme disent les Anglo-Saxons.
Jean-Philippe
A la une : photo ©Wikimedia Commons Ji Elie