Dans les coulisses des box vins

Cette photo à la Une, parfaitement cadrée est signée du photographe Antonin Bonnet. En évoquant l’élégance festive ponctuée de jolies bouteilles, cette photo est une arme de séduction massive. En la détaillant, on voit que les bouteilles exercent un sex-appeal, un pouvoir d’attraction avec des noms de renom tout juste déchiffrables. J’aurais adoré mon repas de Noël avec ces bouteilles !

En poussant un peu plus loin sur le site vous découvrez une galerie de portraits vigneron-nes exprimant sur leurs visages la quintessence de leurs terroirs. Le vin, en définitive, vaut ce que vaut l’homme disait Émile Peynaud. La magie opère au bénéfice de Viamo, une plate-forme récemment installée sur le marché de la box vins qui utilise magistralement les codes de l’image pour parler à sa cible prioritaire des « amateurs éclairés ».

Une cible située entre les néophytes et les connaisseurs.

Dans un autre registre, la plate-forme Chais d’oeuvre, nous donne à lire les espiègleries communicatives de Manu – Manuel Peyrondet, meilleur sommelier de France 2008-.

Attention fusée ! ou encore : En voiture Simone –Château Simone. C’est moi qui sélectionne. C’est toi qui fanfaronnes.

Qui n’a pas envie de rejoindre la bande à Manu ?

Toujours la même cible visée, celle de l’amateur qui fait sienne l’adage : plus en connaît le vin, plus on s’y intéresse, plus on dépense.

 

ATTENTION EXPERTS

L’offre de box vins a démarré il y a une dizaine d’année sous l’autorité œnologique de quelques-uns comme le maître-sommelier Jean-Michel Deluc (ex-Ritz) créateur du site le Petit Ballon, le leader.

Philippe Defleur (ex-Tour d’Argent et l’Élysée), sommelier de MyVitibox.

On n’oubliera pas la sympathique caviste de la rue de Nazareth à Paris, Marie-Dominique Bradford, Master of Wine, auteure de cours d’œnologie, pionnière avec son site Troisfoisvin.

 

Aujourd’hui le leader français de la vente de vin en ligne twilthe wine I love – débarque avec de grosses ambitions. Et pourquoi donc ?

Les box vins ne représentent que quelques pourcents de l’immense marché de la vente de vin en ligne,  600 millions d’euros en 2020 (source Xerfi).

Ilregroupe, entre autres : les gros cavistes (Lavinia, Vinatis), les sites de ventes privées (vente-à-la-propriété, 1 jour 1 vin), les régionaux (la Grande Cave à Bordeaux).

Sans oublier la grande distribution avec CDiscount, Amazon ou Lidl vins.

JUSTE GÉNIAL

Pourquoi les box en abonnement excitent-elles tant les marchands ?

Le principe de la BOX appliqué au vin est juste génial. VOUS, le client, déléguez au vendeur votre pouvoir de choisir. Non pas une fois, mais sur la durée de l’abonnement. Si je renonce à choisir c’est peut-être par manque de confiance en moi, ou que je préfère la surprise, ou encore que je n’aie pas envie de me prendre la tête. Mais à qui faire confiance ? That is the question.

VOUS, la plateforme, vous évitez la guerre des prix, vous planifiez vos achats auprès des domaines ou des négociants pour des volumes importants, sans risque de sur-stockage puisque vous connaissez globalement votre nombre d’abonnés.

VOUS, le vigneron, engrangez une commande importante, tenez vos prix publics, bénéficiez de l’aura d’avoir été sélectionné et d’une belle visibilité sur le site du vendeur. Évidemment la négociation avec la plateforme sera plus serrée.

VIVE LE CIRCUIT COURT

Dans les années 2010 un modèle faisait rêver le monde du vin, celui de Vivino, la marketplace mondialisée inventée par le suédois Heini Zachariassen. C’est tout simple : on va référencer, noter et vendre tous les vins du monde. Deux jeunes français surdoués de la tech, Loïc Tanguy et Erwann de Barry se sont lancés chacun de leur côté dans l’aventure en ligne.

