Ce n’est pas nous qui le disons, mais il semblerait bien que pour gagner (honnêtement) un maximum de thunes dans le milieu du vin, ce n’est pas en regardant la vigne pousser, ni en remplissant des hottes de raisin, encore moins par un travail précis de vinification pour un cru recherché.
—
Alors vous séchez ?
En réalité, les meilleures rémunérations proviennent du secteur de la direction et certainement pas du management d’un petit vignoble. Selon l’enquête menée par Fabien Humbert certaines écoles promettent à leurs étudiants des salaires plus que coquets. Et il y aurait de quoi s’acheter régulièrement des caisses de très jolis flacons.
Ces étudiants seront de futurs juristes, des attachés de presse, ou des directeurs financiers qui peut être un jour ouvriront les portes des plus illustres maisons de négoces et devront faire allégeance afin de conquérir de juteux nouveaux débouchés.
Ces postes convoités sont en haut de la hiérarchie et forment une « aristocratie du vin », un cénacle de diplômés d’écoles situées à Bordeaux, Dijon, Montpellier ou Angers… dans l’épicentre de régions viticoles de prestige.
30 à 40 k€ pour un master 2 de droit du vin, 40k€ pour un Vinifera Euromaster diplômé de l’IHEV Supagro Montpellier. Les échelles de salaires sont certes très alléchantes, mais elles sont fournies par les prescripteurs et pourraient ne concerner que quelques postes rares. On se doit donc de raison garder.
Mais pourquoi ne pas viser les 85k€ avec ce MBA plus ambitieux et qui vise un poste à l’international ? Avec ses 95% d’étudiants étrangers et seulement 20 diplômés c’est en théorie le TOP One des rémunérations. La formation est entièrement en anglais et propose un Wine & Spirits MBA sous conditions d’avoir au préalable obtenu un Bachelor’s degree + 3 d’expérience professionnelle + un niveau reconnu d’aptitude en langue anglaise type TOEFL,GMAT ou BAT.
Une formation très internationale de deux années à tout de même presque 30K€ hors hébergements et transports (comptez presque le double en coût réel) , dispensée sur 5 lieux successifs : Bordeaux, Adelaide, Sonoma, Hong Kong, Shanghai.
Il s’agit sans conteste d’un réel investissement.
On retombe à 28 k€ pour un Master professionnel M2 en droit, gestion et commerce des spiritueux.
Vraiment pas facile de vivre avec un simple Master de nos jours mon cher !
Début de carrière, primes et avantages ou renégociation annuelle des salaires, le flou est de mise et il faudra apprendre à lire entre les lignes. Il est difficile d’imaginer que l’intégralité des diplômés d’une année soient embauchés avec la même grille salariale.
Jean-Luc
—
Et les vignerons dans tout ça ?
La rémunération d’un vigneron indépendant est une donnée assez difficile à quantifier dans la mesure où le vigneron qui acquiert son domaine fait une opération financière (j’achète mon outil de travail) et une opération patrimoniale (j’investis dans mon domaine tout au long de mon activité et j’en tirerai profit le jour de la revente ou de sa mise en location).
Ainsi un jeune vigneron qui s’installe consacrera pendant les premières années une bonne partie de son EBE (Excédent Brut d’Exploitation) à rembourser ses annuités à la banque, une fois déduit sa rémunération.
Le plus souvent elle sera calée au plafond admis pour bénéficier des aides aux Jeunes Agriculteurs, c’est à dire autour de 1800€ pour un jeune qui s’installe seul et autour de 2500€ pour un jeune couple qui travaille ensemble sur l’exploitation.
Néanmoins il est communément admis qu’un vigneron installé s’octroie une rémunération moyenne de 45k€/an (source Insee). Il ne tiendra pas forcément à obtenir une rémunération supérieure car il bénéficie d’avantages induits par son métier : le logement, le véhicule etc. Il réinvestira le reste de son EBE en nouveaux équipements ou tout simplement il le consignera dans un Compte Courant d’associé dont il pourra disposer en fin d’activité.
François
—
Les commerciaux du vin
Rappelons les chiffres : le secteur des vins et spiritueux en France, en 2019, c’est près de 10 milliards de CA à l’export !
Il faut se démener pour les faire rentrer ces milliards, et ça, c’est le job des directeurs export, des directeurs commerciaux de la centaine de groupes cotés et des grosses structures familiales, comme LVMH, Kering ou Pernod-Ricard, mais aussi Lanson BCC, la famille Helfrich, Bernard Magrez ou Gérard Bertrand.
Ils sont nos fers de lance dans les grandes batailles de la planète vin, là où la France doit défendre son statut envié de premier pays de la classe.
Rien de surprenant à ce que leurs salaires voisinent les 160 000 Euros brut annuel comme l’explique Frank Jullié, associé-gérant au cabinet ElzéarWine&Spirit, et auteur d’une récente étude sur les rémunérations. « Aujourd’hui sortir d’un établissement reconnu est un gage de réussite, j’observe un bon dynamisme des diplômés de la Burgundy School of Business (Dijon) de l’Inseec et de Kedge Business School (Bordeaux).»
