Après la dégustation des experts, mon lendemain fut légèrement comateux, aussi j’ai laissé le volant de la Toyota à Denis – Denis Garret, mon guide- pour me faire promener dans une somptueuse vallée maraîchère, fruitière et viticole, the Elgin Valley à une heure de route de Cape Town. Saviez-vous que les pommes, les poires, les raisins de table, les fraises, les abricots d’Afrique du Sud inondent la planète entière ?

Tu ne vois ici qu’une infime partie de la production. La production industrielle est assurée par les caves coopératives qui fournissent les 2/3 du volume, le pays est le 9ème producteur mondial. Le vin est vendu en vrac sur le marché mondial, Chine en tête. Il est souvent embouteillé à Marseille et en final tu le trouves chez Lidl ou Tesco à 3-4€ la bouteille. Les circuits qualitatifs sont beaucoup plus rares, il y a moins de 10 importateurs pour la France ; tu peux trouver quand même de belles choses chez Lavinia ou Terroirs d’ailleurs.
La question sociale me préoccupe.
Les ouvriers agricoles – coloured people– sont partout dans les vignes, dans les pickups Toyota, sur le bord des routes. On a parlé de ce reportage d’Envoyé Spécial sur les Raisins de la honte, diffusée en 2014. 
Moi, je vois que mes amis vignerons en bio du Val de Loire peinent à recruter un ou deux collaborateurs, alors qu’ici ils auraient toute la main d’œuvre possible. Forcément, quand vous avez du monde dans la vigne et un bon chef de culture, vos raisins sont plus beaux.

Ici, le vin se boit au repas, il est associé à la viande – je vous conseille le filet de springbok ! – d’où l’importance du Bordeaux style. A l’apéritif, c’est plutôt long drinks et, pour les sorties entre potes, la bière.
Voilà qu’on tourne à droite et on embarque la Toyota sur une piste défoncée – j’avais oublié de vous dire que Denis a fait plusieurs Paris-Dakar à moto dont celui qui s’est terminé au Cap en 1992 – bref, la piste ça le connaît ! 
Koen fait des vins extraordinaires à partir de très petits raisins, essentiellement des blancs secs : sauvignon, riesling et chenin. En bouche, ses vins développent une fraîcheur, une acidité, une salinité sans pareil – Ah si ! Peut-être un petit cousinage avec les explosifs alvarinho de Melgaço (Portugal) déjà présentés dans Génération Vignerons.
Koen parle de la vendange comme d’un accouchement
Tout le travail en amont pour aller à son terme. Il nous fait observer que ses feuilles jaunissent quelques jours après la vendange : la vigne a tout donné, elle a puisé ses ultimes réserves d’énergie pour donner le meilleur aux grappes, et là, elle est épuisée, signe que l’effort a été conduit à son maximum.

Jean Philippe