Quelques années plus tard, deux belles marques sont nées, à grand renfort de levées de fonds : Les Grappes et Twil. Ces plateformes ont bâti leur renommée sur le « circuit court » un principe qui permet d’acheter en direct auprès du vigneron-récoltant en lui laissant le soin de l’emballage et de l’expédition. Les autres places de marché, elles, achètent les vins au négoce ou en direct, les stockent en entrepôts et en assurent l’expédition.

Au début, tout le monde a applaudi, les prix allaient baisser, les domaines viticoles se développer et les plateformes s’enrichir.

ELLE EST OÙ L’ARNAQUE ?

Sauf qu’aujourd’hui, c’est plutôt la soupe à la grimace. Ils nous prennent pour qui ? On nous demande de faire des cartons toute la journée, d’expédier à tire-larigot, de faire encore et toujours des promos. On avait un peu de temps pendant le confinement, mais là, avec les salons qui repartent, c’est fini.

Ils l’avaient mauvaise, les vignerons, eux qui se sont pris les calamités climatiques, la fermeture des restaurants, les récoltes réduites, les maladies de la vigne, les conversions bios, les problèmes avec le banquier alors oui, c’en était trop. Et la grogne monte chez les 2500 vignerons vendeurs sur Twil, et le petit millier des Grappes. Il y a quand même de quoi être jaloux quand on voit qu’ils ont doublé leurs chiffres d’affaire pendant la pandémie !

VENEZ DONC VISITER MA BOUTIQUE !

Les vignerons, dans leur immense majorité ne sont pas du genre à se faire tondre la laine sur le dos. Échaudés par les défaillances de Plugwine, le site de vente en ligne des Vignerons indépendants, ils ont vu le danger de perdre la main sur la commercialisation de leurs vins, d’abandonner à d’autres la relation avec leurs clients. Alors il se sont lancés à fond dans la création de « boutiques » sur leurs sites internet, comme nous l’explique Amandine Brunet du domaine de l’Enchantoir, en Anjou.

Plus fort que les plateformes

La famille Brunet a repris en 2016 une belle propriété viticole à Puy Notre Dame, le domaine de l’Enchantoir. 15 hectares de vignes certifiées bio plantées en chenin, chardonnay et cabernet franc qui produisent bon an/mal an autour de 40 000 bouteilles en AOC Saumur Puy Notre Dame, AOC Saumur blanc, IGP Chardonnay et un peu de bulle. Une grosse moitié de la production est vendue au caveau, fruit d’une excellente réputation. Les ventes sur la boutique en ligne représentent 40%, les 10% restant via les plateformes.

PAS TOUS LES ŒUFS...

Nous sommes présents sur plusieurs plateformes. Vous  trouverez notre Saumur rouge « îlot des biches » 2019 chez Vins Étonnants, Vivino, les Grappes, Twil et d’autres encore. C’est une stratégie délibérée pour accroître notre visibilité et notre référencement en Saumur et Saumur Puy Notre Dame et c’est notre boutique qui en profite ! Il y a des contraintes, bien sûr à être présent sur plusieurs sites de vente en ligne. Et d’énumérer les à-coups de commandes et d’expéditions, l’obligation d’une présence au domaine car on ne sait jamais quand le transporteur va passer. La pression des gros sites pour la course à la promo ? Ce n’est pas pour nous, on préfère réserver nos promos aux clients de notre boutique.

ET LES BOX ?

