Si on connaît Pompéi pour les moulages en plâtre des corps de ses derniers habitants, ses ruines, ses fresques et parce qu’elle offre un témoignage rare de l’urbanisme romain, on la connaît moins pour son passé viticole.
Il est pourtant probable qu’il y ait eu des vignes sauvages sur l’ensemble de la péninsule dès la préhistoire et que les Étrusques et les colonisateurs grecs aient favorisé la vinification dès l’an 1000 avant notre ère.
Préservée en l’état après l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C., Pompéi se trouve en Campanie sur un sol volcanique fertile. Elle jouissait d’un climat méditerranéen tempéré et de sources d’eau fiables.
Pline l’Ancien, qui vivait à proximité de Pompéi en 77 mentionne les « coteaux et [le] vin noble de Campanie », tandis que le poète Martial décrit les cuves ruisselantes de raisins, et les « crêtes que Bacchus aimait plus que les collines de Nysa ».
Les Grecs avaient même donné le nom d’Œnotrie, « le pays des vignes », à la Campanie.
Une région viticole réputée
Sur plus de 150 fermes romaines découvertes dans la région du Vésuve, beaucoup se consacraient à la viticulture. Certains des vins antiques les plus célèbres provenaient de cette région, notamment un vin sucré et coûteux appelé Falerne.
On dit qu’il prenait feu lorsqu’on l’approchait d’une flamme, ce qui suggère une teneur en alcool d’au moins 40 %, un taux nettement supérieur aux 11 % des bouteilles d’aujourd’hui !
Si le Falerne était sans doute un vin blanc, la plupart des vins de l’Antiquité étaient rouges, en raison d’un processus de production moins laborieux. On en trouvait une grande variété sur le marché romain. Aromatisés d’eau de mer, de résine, d’épices et d’herbes comme la lavande et le thym, on pouvait aussi les laisser fermenter dans une pièce enfumée pour les parfumer.
Il existe même des preuves de vins contrefaits. Les archéologues ont identifié des imitations d’amphores de transport produites ailleurs et estampillées de faux sceaux de marchands pompéiens.
L’agriculture dans une cité antique
Dans l’enceinte de la ville, les vignobles se nichaient derrière les tavernes et les auberges. Les familles et les tenanciers cultivaient le raisin à plus petite échelle pour leur propre consommation de fruits et de vins.
Recouvertes de cendres et de lave suite à l’éruption du Vésuve, les vignes se sont ensuite progressivement décomposées, laissant dans les décombres de nombreuses cavités. En remplissant celles-ci avec du plâtre, les archéologues ont pu révéler la présence de vignobles sur des pâtés de maisons entiers.
Les fouilles ont permis de retrouver des pépins de raisin carbonisés et même des grains entiers, caramélisés lors de l’éruption (leur teneur élevée en sucre leur donne un aspect poli facilement repérable dans le sol).
Pompéi comptait aussi de très nombreux jardins. L’archéologue Wilhelmina Jashemski en a dénombré au moins un par maison et jusqu’à trois ou quatre dans certaines villas plus grandes appartenant à l’élite. Beaucoup comprenaient des vignes dont le raisin était consommé sous forme de fruit ou de vin, mais servait aussi à ombrager les triclinia, espaces où se prenaient les repas.
Si vous visitez la ville moderne qui entoure Pompéi aujourd’hui, vous remarquerez que peu de choses ont changé en 2 000 ans.
Le vignoble de « Forum Boarium »
En face de l’amphithéâtre se trouve le Forum Boarium, littéralement « marché aux bœufs » un terme mal choisi puisque, contrairement à ce que les archéologues pensaient, le site ne servait pas au marché aux bestiaux. Des fouilles réalisées dans les années 1960 ont révélé qu’il s’agissait en réalité d’un vaste vignoble.
On a retrouvé plus de deux mille vignes, presque parfaitement espacées l’une de l’autre selon les recommandations des anciens écrivains agronomes Pline et Columelle. Chaque plant était attaché à un tuteur. Le vignoble comptait également 58 arbres fruitiers.
Les ouvriers locaux ayant participé à l’excavation ont par ailleurs fait remarquer que les quatre dépressions trouvées autour des cavités racinaires étaient identiques aux trous retenant l’eau dans leurs propres vignobles.
Au fond se trouvait une petite structure de deux pièces abritant un pressoir à levier et dix dolia, des grandes jarres utilisées pour la fermentation, qui étaient enterrées afin de maintenir une température fraîche et constante.
Il existe également de nombreuses triclinia dans le vignoble, ce qui laisse supposer que son propriétaire gérait une entreprise florissante face à l’amphithéâtre. Les spectateurs venaient s’y détendre, manger et boire avant et après les combats de gladiateurs.
Ressusciter le vin antique
Le fait que de si grandes parcelles de valeur dans les murs de la ville aient été consacrées à la vinification nous informe sur la nature rentable de la viticulture dans les communautés romaines, mais aussi de l’estime dont elle jouissait.
En 1996, l’exploitation viticole campanienne Mastroberardino a décidé de cultiver et de transformer ces raisins selon les techniques romaines et de créer le Villa dei Misteri, un vin de couleur rouge rubis au nez complexe, avec des notes de vanille, de cannelle, d’épices et de cerise.
On peut le laisser vieillir trente ans ou plus, à l’instar du Falerne de soixante ans d’âge que Jules César a bu lors d’un banquet pour célébrer ses conquêtes en 60 avant J.-C..
Emlyn
Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast ForWord.
Emlyn Dodd, Assistant Director of Archaeology, British School at Rome; Honorary Postdoctoral Fellow, Macquarie University; Research Affiliate, Australian Archaeological Institute at Athens, Macquarie University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.