C’est quoi un bon vin pour nous (Génération Vignerons) ?

Voilà un défi lancé par l’un de nous -Jean-Philippe-. Arriver à préciser en quelques mots les critères auxquels doit obéir une bouteille pour faire « un bon vin ». Comme un devoir de vacances. Allez on s’y colle !

de ceux qu’on a envie de partager

Montréal été 2022. je déambule parmi les linéaires de la SAQ de Mont-Royal Est. En tant que Français et en tant que Génération Vignerons, j’ai la lourde responsabilité d’apporter à la famille un “bon vin” pour le souper. A la SAQ (Société des Alcools du Québec), C’est le grand écart ! Tous les vins du monde sont représentés. J’ai de la misère à faire mon choix.

Mon premier critère ? Pour moi un vin a toutes les chances de devenir un bon vin s’il ne rend pas malade. Ca vous parait basique ? Pourtant je pourrais vous en citer quelques uns…Je ne vais pas prendre une chance d’offrir un vin qui ferait mal à la tête des invités de la party. Peu importe ses arômes, sa longueur en bouche et les grands discours.  Exit les vins souffreteux et les potions magiques dites naturelles de plus en plus nombreuses au Canada. Même si, au Québec, le breuvage c’est plutôt la bière. Alors il vaut mieux qu’ils ne pètent pas une coche tout de suite !

Partons sur un chenin, avec ses arômes d’abricot de cannelle et de brioche. C’est consensuel et moins “mainstream” qu’un chardonnay plus sur la pomme et la vanille. Y aurait-il un coin de France qui échapperait aux radars de la mondialisation, mais pas aux acheteurs de la SAQ ?

Justement les vins de Mareuil sont ici bien représentés. Pas au premier plan mais en bas du linéaire un Chenin de Jardin de Jérémie Mourat : cet IGP bien nommé, habillé d’une étiquette festive qui inspire la convivialité, sera mon bon vin de ce soir. Je ne fais pas des folies (21$CAN soit 16€) dans ce pays où tout est devenu trop cher, inflation oblige. Mais c’est le bon vin qu’attendent mes convives, chu certain ! Celui qui fera jaser, éveillera leur curiosité.

Tu connais ce vin ? Pas moi  C’est le caissier qui m’interpelle (on a le tutoiement facile au Québec) : alors je lui raconte l’histoire des Fiefs Vendéens, ces vins autrefois vite bus et vite oubliés et qui ont fait place à une viticulture de qualité menée sur un sol de schistes par des Thierry Michon, Christian Chabirand…J’assure le story-telling des vignerons de l’AOC, de ses cinq terroirs et de la région !

Mais déjà les clients font la file à la caisse derrière nous…

François

de ceux qu’on désire

Chaque question demande que j’en délimite le champ de recherche. Le terme « bon » me semble au premier abord sonner un peu simple, entrer dans une catégorie qui fleure la litote. Ce qui est bon est tout simplement agréable ou vertueux. Le dictionnaire est encore plus avisé en annonçant dans un premier temps que les synonymes satisfaisant, efficace, valable ou avantageux sont amis du bon.

Le bon vin ne concerne que moi, il n’est pas sensé affronter la critique, ni le regard approbateur de mes proches.

Un bon vin serait donc dans une fourchette de prix et de goût qui me le rende agréable. Je peux l’acheter et même renouveler mon achat car il ne me décevra pas. Son souvenir s’accroche à mes désirs. Il y a d’ailleurs de nombreux spécialistes qui ont inventé un langage alambiqué pour expliquer la complexité de leur compréhension de leurs émotions. Les néophytes s’étonnent de tant de connaissances et de savoir dire. Il y a comme de la magie à parler d‘un liquide. Un petit groupe d’entre eux est même payé pour les noter. 

Puis un peu plus loin dans le Petit Robert, il est aussi question d’odorat et de goût, et comme nous le savons en matière de perception il y a un recentrage très particulier vers l’individu et son système de perception. Rien d’infaillible ni d’universel ne peut en ressortir. De « bon » on glisse délicatement vers délicieux, excellent, fameux, savoureux et succulent. Et on vise dorénavant plus à obtenir l’avis des autres.

Et c’est ici même que le bât blesse. Je ne veux pas boire seul ces 75cl de satisfaction. Comme Audrey, François Florian et Jean-Philippe, j’aime à les partager. C’est cette véritable extension de ma satisfaction qui me pousse vers le bonheur. 

 » A bottle of wine begs to be shared ; I have never met a miserly wine lover. Une bouteille de vin implique le partage ; je n’ai jamais rencontré un avare œnophile » estimait Clifton Fadiman. Il me semble que Clifton ait raison, je me sentirai beaucoup plus heureux si mes amis buveurs sont heureux. Je serai sur un petit nuage si par chance les sensations des dégustateurs fusionnent avec les miennes. Et j’atteindrai l’Eden des œnophiles si la surprise et les compliments pleuvent au-dessus de nous.

Quelle vibration de l’âme !

