vendangeur d’un jour

L’invitation de Pierre-Antoine Giovannoni et Agnès à venir les rejoindre pour une «vendange à la propriété » eut droit à son petit drapeau prioritaire dans ma messagerie. Échange et confirmation sur Facebook et me voilà, de bon matin ce samedi à traverser les ponts de Chalonnes-sur-Loire pour entrer en Pays du Layon, celui de la rivière vigneronne, peut-être la plus belle de France.

Y-aura-il du raisin à vendanger ?

On se pose forcément la question.

Les 7 plaies d’Égypte se sont quand même abattues sur le vignoble en 2021 : pluies, gel, grêle, maladies et certainement des bestioles envahissantes qui tourmentent les vignerons passés en bio et en biodynamie. l’Anjou n’a pas été épargné, sans parler des désordres financiers et commerciaux liés à la pandémie.

Quand on vous dit que vigneron est un métier à risque.

©production Evrox

 

LES SÉCATEURS EN ACTION

La belle parcelle qui fait face au château descend en forte pente ; plantée en vieux chenins un peu édentés, elle fournit les raisins pour les crémants.

La cinquantaine de vendangeurs-amis s’activait dans les rangs sous le regard précautionneux de nos accompagnateurs : Antoine, le gendre de Pierre-Antoine et Valérie Aubergeon, l’animatrice  des Vignes selon Val, l’amoureuse du Layon qui a bien tracé sa route depuis notre article sur son métier de guide oenotouristique.

Le bas de la parcelle ne porte pas de fruit ou presque : Lors du gel, la différence de température entre le haut et le bas a dépassé 1 degré et demi, nous expliquera le maître de lieux. Ça fait mal de voir des pieds de vigne infertiles, sans fruits. On nous rassure, ça repartira l’an prochain, sauf si….       

Les feuilles atteintes par le mildiou m’étaient plutôt familières, plaques jaunâtres, petites boursouflures, mais je n’avais jamais vu de grappes atteintes. Tu vois ces petits grains, comme de grains de café, c’est ça, me dit Antoine, tout à son savoir. Il n’y a pas de conséquence sur le goût, une grappe comme ça, tu la gardes, tu égraines un peu au centre.

Rien ne vaut les travaux pratiques pour remettre à jour son petit savoir viticole.

Le buffet campagnard bio local a vu défiler la totalité de la gamme du domaine, soit une quinzaine de références, y compris les jus de raisin. J’avais pour voisines trois étudiantes de l’UFR Esthua Saumur, Alicia, Bérénice et Mélissa.  Je peux attester que la formation dispensée par l’équipe de Jean-Michel Monnier en « œnotourisme et gastronomie » est très solide, à en croire notre débat passionné sur les qualités comparées du grolleau, gamay et cabernet de la maison.

Allait-on se quitter après le repas ? Que nenni.

Après la photo de famille Agnès et Pierre-Antoine nous conduisent à la cuverie, et là, donnent le meilleur d’eux-mêmes pour nous raconter tout simplement, comment on fait le vin. Les esprits blasés diront « je connais, je connais », sauf qu’il y a mille et une façons de faire et celle de la Viaudière nous est transmise avec tant de jubilation, de passion d’expliquer au point que nos hôtes parviennent à construire un lien magique avec l’auditoire.

  Amphore, jarres, cuves ovoïdes, on peut les appeler comme on veut, j’ai choisi des petits contenants, 250 l, en argile fine de forme très circulaire avec une porosité maîtrisée. Si, si j’ai été sur place les choisir dans le Piémont. Pierre-Antoine nous parle avec gourmandise de ses premiers pas dans l’élevage en amphore et des résultats prometteurs sur son gamay Saint-Jean.

Est-il besoin de rappeler ici le lien qui lie Génération Vignerons au château de la Viaudière ? Notre tout premier article au printemps 2014 lui fut consacré.  Agnès venait de rejoindre Pierre-Antoine au domaine qu’il exploitait avec son beau-père Olivier Gélineau. Il n’a pas cherché à chambouler un édifice bâti sur plusieurs générations et doté d’une belle réputation. C’est par petites touches qu’il a conduit la transformation du domaine certifié Terra Vitis quand nous l’avons rencontré, puis passé progressivement en bio certifié et aujourd’hui en culture biodynamique.

Ces petites touches qui l’amènent à des vinifications plus épurées avec des levures domestiques et  toujours moins d’intrants.           

Les fondamentaux sont toujours là, bien sûr la vente à la propriété modernisée avec Internet, la vente en ligne, les réseaux sociaux, les prestations d’accueil et l’œnotourisme.

