« Quand vous voyez un vignoble, cherchez l’abbaye » ayant retenu ce conseil de Jean-Baptiste Noé*, j’ai connecté mon GPS qui a tout de suite localisé l’abbaye Saint-Pierre de Bourgueil, où ce qu’il reste, construite un peu avant l’an mil. Après, tout s’enchaîne, l’abbé Baudry, Ronsard, Rabelais et l’enfant du pays Jean Carmet dont la maison natale est devenue la Maison des Vins de Bourgueil .
Ces bourgs viticoles comme Sancerre ou Vouvray dégagent une émotion palpable, peut-être parce qu’ils incarnent la France viticole éternelle. L’émotion était bien là, à Bourgueil en ce dimanche de mai, à l’occasion des BIO JOURS qui réunissaient une trentaine de vignerons bio des alentours.
« Sur nos 130 vignerons le quart d’entre eux cultive en bio aujourd’hui» me précise Guillaume Lapaque, l’organisateur de la manifestation et directeur de l’Appellation. Je m’attendais à une ambiance festive, du type ba-ba cool, comme on en voit fleurir dans les fêtes de vins natures. Rien de tout cela.
Les plus engagés étaient là.
La maison Breton, le château de Minière, Xavier Courant ou Aurélien Revillot ; d’autres sont venus en voisins : Patrick Baudry, Gérard Marula ou les Oosterlinck-Bracke, pour ne citer qu’eux.
Le travail du cabernet franc est leur passion commune. «On fait parler le cabernet franc » pour l’un. «C’est un mustang ! » pour l’autre, qui compare le Cabernet sauvignon à un labrador fidèle.
Petite dégustation chez Pierre Breton, son «avis de vin fort» un clairet 2014, m’attire ; je goûte et suis séduit par la fraîcheur et la vivacité du cabernet à peine extrait, croquant de fruit. A l’autre bout de la gamme, je découvre un grand Bourgueil : « les Perrières » 2010, issu de vieilles vignes sur un terroir à mi-pente argilo-siliceux, acclamé par la RVF. Fruité ciselé et droiture des tanins, corps, puissance et longueur. J’évoque le Clos Rougeard des frères Foucault à Chacé en Saumur Champigny ; Pierre Breton acquiesce, ce cousinage lui plaît.
Il plaît aussi à Sébastien David, un hurluberlu de génie,
issu de 15 générations de vignerons à Saint Nicolas de Bourgueil qui m’a fait découvrir son exceptionnel « vin d’oreille » 2011.
Retenons enfin la créativité artistique de Vincent Roussely , dont les étiquettes flashy attirent le regard et donne envie de déguster.Guillaume Lapaque me disait que l’Appellation Bourgueil comptait le plus fort pourcentage de vignerons bios en France. Cela fait réfléchir. Voilà les membres les plus entreprenants, les plus dynamiques d’une communauté viticole qui s’engagent en bio et biodynamie, auxquels s’ajoutent ceux qui sont en conversion.
Cette communauté des vignerons de Bourgueil est l’héritière d’une tradition millénaire. Comme partout, les errements de jadis n’ont pas été évités, en particulier la viticulture productiviste des années 90. Et voilà le sursaut, la bonne direction retrouvée, l’avenir de l’Appellation qui passe par l’humilité, le respect de la nature, des familles et des clients. C’est beaucoup plus de travail, tout le monde en convient, mais la fierté de l’artisan- vigneron est là, quand il invite à déguster son bel ouvrage.
Jean-Philippe
*« Histoire du Vin et de l’Église » par Jean-Baptiste Noé, 2013 Les Éditions du Net