Nous avions rendez-vous au cœur de l’exploitation tenue sur 23 hectares depuis quatre générations située sur les côteaux sud bordant la Charente à Boutiers-Saint-Trojan. La famille cultive la vigne en agriculture biologique depuis 1972, une décision avant-gardiste prise à la suite de soucis de santé rencontrés par le père avec des produits phytosanitaires. La jeune alternante qui a rejoint la famille pour se perfectionner en viticulture et en commerce nous emmène dans le chai où vieillit le célèbre spiritueux français, le Cognac.
des murs qui parlent
D’une main de maître, elle nous explique les choix des bois, les âges de barriques. Les fûts marqués de la lettre F et M signifie que l’achat des barriques a été réalisé en février et en mai.
Tout à coup, elle attire notre regard sur les murs en pierres tachetés de noir : « observez ces murs, nous dit-elle. Ils ne sont pas sales par manque d’hygiène. Il s’agit d’un champignon connu sous le nom de Torula compiniascensis. »Il est là parce qu’on produit du Cognac dans cette pièce!
Le champignon se développe sur les murs grâce au phénomène de la part des anges.
la façade ne trompe pas
A l’époque, l’observation des murs des maisons à Cognac et leurs changements éventuels de couleur (vers le noir) constituait un véritable moyen de vérifier à l’époque la fraude des maisons qui élevaient les Cognacs en barriques en toute illégalité.
La couleur de certains murs du cognaçais pourrait laisser ainsi penser au visiteur non averti que les habitants n’entretiennent pas leur demeure. Que nenni ! Qui dit pierres et tuiles noircies, révèle la précieuse eau-de-vie à l’intérieur.
Le noir du torula compniacensis sur les murs et le noir du tuber melanosporum nous racontent là une belle histoire du temps et de la nature.
Les vendanges réalisées à la fin de l’été du célèbre cépage régional, ugni blanc (98% du vignoble de Cognac !), permettent de produire un vin de base à l’acidité marquée et peu élevé en alcool. Il sera ensuite distillé. Après la distillation s’arrêtant à la fin de l’hiver, l’eau-de-vie sera mise en barriques de chêne.
une évaporation naturelle
Elle va y vieillir dans l’obscurité des chais pendant de longues années. C’est là qu’un subtil échange nait entre la barrique à la fois étanche et perméable (permettant une micro oxygénation) et son précieux contenu. Il va permettre au fil du temps de diminuer la force alcoolique et le volume du Cognac tout en révélant peu à peu une véritable complexité aromatique.
Cette évaporation naturelle s’appelle « la part des anges ». Ces fameux anges sont de véritables amateurs de Cognac et pour le moins gourmands puisqu’il est d’usage de constater que l’équivalent de plus de 20 millions de bouteilles sont “bues” par les anges chaque année…
Ces vapeurs d’alcool qui se dégagent des chais nourrissent ainsi le torula compniacensis, un champignon microscopique, qui donne cette couleur noire aux pierres de taille blanche des maisons et aux toits de tuiles. Cette couleur constitue un véritable témoin naturel de l’emplacement d’un trésor qui évolue lentement à l’abri des regards.
Merci pour votre article,
ancien vigneron au château de la Roche en Loire,
je connais ce champignon que l’on retrouve dans toutes les bonnes caves.
On dit que ce champignon « mange » les vapeurs d’alcool.