Nous venons de recevoir une proposition du Petit Ballon pour une box thématique bio-agroforesterie. C’est la première fois, ils nous prennent 1500 bouteilles. Cette belle commande n’est pas le fruit du hasard. Amandine les a rencontrés sur un salon avant la pandémie, puis ils ont demandé des échantillons. Pas sûr d’être sélectionné pour autant. Amandine Brunet travaille en étroite relation avec ses agents qui la conseillent sur les sites et les opérations promotionnelles, pas toujours couronnées de succès, d’ailleurs. Tenez, au salon des Vins et de la Gastronomie de Nantes, cet automne, il y a eu du contact mais on n’est pas rentré dans nos frais. Pour 2022, l’Enchantoir a prévu d’organiser des événements ponctuels chez les cavistes avec des découvertes et des dégustations verticales. Priorité à la relation humaine.

 

C’est dans cet environnement pour le moins chahuté que Twil a décidé de lancer sa box, fin 2021. Vous souhaitez faire plaisir à un proche en lui offrant du vin, mais ne savez pas vers quelle bouteille vous tourner ? Ne vous prenez pas la tête et choisissez un abonnement à notre box.

Point de discours rutilants, point de science œnologique, non, c’est la simplicité qui domine avec des visuels «photos de vacances» et des graphismes simplets, en écho aux prix tirés vers le bas. On s’adresserait plutôt aux néophytes qui confessent : je ne suis pas expert. Ou aux urbains aisés accros à la commande en ligne : pas de temps à perdre.

COMMENT ÇA MARCHE ?

Génération Vignerons a reçu les 2 bouteilles de la première box twil. L’abonnement coûte 29,90€ par mois plus 4,90€ de port, avec une obligation de souscrire pour 2 mois minimum.

Évidemment vous pouvez vous expédier la box ou bien l’offrir à la grand-tante Victorine qui vous a ,semble-t-il, fléché sur son héritage. Tu es très gentil, mon grand, mais tu sais bien que je n’aime pas trop le Beaujolais…Le problème avec les box, c’est qu’on ne choisit pas. Aussi Twil propose le tour de France des vignerons en jouant sur la diversité des terroirs.          

Saviez-vous qu’il existe des box mystères et les box « à visage découvert » ?

BELLES QUILLES

Twil a opté pour la box mystère. J’ouvre le carton, les mains un peu tremblantes et là je découvre, très soigneusement emballées deux bouteilles du Clos des Fées, en Roussillon, le domaine du vigneron poète Hervé Bizeul.

Non, il n’y avait pas « la petite Sibérie » sa cuvée mythique à 200 € mais une jolie syrah 2020 De battre mon cœur s’est arrêté ainsi que son Modeste 2020, un assemblage de grenache, syrah, cinsault très réussi.

Dommage que le dépliant joint soit juste publicitaire, on aurait préféré une fiche technique sur les vins.

Mes réticences pour les box mystères s’estompent, Twill apportant la démonstration qu’il n’est pas nécessaire d’être maître sommelier pour bien choisir ses cuvées.

 

UN MARQUEUR ESSENTIEL

Les box vins ne constituent qu’une infime parcelle de l’énorme masse de connaissances qui irradie l’univers du vin. On ne compte plus les groupes sur les réseaux sociaux, les blogs, les clubs, les livres, les rubriques, les médias, les cours d’œnologie, les dégustations chez les cavistes, les masterclass, les cités et musées du vin.

Ces hommages rendus à Bacchus peuvent surprendre en ces temps où des hygiénistes alarmistes voudraient nous imposer un Dry January. L’engouement pour la connaissance de la vigne et du vin va bien au-delà de la consommation car il s’agit là d’un modèle d’art de vivre à la Française, d’un marqueur de notre civilisation occidentale. Une soif de culture qui progresse à grands pas comme le montre le baromètre 2021 SOWINE/ DYNATA, pour notre plus grande satisfaction !

Jean-Philippe

Image à la Une : Viamo Noel Gamme ©antoninbonnet.com_

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

Commentaires:

  1. BONNAUD dit :

    Cher Jean-Philippe,
    Intéressant, mais je ne suis pas près de laisser à d’autres le soin de choisir mes vins. Par ailleurs, tirer les prix vers le bas, en permanence, ne me semble pas le bon chemin pour le monde du vin. Amitiés.
    Jean-Claude Bonnaud

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