Ce lien direct avec la clientèle qui oblige à des tarifs très mesurés, a montré sa force de résilience durant les deux années de crise sanitaire. Il n’y avait plus de salons, alors j’ai pris la camionnette et j’ai sillonné la France à la rencontre des clients.

 

 

DES VINS SAINS, LOYAUX ET MARCHANDS

Peut-être ne figure-t-il pas parmi les sommités de l’appellation que les médias du vin encensent régulièrement. Il ne cherche pas à faire le buzz avec des « vins de France » improbables vendus à prix stratosphérique.

Lui traverse loyalement dans les clous des AOP qui le lui rendent bien en reconnaissance et en médailles dans les concours. Comme ses collègues de l’Anjou, Pierre-Antoine  est porté par le retour en grâce de la Loire viticole, aujourd’hui montrée en exemple pour sa tradition humaniste, son foncier accessible et sa magnifique diversité de vins.

Cela n’empêche pas les sujets d’inquiétude, renforcés par sa vision élargie du monde viticole que lui apportent ses responsabilités au sein de la structure nationale des Vignerons Indépendants (vice-président en charge de l’éthique).

La consommation de vin est à la baisse en France, c’est une tendance de fond alors il faut compenser par l’export pour maintenir l’activité. Un quart de sa production part à l’export aujourd’hui avec l’accompagnement efficace de Food’Loire dont Audrey nous a récemment expliqué le mécanisme (Conquérir la planète vin).

Les indispensables Vignerons Indépendants de France

La petite silhouette blanche sur fond lie-de-vin nous est devenue tellement familière qu’on finit par ne plus la voir. Certains y verront une banalisation,  d’autres le signe d’une intégration réussie pour ce syndicat, ce mouvement créé en 1976 qui réunit aujourd’hui plus de 7000 vignerons.

En revanche, l’absence de salons des Vignerons Indépendants pendant 2 ans a clairement créé un manque. Ce manque a surtout montré que la vente de vin ne peut se passer du lien direct entre le vigneron et le consommateur. Une relation inégalable que tous les modèles de vente en ligne, de libre-service, ne pourront remplacer.

Bonne nouvelle ! les salons repartent : Clermont-Ferrand, Lille, Reims, Paris, Rennes, Lyon sont programmés pour la fin de l’année et le début 2022.

Mais au fait, qu’est-ce qu’un vigneron indépendant ? C’est un professionnel signataire de la charte du Vigneron Indépendant qui l’engage à :

  • cultiver sa vigne en respectant son terroir,
  • faire lui-même son vin dans sa cave,
  • vendre son vin en partageant sa passion.

Cette charte est plus que jamais d’actualité, malgré ses 45 ans d’âge. Ses rédacteurs ont vu juste en maintenant l’intégrité du métier face aux pressions toujours plus fortes des tenants du néolibéralisme pour en diviser les tâches. Si les vignerons avaient baissé les bras face aux difficultés de vendre leur propre vin, nous aurions vu se développer des plateformes mondialisées de commercialisation et les vignerons devenir de simples producteurs-récoltants de raisin, comme les growers du nouveau monde.

La valorisation des terroirs, l’engouement pour la consommation locale, le lien direct avec le producteur, l’essor de l’agriculture bio de proximité donnent une force supplémentaire à cette charte du Vigneron Indépendant. Depuis 2002, le mouvement a essaimé en Europe en regroupant 13 pays au sein de la CEVI- Confédération européenne des Vignerons Indépendants.

Ce lobby officiel est l’interlocuteur de Bruxelles dans le champ élargi des domaines de la santé, de l’environnement, du développement durable, du commerce, de l’agriculture et du développement rural dans le monde viticole. « Le vigneron indépendant, l’Homme par qui le terroir se fait vin »

RETOUR À LA POLYCULTURE

D’autres projets murissent autour de l’agroécologie, et je ne serai pas surpris de découvrir bientôt des animaux, peut-être un potager, une culture céréalière ou des plantations d’arbres au milieu des vignes de la Viaudière. Comme la polyculture pratiquée autrefois par le grand-père Gélineau.

Jean-Philippe

Image à la Une : ©Evrox

Ecrit par Jean-Philippe RAFFARD
--------------------------------------------------------------- Toujours volontaire pour une virée dans le vignoble du bout de la Loire, du bout de la France, du bout de l’Europe ou du bout du monde, là où il y a des vignerons, là où il y a du bon vin. Jean Philippe n’oublie pas sa vie antérieure en marketing-communication pour lever le voile sur le commerce du vin et l’ingéniosité des marchands.

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