vin et cannabis : chronique californienne

Lorsque Monsieur Marcel ferma les portes de son épicerie-cave-à -vins restaurant de Farmers Market à West Hollywood, j’ai compris que la situation devenait inquiétante ici à Los Angeles et qu’il était temps de prendre le premier- et peut-être le dernier – vol Air France pour rentrer à la maison, Covid 19 oblige.

Laurent, le sommelier-caviste, celui qui connaît tous les people du coin m’avait fait découvrir les pinots noirs de l’Oregon, ceux de la Willamette Valley. J’ai arrêté les pinots noirs de Californie, trop massifs. Vous savez,  l’Oregon, c’est 500 miles au nord, avec un climat tempéré, de beaux sols volcaniques. Et la même latitude que la Bourgogne.

C’est peut-être pourquoi les maisons bourguignonnes n’ont pas manqué d’y faire leurs emplettes ces dernières années : Domaine Drouhin Oregon, Beaux-Frères, Resonance Vinyards (Louis Jadot), Nicolas-Jay (Jean Claude Méo), pour en citer que quelques-uns.

 

Des pinots noirs bien croquants

Chaque jour je rapportais une bouteille différente pour la plus grande joie de ma belle-fille. On découvrait ces jolis pinots noirs, croquants en bouche, à la fraîcheur cerise-cassis qui laissent une longue trace sur leur passage.

Difficile à dénicher en France à des prix accessibles : une trouvaille chez Vinogourmets : Willamette Valley J. Christopher pinot noir 2013 (37,50€).

 

Bordeaux qui pleure

Il serait trop long de s’étendre sur les raisons de la crise des vins californiens qui ressemble à celle de Bordeaux : surproduction, climat déréglé, désamour du consommateur, concurrence des malbec et carmenere sud-américains, etc.

Alors que Bordeaux se lamente, les Californiens ont pris le taureau par les cornes en se lançant dans une nouvelle culture plus prometteuse.

Ici, pas de subvention à l’arrachage, seulement des décisions d’entrepreneurs.

Des chiffres apparaissent dans ce tableau publié dans Wine Spectator : déjà 168 viticulteurs se diversifient dans le cannabis à Sonoma et Santa Barbara.

 

Du cannabis à gogo

Rappelons que la production, la transformation, la distribution et la vente de cannabis sont devenues des activités légales en Californie depuis 2018.

Le marché ne se réduit pas à la vente d’herbe aux fumeurs de joints, m’explique Max R. un vétéran de la consommation artisanale.

C’est devenu un écosystème, une industrie émergente avec des milliers d’hectares plantés plein champs au Canada ou en Oregon, et hors-sol en Californie du Sud ou au Texas.

Chanvre, marijuana, cannabis, comment s’y retrouver ?

Le cannabis est le nom latin du chanvre, une plante connue depuis la nuit des temps, largement répandue sur la planète. Ses qualités horticoles, mécaniques et psychotropes en font l’un des meilleurs amis de l’Homme- comme la vigne, d’ailleurs- qui l’a cultivée ou cueillie sous tous les climats. La marijuna est le nom du chanvre mexicain, comme il existe le chanvre indien, le hashish, l’herbe, la beuh, etc. Il existe plus de 1000 noms pour la désigner.

Parmi les composants du chanvre appelés canabinoïdes, deux d’entre eux se distinguent et connaissent une renommée exceptionnelle : le THC-tétrahydrocannabiol- aux pouvoirs psychotropes élevés, le petit joint récréatif, et à ses vertus anti-douleurs.

L’autre, c’est le CBD – cannabidiol- le nouveau produit miracle de la médecine et de la cosmétologie qui aujourd’hui semble paré de toutes les qualités et bienfaits : anti-douleurs, anti-inflammatoire, soins de la peau, sédatif, relaxant, anti-nauséeux, etc (pour plus de détails, voir ici ) Une chape de plomb est tombée sur la recherche scientifique autour du chanvre et ses dérivés depuis 1937, avec le Marijuana Tax Act votée aux USA. Et la prohibition qui a suivi dans le monde occidental. Rappelons que le cannabis est toujours une drogue classée parmi les stupéfiants au regard de la loi française. Une expérimentation sur le cannabis thérapeutique démarre dès 2020.

La culture du chanvre est-elle légale ?

Le chanvre connaît un regain d’intérêt pour ses qualités naturelles appréciées des industries textiles et de la construction. Sa culture est autorisée en Europe si son taux de THC est inférieur à 0,2%.

