Il y a-t-il une échelle des bonnes pratiques et dans cet éventail comment vous situez-vous ? Irréductiblement conventionnel ? Parti pour une conversion bio ? Certifié bio ? biodynamique ? vous êtes « nature » ou labellisé HVE ( ne pas tout mélanger me direz-vous) ?
L’Agroécologie c’est un peu tout ça à la fois mais en plus il faut y intégrer votre engagement et une certaine vision de l’agriculture et de la société. On parle ici d’une dimension holistique, carrément. Tout dépend de l’endroit où vous voulez placer le curseur d’une attitude vertueuse qui ne s’inscrit dans aucun cadre réglementaire mais qui pointe vers l’héritage que vous voudrez laisser aux prochaines générations….
de l’agriculture à la politique
L’agroécologie s’oppose à l’industrie agroalimentaire. C’est un ensemble de théories et de pratiques agricoles nourries ou inspirées par les connaissances de l’écologie, de la science agronomique et du monde agricole. Ces idées concernent donc l’agriculture, l’écologie, et l’agronomie, mais aussi des mouvements sociaux ou politiques, notamment écologistes. Définition donnée par Wikipedia.
Au regard de l’Agroécologie, l’agriculture est la cause principale de la pollution de l’eau par les nitrates, le phosphate et les pesticides, elle constitue la principale source anthropique de gaz à effets de serre et, avec la foresterie et la pêche, la principale cause de perte de biodiversité dans le monde.
L’agriculture nuit également à son propre avenir par la dégradation des sols, la salinisation, le soutirage excessif d’eau et la réduction de la diversité génétique des cultures et du bétail.
l’Agroécologie dans le vignoble
Remettre le vivant au milieu des vignes, oui mais pour quel objectif ? La priorité c’est la qualité des produits : des vins issus de sols vivants où la nature a repris ses droits. Et puis protéger sa santé, celle de ses collaborateurs, celle de ses riverains en limitant le recours aux intrants.
Anticiper une demande toujours plus exigeante d’un public de plus en plus attentif à ne consommer que des produits sains, le plus naturel possible, élaborés par des artisans désireux de réduire toujours plus leur empreinte environnementale.
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s’affranchir du bio
Alain Vidal : avec Céline sa femme, ils sont les propriétaires du Château Dubraud : 25 hectares en Premières Côtes de Blaye. Le moins que l’on puisse dire c’est que la préoccupation environnementale est au coeur de leur vignoble depuis plusieurs années : nous les avions rencontrés il y a 2 ans et Alain nous avait exposé leur engagement en agroforesterie. Ils sont aujourd’hui en pleine conversion entre la viticulture traditionnelle et la viticulture « vertueuse » comme ils l’appellent.
Mais pas de bio pour les Vidal. Alain met les pieds dans le plat : On n’a jamais voulu passer en bio parce que le seul produit autorisé pour lutter contre le mildiou -qui pour nous est un fléau face à l’Atlantique- c’est le cuivre. Or le cuivre, c’est quand même une saleté. On n’en prend pas le matin au petit déjeuner…Le modèle à suivre ? c’est la forêt.
remettre le couvert
Donc depuis plusieurs années déjà, au Château Dubraud, on sème de l’herbe dans les rangs de vigne, mais pas n’importe quoi. Ces végétaux vont pousser jusqu’à fin avril voire jusqu’au 15 mai après le risque de gelée. A ce moment on couche ces herbes. On ne va pas les couper pour faire exactement comme dans la forêt, où les branches tombent tranquillement. Les arbres font 35 m de haut et tout va bien ! Quant aux sarments, ils ont été taillés puis tirés. Dès qu’il va faire beau on va passer le broyeur, Une étape nécessaire pour accélérer la décomposition du bois avant les vendanges. C’est là qu’on voit qu’on est encore dans l’agriculture : on n’est pas dans des sols auto fertiles, alors que c’est bien ça l’un des objectifs, arriver à la quasi auto fertilité des sols…
Les résultats sont déjà sensibles : Dans cette parcelle de merlot de 2 hectares, on a commencé les couverts végétaux il y a 7 ans. on a doublé le taux de matière organique, de 1,4 à 2,7% de matière organique, ce qui est très bien pour un sol viticole. On n’est pas encore à 6%, ce qui était la moyenne des sols il y a 50 ans. on voit les vers de terre revenir et ça c’est physique !
Revisiter toutes les pratiques
Alors pour Alain, la lumière vient d’ailleurs : nous travaillons avec un mouvement la Belle Vigne qui rassemble à la fois des viticulteurs, des scientifiques et des techniciens, pour aller chercher la connaissance scientifique qui émerge et qui nous dit qu’il faut aller vers des sols couverts réintroduire du carbone dans les sols, augmenter la biodiversité, mettre des arbres, des mares…
1000 arbres au Château Dubraud
Changement de braquet, changement d’échelle. L’Agroécologie rentre aujourd’hui par la grande porte du Château Dubraud. Tout un écosystème avec, pour commencer, une mare de 200m2 pour permettre aux oiseaux, insectes, de s’abreuver, puis un bois de 300 à 400 arbres entre les parcelles de vignes, juste à côté du château. 18 espèces différentes de feuillus : chênes, cormiers, alisiers, ormes, peupliers, saules…
Et 700 m de haies supplémentaires en bordure de vignes avec encore des arbres dans les rangs. Plus question de rogner les rangs. Alain Vidal : ça tombe bien : dans les nouvelles pratiques on rogne beaucoup moins la vigne. Parce que rogner, couper l’apex, la pointe des sarments, ça déstabilise la physiologie de la vigne. Et enfin un verger.
A Bordeaux d’autres domaines ont entrepris leur conversion à l’agroécologie comme le Domaine Emile Grelier, le Château Coutet à Saint Emilion, le Château Anthonic dans le Médoc. Mais dans le Blayais, Château Dubraud fait figure de pionnier et nul doute qu’il servira d’inspiration à bien d’autres exploitations.
Alors quoi de plus évident pour les Vidal que de faire appel au crowfounding pour abonder l’aide octroyée par la région Nouvelle-Aquitaine ? Un projet de financement participatif est dores et déjà en ligne sur la plateforme Miimosa.
Première étape : le terrassement de la mare et du bois, puis la plantation des 1000 arbres, haies, et enfin en 2022 : la création d’un parcours botanique de 2 km pour accueillir les visiteurs !
Qui ose dire encore qu’il ne se passe rien dans le Bordelais ?
François