Vinalies Internationales, Concours Général Agricole, Decanter World Wine Awards, Mondial du Chasselas, Concours Mondial de Bruxelles, Citadelles du Vin… les concours de vin ne manquent pas (plus d’une centaine par an en France) et les récompenses, tels des confettis, pleuvent sur les linéaires des point de vente de la Grande Distribution (GMS). Linéaires pour lesquels sont faits ces macarons car ils permettent d’attirer l’oeil des 77% des Français déclarant acheter leur vin en grande surface (sondage Viavoice avril 2022). Un caviste, un sommelier, lui, n’a pas besoin de médailles pour vous conseiller…
Un marqueur fort
Ces clients des GMS sont appelés pudiquement des « consommateurs non assistés » par les pros du marketing : le rayon Vins est celui dans lequel ils passent le plus de temps lorsqu’ils font leurs emplettes, non par plaisir mais par manque de repères.
C’est le rôle des médailles d’orienter leur choix lorsqu’ils ont déterminé la région d’origine et le prix qu’ils consentent à payer. Mais peu d’entre eux savent s’y retrouver entre les différentes médailles décernées : 64% des Français avouent ne pas connaître précisément la différence entre les typologies des médailles révèle Sylvain Dadé de l’agence Sowine.
Et pourtant, continue-t-il 59% s’en remettent aux médailles et 61% acceptent de payer plus cher les vins médaillés… C’est ce qu’en marketing on appelle « l’effet de halo ».
Un concours pour qui ?
Il faut avoir en tête que les grandes étiquettes et les vins issus d’appellations prestigieuses sont absents des concours. Logique : ils ont à perdre et rien à gagner. assène la RVF. Et ce ne sont pas les organisateurs qui décident de la présence de telle bouteille au concours. C’est le vigneron lui-même qui décide de présenter ses vins (en payant bien sûr).
En France, il existe une réglementation autant pour protéger le producteur que le consommateur. Ne crée pas un concours de vin qui veut : la DGCCRF précise que l’organisateur doit par exemple s’assurer de la représentativité des échantillons admis à concourir et de leur anonymisation pour la dégustation ; prendre les mesures nécessaires pour garantir l’obligation d’impartialité des jurés ; ou encore conserver un échantillon et certains documents relatifs aux vins primés, dans l’éventualité d’un contrôle ultérieur. En outre, le nombre de distinctions attribuées ne peut représenter plus du tiers du nombre des échantillons présentés.
Ce qui est un sacré frein pour l’organisateur qui se rémunère autant sur le nombre de vins présentés que sur la vente des macarons aux vignerons médaillés… Notons que hors de France il existe bien des concours où plus de 60% des vins inscrits sont médaillés ! C’est le cas de l’International Wine Challenge…
des médailles en chocolat ?
Sur le podium, les médailles de bronze ont tendance à disparaitre. Peu valorisantes. Seuls l’or et l’argent brillent désormais de mille feux. Pour remplacer ce bronze si peu glorieux, l’argent a pris sa place puis l’or celle de l’argent et en lieu et place de l’or voici le…Grand Or ou le Diamant, miraculeux subterfuge pour assumer la rutilance des allées commerciales et éclairer le choix des consommateurs !
où sont passés les jurés ?
Autre difficulté à souligner : trouver des jurés. Les sollicitations sont si nombreuses que peu de professionnels (oenologues, sommeliers par exemple) acceptent d’y participer en dehors des concours majeurs. A 5 jurés par table et 45 échantillons dégustés par jour maximum (normes OIV), il en faut du monde !
Alors les tables de dégustation sont souvent composées d’amateurs : de quoi jeter le doute sur la qualité des jugements délivrés. l’organisation du Concours des Vignerons Indépendants prend quand même la précaution d’offrir aux futurs jurés une mini formation à la dégustation. De même pour le Concours général Agricole aux médailles très recherchées et qui rassemble des producteurs ainsi que des amateurs éclairés ayant suivis une formation.
muscler les concours
Confiance, impartialité, crédibilité sont des mots qui reviennent régulièrement dans le discours des organisateurs…Comme si on les avait perdus en route !
Voilà pourquoi l’OIV, l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vins composée de 49 états membres, s’est penchée sur la question depuis 1961 et a fixé des normes techniques et scientifiques auxquelles sont soumis les concours internationaux qui veulent bénéficier du patronage de l’organisation. Par exemple L’OIV vient de mettre au point une fiche de dégustation harmonisée valable pour tous les concours. L’objectif recherché étant de faire de ces manifestations des lieux de découverte de vins de qualité exceptionnelle.
Quant à Vinofed, la Fédération mondiale des Grands concours internationaux de vins et spiritueux, elle regroupe 18 grands concours. En tant que membre observateur de l’OIV elle pratique un audit de chaque grand concours selon des normes rigoureuses pour assurer une crédibilité absolue aux résultats des concours.
A qui se fier ?
On le disait, il y a plus de 100 concours en France actuellement. Et autant de différentes médailles. Et chaque vigneron défendra le concours qui l’a récompensé ! Bien sûr il y a ces concours placés sous le haut patronage de l’OIV : en France le Mondial des Vins Blancs de Strasbourg, Citadelles du Vin et Vinalies de l’Union des Œenologues de France. Mais on ne peut pas écarter les concours qui font autorité depuis des lustres : je pense au Concours Général Agricole, au Concours Mondial de Bruxelles ou encore des manifestations régionales comme les Concours des Vins de Macon, d’Orange, les Ligers sans parler des concours thématiques comme ceux du gamay ou du pinot noir…
Allez, je ne vais pas me risquer à décerner des médailles aux concours et je vais terminer par cette pirouette : la meilleure médaille c’est vous qui allez la donner car un bon vin c’est celui qu’on aime.
François
NB : la plupart des données citées dans cet article sont tirées de la conférence « Quelle est la valeur ajoutée des concours de vins ? » donnée au salon Vinitech-Sifel 2022