La récente libéralisation du cannabis dans certains États américains et canadiens a déclenché des investissements considérables dans les études et la recherche appliquée, après des décennies d’absence due aux interdictions. Des nouveaux assemblages THC-CBD associant bien-être et thérapie voient régulièrement le jour.

Notons enfin que le cannabis libéralisé se fume de moins en moins ; ses principes actifs se trouvent le plus souvent sous forme d’huile essentielle ou d’extraits secs à infuser.

(synthèse réalisée à partir de sources Wikipédia et Fyddle).

A la boutique Serra de Los Angeles, récemment ouverte, je découvre le monde magique du THC et CBD, les crèmes, chocolats, infusions, pilules, huiles essentielles, e-cigarettes et même de l’herbe à fumer à différents arômes et dosages en THC.

L’hôtesse m’a laissé photographier quand je lui ai dit que je l’inviterai dans ma future boutique de Paris !

C’est bien beau l’herbe légalisée, mais les prix ont quasiment doublé : 40 à 60$ les 3,5g, taxes élevées incluses. Les habitués s’approvisionnent toujours sous le manteau mais sont plus vigilants sur la qualité me dit l’expert.

Le rêve californien

Plus qu’un phénomène, c’est une déferlante Canabidiol qui inonde la Californie actuellement, là où des centaines de millions de dollars sont investis dans la chimie, le marketing par des startuppers millennials aux parents Peace and Love qui vouaient un culte à l’herbe magique capable de sauver l’humanité des maux de l’époque.

Le grand public suit et se passionne comme en atteste les multiples magazines spécialisés ou le rayon «Cannabis A to Z » de la librairie the last Bookstore.

Mais où est passée la vigne ?

La Californie a toujours montré le chemin avec 10-15 ans d’avance sur le reste du monde. Edgar Morin s’enthousiasmait pour cet État de 40 millions d’habitants dans son Journal de Californie – mon livre préféré à l’époque- publié en 1969 et réédité à maintes reprises. Les GAFA y sont nées. Tesla est installé à Palo Alto ; les Disney, NetFlix et autres majors du divertissement sont basées ici.

L’industrie du bien-être made in California, ne manquera pas de s’étendre sur le monde entier et particulièrement en Europe, faisant craquer les réglementations nationales inadaptées.

Il nous restera à imaginer les nouveaux liens entre la vigne et le cannabis dans nos belles régions viticoles. Dans le Sud-Ouest, par exemple, on verra peut-être le Groupement Plaimont (800 vignerons, 5300 ha), toujours réactif, nous vanter les mérites de son herbe AOC Ruderalis cultivée par ses adhérents pour réussir des infusions merveilleusement relaxantes. Et en plus votre herbe, vous l’achetez locale !

Jean-Philippe

Photo à la Une : crédit Humboldt Seed Organization

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.
Catégories : cépages et terroirs , USA

5 commentaires

  1. Pellot Caroline dit :

    Petite question : le climat californien et texan et les réserves en eau sont ils adaptés à ce type de culture ?
    Il y a une approche purement médicale de cette plante qui aurait des propriétés très intéressantes :moins dangereuses que l’opium ou la morphine ?

  2. RAFFARD Jean Philippe dit :

    Il y a une littérature énorme sur le web en ce moment sur le sujet. Je n’ai malheureusement pas pu introduire ici la carte des cultures de cannabis aux USA qui est très instructive. Il y a une différence climatique forte entre le nord et le sud de la Californie. Au sud comme au Texas, il faut irriguer massivement et cela pose le problème de la ressource en eau. L’approche médicale autour du CBD offre des perspectives très prometteuses; un récent reportage diffusé sur France 24 pose bien le problème : https://www.youtube.com/watch?v=uKce8eOGn7Y . Peut-on établir une comparaison avec la morphine, tellement utilisée comme anti-douleurs mais aux effets secondaires préoccupants ? C’est à l’expérience qui nous le montrera.

  3. Jean Luc Poignard dit :

    Voilà un article qui préfigure en effet ce qui attend le vieux monde comme les USA nous qualifie souvent. Mais alors me vient une question…. à quand le vin avec des extraits de cannabis ?

  4. Enrique dit :

    Grande Jean Luc! Enric de Porreres, Mallorca. Greetings!

  5. Enrique dit :

    Les alcaloïdes.peuvent-ils remplacer sulfureux?

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