Jean-Luc

de ceux qu’on appelle un grand vin

Choisi pour un moment, une occasion, un accord mets-vins, en somme après avoir trouvé le prétexte et les gens avec qui on va le déguster, un vin poursuit sa vie sur une table. Il est ensuite débouché puis versé dans l’ensemble des verres présents. C’est alors que son identité, sa personnalité se dévoilent. Et parfois, c’est là que la magie opère, celle propre à un grand vin. L’impression d’un temps suspendu défini par un silence prolongé et partagé puis l’apparition d’une émotion, qui se transmet de visage en visage comme un témoin privilégié.

C’est par ces courts moments que je me suis pris à penser que je goûtais un soi-disant « grand vin ».

Définition très personnelle, elle comprend surtout ce silence, imposé par l’infinie beauté du vin, de celle qui prend aux tripes et qui marque le moment. Parce que ce grand vin démarre pendant la dégustation, il a aussi la particularité de se poursuivre dans le temps, scellant dans notre imaginaire le moment vécu par une image, une sensation, un goût, un sourire.

S’il a la capacité de transcender un moment, il réussit le tour de force de s’inscrire dans nos souvenirs. Pas de mots abscons, pas de jargon propre au monde du vin, pas de mots techniques, juste des sensations et une place privilégiée dans ma mémoire, voilà pour moi ce qu’est un grand vin.

Florian

de ceux qui ravivent la mémoire

Il est temps de passer au confessionnal. Il m’arrive souvent de boire seul. Une habitude guère politiquement correct qui vous rend suspect d’une légère addiction aux yeux de vos proches. Pour ma défense, je dirais que les moments de partage avec les amis se font plus rares, que mon entourage familial préfère les bulles. Alors faut-il se priver du plaisir du vin ?

En fait le plaisir commence plus tôt quand je descends à la cave- ou quand je passe chez mon caviste – en me disant : tiens qu’est-ce qu’on va goûter ce soir ? On se fabrique des bonnes raisons : allons voir comment vieillit ce sancerre de Nicolas Reverdy, l’Orfeo de Christian Chabirand ou le Chateauguay de Benoît Montel. Mes accords mets-vins perdent en subtilité. J’irais presque jusqu’à dire que tout va avec tout, sans tenter l’impossible comme Audrey dans son crash test.

Et puis on tient à ses petites habitudes comme un poiré en AOC Domfront pour accompagner les galettes de sarrasin. Mon rituel est bien rodé ; la bouteille est ouverte une bonne demi-heure avant le repas, je tourne autour en observant attentivement le bouchon, est-il en liège naturel, aggloméré ou synthétique ? Je l’aère, l’épaule. Je la hume dans un petit verre puis j’y trempe mes lèvres. Me fait-il saliver ? Me donne-t-il envie de m’en verser une bonne rasade ?

Voilà comment empiriquement je flaire le bon vin. Celui qui va casser les codes des bons usages, qui va laisser s’exprimer l’animal sensuel tapi dans mon cerveau reptilien.

La gorgée affole mes capteurs sensoriels. Il y a des vins qu’on ne recrache pas, dit-on dans les clubs de dégustation. Rapidement, la conscience reprend le dessus. Je cherche à mettre des mots sur ce que j’ai ressenti, mais ce sont des images qui me viennent à l’esprit, comme un vagabondage dans mon fichier photos.

Des lieux, des visages amis, des rencontres vigneronnes, des bouteilles, des étiquettes, des verres levés, des cheers ou des saude.                                                                           

Le bon vin est celui qui me reconnecte à ma planète vin.

Jean-Philippe

de ceux qui cochent toutes les cases

La notion de « grand vin » a pris sens lors de ma rencontre avec Franck Thomas au sein de la Revue du Vin de France Academy. J’y ai appris à laisser tomber les codes analytiques et à me détacher du jugement d’autrui en pratiquant le lâcher prise autour de la dégustation intuitive. Si l’on se remémore le classement des crus classés de Bordeaux lors de l’exposition universelle de Paris en 1855, on comprend que le classement des grands vins suivait notamment le critère du prix (un élément analytique).

En dégustation intuitive, l’idée est de sortir du cadre : le sujet n’est pas le vin seul mais notre rapport au vin. Il y a ainsi deux acteurs : le vin et le dégustateur. C’est lors de ces exercices que l’on comprend la distinction entre un bon vin et un grand vin. Le grand vin est celui qui réunit l’ensemble des éléments contribuant à sa création (le lieu, le climat, l’intention du vigneron, le terroir) pour procurer une émotion directe, UNE VIBRATION, UN RESSENTI. Un grand vin, c’est comme un grand paysage, c’est comme un morceau de musique.

Il n’y a pas besoin de connaître techniquement la richesse de son vocabulaire pour le ressentir. L’expérience nous touche directement au cœur.

C’est pourquoi le grand vin de chacun est différent et c’est ce qui en fait sa richesse. Il y a des noms de vignerons ou encore la vue d’une étiquette, la photo d’un paysage viticole qui font frémir votre peau tellement vous avez gardé une émotion forte de la dégustation… et ce vin, vous n’êtes pas prêt de l’oublier car c’est un souvenir encore vivant et vibrant en vous !

Audrey

Ecrit par Génération Vignerons

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