On en connaît qui sont un peu allergiques aux écoles de commerces, ils vont préférer des parcours plus atypiques, mêlant stages dans le Nouveau Monde, expériences de vente dans les domaines, travail en sommellerie, chez les cavistes, dans les médias ou en plateformes de vente en ligne. L’expérience, c’est cumulatif sur un CV.
Disons-le tout net : il n’y a pas de place pour un commercial salarié chez les vignerons indépendants, c’est la patronne ou le mari qui s’en charge. C’est différent pour les caves coopératives qui disposent d’équipes commerciales pas toujours rajeunies. Des opportunités pour les milléniaux ambitieux et passionnés.
Aujourd’hui les domaines ne peuvent se priver d’un relai commercial, alors ils travaillent avec les agents commerciaux un univers méconnu que Génération Vignerons a récemment exploré. Deux tendances sont favorables à l’extension des réseaux d’agents : la valeur unitaire de la bouteille et des spiritueux qui ne cesse de grimper. Et la multiplication des cavistes (6000 points de vente, surtout en centre-ville) et des « commerces alimentaires vendant du vin ».
« Ces commerçants, il faut les visiter, les faire déguster, les approvisionner », comme le souligne, Fabien Cheneau, l’agent commercial indépendant de Nantes que tous les beaux domaines s’arrachent. Leur rémunération ? Il faut faire un petit calcul, sachant que leur commission avoisine les 14% sur le prix de vente de la bouteille. Attention, ils sont auto-entrepreneurs ou gérants de leur petite entreprise, alors il y a des frais, le stockage des vins, par exemple, les déplacements, les livraisons, etc.
Les Suisses sont plus transparents que nous, comme le montre la statistique salaire de Jobs.ch de l’agent commercial en vins : 64285 CHF, soit 62 114 Euros. Il s’agit d’un salaire médian, pas le plus élevé, sachant qu’on démarre autour 50k€/an. Jobs.ch n’a pas voulu me dire combien de Français exerçaient ce métier en Suisse. Ça vous tenterait d’habiter près du lac Léman ?
Jean-Philippe
—
Si on se lançait dans l’oenotourisme ?
Le site VisitFrenchWine.com n’a été lancé qu’en 2016 par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, preuve que l’œnotourisme en est à ses prémices. C’est un secteur qui se développe et dans lequel nous n’avons encore que peu de recul.
Alors, côté salaires, pour le moment, c’est un des secteurs aux
(encore trop jeune peut-être ?).Pour ceux qui rêvent de devenir guides au cœur des vignes, c’est possible ! Ces dernières années, l’oenotourisme ne cesse de se développer au point que certaines régions investissent dans cette branche d’activité en créant leur propre agence comme c’est le cas dans le Rhône avec Terres de Syrah. Il s’agit d’un nouveau pôle œnotourisme et événementiel créé par la Cave de Tain.
Débuter dans l’œnotourisme requiert une spécialité métier mais n’ayez pas de hautes attentes salariales : vous débuterez entre 28 et 32 k€ brut grand maximum. Avec l’expérience et l’évolution, on peut espérer dépasser atteindre les 3000€ net par mois en tant que cadre/directeur œnotourisme. Patience, la reconversion prend du temps.
L’autre option au salariat est d’être indépendant dans l’oenotourisme, mais attention, on ne compte plus les heures pendant les pics de saison touristique pour rapporter un salaire décent après déduction des charges !
Souvent, les périodes creuses devront être compensées par des activités complémentaires que l’indépendant devra chercher lui-même : « C’est un métier chronophage dans lequel on se donne les weekends, soirées, semaines, jusqu’à 70 heures semaine ! » se souvient Marie-Josée lorsqu’elle était indépendante.
Le conseil en cabinet pour les mordus de projets !
Marion Barral est une femme dynamique avec de l’énergie à revendre. C’est pour cela qu’elle a choisi le métier du conseil et de la formation au sein du cabinet AOC Conseils, dédié à la filière viticole. Elle accompagne les vignerons sur le pilotage de leur entreprise avec une vision à 360 degrés, de la vigne à la commercialisation.
Le stéréotype des soirées de dégustations à n’en plus finir parait attrayant mais épuisant à force de répétitions. « Moi, je me suis mise une frontière très claire à ce niveau-là. Je suis née dans le monde du vin. J’ai voulu fuir le métier. Mon père était vigneron dans le Languedoc à une époque où la région était en mal être profond. Il fallait se battre et cela m’a écœurée. J’ai voulu fuir ce monde en faisant des études d’ingénieur agronome orientées sur le développement. J’ai commencé dans un cabinet d’audit. Quand je suis partie travailler à Londres, cela m’a naturellement ramené au monde du vin. On a cela dans les tripes finalement. J’adore apprendre, j’aimerais poursuivre le Master of wines. Mais je sais que ce n’est pas comme obtenir un MBA. C’est un choix personnel pour apprendre plus (une stimulation intellectuelle) mais pas pour gagner plus ! »
L’accumulation de diplômes dans le vin n’augmentera pas votre salaire. Paradoxalement, peu de personnes quittent le monde du vin : par amour, peut-être ?
Audrey
Image à la Une : ©France Bleu