Bergerac : l’avenir leur appartient

Vous souvenez-vous du premier épisode de la chronique bordelaise ? Je vous avais emmené rencontrer les époux Comme aux confins de la Gironde, non loin de la Dordogne. Et bien aujourd’hui, je transgresse cette frontière pour aller encore plus à l’Est, direction Prigonrieux, près de Bergerac.

Vignoble d’un dynamisme fou, le Bergeracois se métamorphose depuis quelques décennies sous la houlette d’illustres domaines (Jonc Blanc, Barouillet ou bien Lestignac).

Bousculant les codes, ils ont œuvré à mettre la région sur les cartes de superbes restaurants et dans les caves à vins des passionné(e)s.

Florent et Uyen – un tandem au service de la nature

Une nouvelle génération émerge à la suite et c’est elle qui m’intéresse aujourd’hui. Je vous emmène rencontrer Florent et Uyen à Combrillac, talentueux duo à la ville comme à la vigne.

Partant de Bordeaux, l’urbanisme galopant laisse place après quelques dizaines de kilomètres à la nature. Même si des grands champs de cultures dominent la vue, des forêts verdoyantes s’appuient sur les vallons de la région. Les maisons sont plus éloignées et les grands espaces dominent.

En arrivant au domaine, le chemin d’accès met de suite dans l’ambiance. Les vignes sont magnifiques, accompagnées de leurs semis entre les rangs, en fleurs à l’époque où j’y suis allé la première fois. Porteuses d’une sérénité appréciable, elles sont couvées par la forêt, entourant quasiment toutes les parcelles du domaine.

Le vivant sous toutes ses formes

Après un café de bienvenue, les échanges portent sur la philosophie du couple. Point de dogmatisme, seule la force de la raison et la passion sont leurs moteurs. La démarche est délibérément holistique puisqu’ils considèrent leur vignoble comme un ensemble. Leurs observations, leurs raisonnements et leurs décisions concernant sa conduite sont donc pensés à cette échelle et non pas à celle d’un pied, d’un rang ou même d’une parcelle.

Cette vision globale de leur vignoble alimente le fondement de toutes leurs actions : avoir un  environnement le plus vivant possible. Cela commence évidemment par le sol où des semis sont répartis entre les rangs, pour ensuite être broyés en temps voulu.

Ce qui permet de nourrir le sol et de produire une humidité naturelle, alliée indispensable en ces temps de réchauffement climatique.

Par ailleurs, le sol n’est plus travaillé en profondeur au travers de labours de façon à ne pas perturber la vie, notamment microbienne, qui s’installe juste en-dessous de la surface.

Cette vie tant aimée et recherchée est également préservée, encouragée dans tout le vignoble. Dans les parcelles évidemment où des animaux (moutons et brebis principalement) viennent se délecter de la savoureuse flore.

Autour des parcelles ensuite où des poules sont élevées dans cet environnement préservé pour produire des œufs destinée à la consommation de la famille.

A la lisière de la forêt enfin où des abeilles viennent elles-aussi se délecter des plantes sauvages pour produire leur miel. Elles ne sont pas les seules à s’en délecter puisqu’Uyen prépare également des fermentations et des mélanges pour infusions à partir de ses plantes.

Passionnée par l’alimentation vivante et sauvage, elle a un talent unique pour les cuisiner directement au domaine.

Si vous avez l’occasion d’essayer lors de leurs Déjeuners Sauvages ou leur Wild Tasting, courez-y, ça en vaut la peine !

L’Agroforesterie – une conviction profonde

Revenons à leurs moutons ! Cette prédominance de la faune et de la flore vient certainement de ce qui fait la particularité de ce domaine : la conviction profonde d’une vitiforesterie positive pour les vignes et le vin, mais également pour la biodiversité dans son ensemble.

En plus de cette couronne d’arbres entourant le domaine, Florent et Uyen plantent chaque année des essences d’arbres autour des parcelles existantes tout autant que dans les futures parcelles à planter, en très forte densité. Le raisonnement préalable part du constat que la vigne, liane sauvage, s’entoure autour d’un “tuteur” pour grimper et atteindre le soleil. Espèce envahissante, elle fait pour réussir cet objectif. Ainsi, notre couple imagine un système où des arbres serviront de supports à la pousse de la vigne.

Quel intérêt me diriez-vous ?

Et bien plusieurs en réalité. Premièrement, la vigne retrouve son état naturel. Deuxièmement, la concurrence sérieuse des racines de l’arbre oblige celles des vignes à aller le plus loin possible pour s’alimenter. Cela lui permet également de se brancher aux réseaux de mycorhizes de l’arbre, favorisant les échanges entre les deux espèces, une sorte d’entraide végétale. Troisièmement, dans le cadre du réchauffement climatique, les arbres offrent de l’ombre et de la fraîcheur aux espèces qui poussent à leur côté.

Signe que rien n’est laissé au hasard à Combrillac, la taille de l’arbre est également pensée. Ainsi le trognage est retenu puisqu’il permet à la couverture végétale de l’arbre d’être suffisamment haute pour ne pas absorber tout le soleil, sans monter trop en haute tige pour empêcher la taille de la vigne et les récoltes. Et c’est également une taille durable puisqu’elle permet aux arbres de vivre plus longtemps. Ainsi, les arbres dits remarquables sont généralement des arbres trognés naturellement ou par la main de l’humain (tout en constituant un pôle de biodiversité et de carbone inestimable) !

L’engagement collectif – Les Équilibristes etc.

La durabilité de leur engagement se retrouve aussi dans leurs liens sociaux. Le choix de leurs partenaires est aussi dicté par cet impératif de s’inscrire dans le temps long. Ils le réalisent également au travers d’un collectif rassemblant une dizaine de domaines : les Équilibristes. Engagés à fournir une cuvée spécifique à ce groupement, ce réseau est autant un espace commercial privilégié qu’un réseau d’échanges de bonnes pratiques et d’expériences. En outre, Florent accompagne chacun des domaines dans une démarche plus durable dans la vigne comme dans le chai.

Enfin, comme une belle manière de boucler la boucle, Florent et Uyen réfléchissent au retour de la consigne. Gros émetteur de gaz à effet de serre, la partie logistique (bouteille, carton, transports de personnes ou de produits, etc) de la filière viticole doit revoir son fonctionnement car cela représente plus d’un tiers de l’empreinte carbone d’un domaine.

Désireux d’être en avance, ils remettent localement au goût du jour la consigne, un système de récupération des bouteilles vides de la bien nommée cuvée “Troc”.

Reste à faire accepter le procédé par les réseaux de distribution et les consommateurs.

 

Les vins

Hirsute rouge : une majorité de cabernet franc pour vin d’une gourmandise folle. Des tannins délicatement intégrés qui apportent juste ce qu’il faut à la structure. Du peps et du plaisir pour partager avec les potes toute l’année.

Hirsute blanc : un trio de choc : le sémillon pour son aromatique singulière complétée par une légère macération de sauvignon blanc et de chenin apportant la fraîcheur de ces deux cépages et une légère amertume qui allonge la finale. La salinité de ce blanc associé à son volume en font un parfait copain d’accords mets et vins (avec des huîtres puis une jolie poularde à la crème).

Florian

Ecrit par Florian Nunez
Florian l’ingénieur, fut touché par la grâce de la vigne et du vin et s’y investit totalement au point de décrocher le WSET Diploma. Le voilà  qui décide de se mettre à l’écoute des vignerons pour raconter leur histoire, leurs succès comme leurs déceptions. Et aussi pour promouvoir leurs vins, via son activité d’agent.

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