Le mot « terroir » est aujourd’hui un sujet davantage considéré par le consommateur lors de son achat. Peut-on pour autant parler de terroir sur l’ensemble des alcools et notamment le saké japonais ?
terroir ? définition
Derrière le concept de terroir, selon l’Organisation Internationale du Vin, on retrouve la notion d’un espace géographique délimité par plusieurs facteurs, notamment physiques comme l’ensoleillement, le vent, l’accès à l’eau, la topographie, les reliefs, l’exposition mais aussi les facteurs humains (le choix des plantes, les outils…).
C’est ce qui confère ce caractère unique et la typicité de chaque terroir d’où la création d’appellations ou encore la délimitation de parcelles dans certaines régions. Cependant, le concept de terroir ne semble pas universel puisque ce mot d’ailleurs n’est pas traduit dans certaines langues du monde. Les anglo-saxons ont même conservé le mot « terroir » tel qu’il existe.
Des pays comme le Japon cherchent aujourd’hui à valoriser cette approche par la protection de produits comme les sakés japonais.
Des représentants de la région de Harima dans la préfecture de Hyogo au centre du pays ont animé une conférence au sein de l’ambassade du Japon à Paris le 30 octobre dernier pour célébrer la mise en place récente, depuis 2020, de l’indication géographique Harima, notamment pour les sakés japonais.
En présence de nombreux représentants, journalistes, importateurs, producteurs, 13 sakés japonais de la région étaient mis à la dégustation.
un savoir-faire ancestral
Le besoin de protéger cet alcool reconnu par ses qualités uniques au sein du Japon était nécessaire avec la mise en place d’un cahier des charges garantissant la qualité et l’origine du produit.
Le saké japonais est une boisson fermentée titrant moins de 22% d’alcool et dont le processus de fabrication requiert des techniques minutieuses et la transmission d’un savoir-faire ancestral. Des ingrédients clés jouent un rôle pour définir la personnalité aromatique de chaque brasserie.
En effet, chaque maître-brasseur, appelé toji, devra faire des choix à chaque étape d’élaboration résultant en une diversité de sakés pour des accords culinaires infinis, chers aux Japonais.
Le terroir est ici le cœur du sujet puisque l’eau du saké de Harima ne peut provenir que d’une eau de source locale des brasseries.
L’eau de la région de Harima est connue à travers tout le pays pour sa richesse en minéraux, éléments essentiels pour faciliter l’action du champignon koji sur l’amidon du riz et ensuite la fermentation sous l’action des levures.
Cette eau a même été surnommée dans l’histoire du pays « l’eau miraculeuse ».
l’eau du saké
Quand on sait qu’une bouteille de saké japonais représente 80% d’eau et 20% d’alcool et de minéraux, c’est dire l’importance de cette eau, sans compter son utilisation à chaque étape de production (lavage du riz, trempage, cuisson, nettoyage du riz et des équipements ainsi que des bouteilles ou encore de l’ajout d’eau avant la mise en bouteille pour l’ajustement du taux d’alcool).
Le rôle fondamental de cette eau a même été démontré par un brasseur de la région vers 1840 lorsqu’il n’obtenait pas la même qualité de sakés dans ses deux brasseries où il utilisait pourtant les mêmes levures, les mêmes équipements et les mêmes équipes. Son eau de source faisait là toute la différence.
le riz ? les levures ?
Quid du riz alors ? Mais aussi du koji et des levures ? Là encore, chaque brasserie a sa personnalité quant au choix de levures indigènes ou de levures sélectionnées aux profils variés. Les levures indigènes apporteront une grande complexité et profondeur aux sakés de brasseries ancestrales où elles auront pu se développer dans un environnement de production au fil des années de production.
Elles joueront également avec le champignon koji leur rôle dans l’approche du concept de terroir, assez nouveau encore pour les Japonais. Le riz aurait-il une importance aussi élevée que l’eau dans cette approche de terroir ?
Souvent, un brasseur de saké ne cultive pas son propre riz, contrairement à un vigneron avec son propre vignoble. Il peut s’approvisionner auprès des riziculteurs de son choix, aux quatre coins du pays, ce qui soulève ici la question du terroir. La brasserie est implantée auprès d’une eau de source nécessaire à son fonctionnement mais pas systématiquement auprès des rizières l’approvisionnant.
Et c’est ce qui différencie les nouvelles indications géographiques apparues ces dernières années dans le pays comme celle d’Harima qui impose dans son cahier des charges un approvisionnement local du riz.
Et pas n’importe lequel : une variété de riz spéciale et connue historiquement comme le « roi des riz » pour son corps rond, riche en amidon et révélant un côté umami et une complexité dans le saké: le riz Yamadanishiki.
le renouveau du saké japonais
Face à la curiosité croissante des consommateurs, les producteurs de saké changent peu à peu leur approche en considérant l’origine de chaque ingrédient.
De nombreux brasseurs ont ainsi entrepris de posséder leur propre rizière pour maîtriser la production et l’origine de leur riz.
Treize sakés de terroir ont ainsi été mis à l’honneur pour témoigner de la personnalité unique de chaque brasserie.
Audrey
Bonjour,
Mes quelques voyages au Japon m’ont fait m’intéresser de plus en plus au saké et c’est toujours un plaisir de lire un article consacré à la boisson nationale Nippone sur ce blog.
Il existe 65 variétés de Shuzo Kotekimai, les riz sélectionnés pour le saké, et il faut sortir des sentiers battus pour découvrir d’autres saké que ceux produits à partir de Yamada Nishiki ou Gohyakumangoku, les 2 variétés les plus utilisées. Ce qui n’est pas évident quand on ne maîtrise pas correctement la langue. Le Kura no Hana (Pref. de Myagi), le Dewan Sanzan (Yamagata) ne sont que 2 exemples parmi beaucoup d’autres, de riz pour saké de terroir. Sans oublier le Koshi tanrei de Niigata, et les excellents sakés de l’île de Sado, où l’on peut véritablement parler de terroir.
Les « Jizaké », où saké régionaux, depuis le boom du saké Ginjo dans les années 80, sont, comme pour le vin, la tendance à privilégier: on boit moins mais mieux.
Comme pour le vin, les hommes, le climat et la matière première, peuvent réunir les conditions parfaites pour des produits de qualité. C’est aux consommateurs avertis que nous sommes d’aider nos « artisans » à toujours aller dans ce sens, et éviter l’uniformisation qui tue à petit feu le produit, que ce soit le vin ou le saké.
Merci beaucoup Jan Nicolas pour ce commentaire très complémentaire. En effet, le saké mérite aussi l’attribution de l’étiquette « terroir » avec tout cet univers fascinant et historique par son avoir-faire ancestral transmis de générations en générations, autour d’une eau de source merveilleuse et d’une diversité de riz encore méconnue! Au plaisir et bonne lecture sur notre site Génération vignerons