Président, excuse- moi de te couper mais il faut réagir, faut attaquer. On va pas se laisser rouler dans la farine comme ça. Non, mais tu te rends compte, ils nous avaient dit que l’appellation serait présentée honnêtement…tu as vu le film ! Une histoire de poivrots, de jambes en l’air et un cours de biture en 10 leçons. Non mais on a l’air de quoi ?
Une scène de fiction ?
Elle pourrait se dérouler à Saint Amour, juste après la projection du film éponyme, un soir d’hiver humide ; elle réunit au caveau les adhérents de l’ODG – Organisme de Défense et de Gestion- de l’AOC Saint –Amour. Les 50 adhérents y étaient, ou presque. Attends Fred, qu’est ce que tu connais à la com ? Eh, les gars vous avez vu son site internet ? Je crois qu’il l’a oublié à la cave ! Gros rires…
Plus on parle de Saint-Amour, meilleur c’est pour nous. Les télés, les radios, les magazines, ils sont tous sur le coup. Attends, avec Depardieu-Poelvoorde- c’est mort de rire, comme ils disent !
Tu verras cet été, les touristes qui voudront voir là où Poelvoorde a pris sa cuite.
Les vignerons vont ils bloquer les cinémas ?
Une voix venant du fond de la salle : ils auraient pu dire que le Saint Amour, c’est quand même le meilleur cru du Beaujolais, on a besoin de pub en ce moment. Eh ! Président, t’as pas lu le scénario ou quoi ? Le président est débordé, déjà il voit ses gars sur leurs tracteurs bloquer les accès aux cinémas de Lyon, son regard affolé se tourne vers le père Joseph, le sage de l’assemblée : L’appellation a un joli nom mais on n’a pas la maîtrise du nom, alors il faut faire avec ; et puis, soyons honnêtes, on en vend des bouteilles, ici, le jour de la Saint-Valentin.
A la fin de la réunion plutôt houleuse, une jeune femme s’approche du président : Bonjour, je suis journaliste au Progrès de Lyon et je voudrais savoir… Le président la coupe : Vous avez vu, il y a eu un peu de brouhaha, mais ils ont adoré le film ; c’est franchouillard mais c’est comme ça qu’on boit le vin ici, entre amis ; parfois ça dérape un peu, faut raccompagner les gars à la maison. Rien de bien méchant.
A la fin du film le père et le fils se réconcilient ; le fils ayant retrouvé sa dignité de paysan promet de rester à la ferme, ah non, pas à la vigne, mais à l’élevage de bovins.
Jean-Philippe