Le monde change, regardons autour de nous. Les températures grimpent, les écrans envahissent notre espace vital. Pendant ce temps là que se passe-t-il de réel dans les vignes du sud de la France ?
AOC NOUVEAU-NÉE
Depuis 2014 une nouvelle AOC constituée de 32 communes est venue s’insérer dans le paysage languedocien, celle des Terrasses du Larzac. Tout est parti de Jonquières grâce à la volonté des hommes qui connaissaient bien les rouages de L’INAO ainsi que les avantages mêlés de leur terroir et des cépages qu’ils cultivent.
Située juste au-dessus de Montpellier et précédant les Causses du Larzac la zone de production dessine un arc de cercle. Elle bénéficie de conditions climatiques idéales pour faire face à la dureté du grand sud. Les vignes souffrent mais elles trouvent une amplitude de températures qui les sauve dès la nuit tombée lorsque l’air ambiant perd 10 degrés. Le carignan, qui a été approuvé par tous, est le cépage dont on attend des résultats car il serait à même de faire face aux gelées de printemps et s’accommoderait de terres sèches et peu fertiles.
L’ÉPICENTRE DU MOUVEMENT
L’épicentre du phénomène se situe à Jonquières où Fabien Milesi et son Mas de L’Erme est très représentatif du sang neuf qui coule dans les terrasses. Il me fait l’amitié de nous conduire sur les chemins et les petites départementales qui sillonnent de très jolis terroirs vallonnés.
Un arrêt dans les parcelles de Fabien qui côtoient celle des Mas Jullien, Cal Demoura et de L’Ecriture. Les vignes sont ancrées sur des terres expressives, marquées par des éboulis des terrasses et d’un glacier aujourd’hui disparu. Nous sommes au milieu des cailloutis, une terre blanche, des lignes de syrah, grenache, carignan, cinsault. L’air froid descend des hauteurs la nuit, nous sommes les vignobles les plus au nord de l’appellation Languedoc. On retrouve dans nos vins une typicité bourguignonne avec cette acidité et cette fraîcheur recherchée.
SUIVRE SON INSTINCT
Pierre Citerne de la RVF constate que le Languedoc en a fini avec sa crise de croissance, ses meilleurs vignerons créent aujourd’hui leurs propres styles, réinventent l’identité des terroirs qui attendaient leurs interprètes.
Je me suis installé avec mon épouse il y a 10 ans, je touchais les limites de mon travail. Le retour à la terre et le travail de la vigne me sont apparus comme une évidence. Tout comme le lieu d’implantation. Une décision portée par ce couple courageux et insufflé par des souvenirs dans la famille de Fabien, dont le grand-père travaillait les vignes. Avec son pick-up nous atteignons ensuite les hauteurs du mont Saint-Baudille culminant à 848 mètres et respirons l’air frais devant cette vue totalement ouverte sur les terres vigneronnes. Lorsque nous sommes arrivés, je suis allé à la rencontre des collègues, je suis tout de suite passé en bio, je voulais faire revivre les sols. Ma prochaine étape c’est la gestion des maladies avec les conseils de Pierre Masson1.
TOUJOURS PLUS AU NORD
Les investisseurs de tous bords l’ont compris, il y a un énorme potentiel. Ça calcule, ça reluque le patrimoine, ça vient rôder dans l’espoir de s’offrir des domaines. Heureusement les vignerons qui partent à la retraite résistent aux sirènes de l’argent, malgré la flambée des prix de l’hectare de vigne. Certains prennent de l’avance en partant plus loin vers le nord des Terrasses.
Le magnifique petit village de Saint Privat voit se rajeunir sa population et l’arrivée de jeunes entrepreneurs courageux à l’esprit communautaire. Olivier Jullien anticipe une inéluctable augmentation des températures sur les terrasses et donc continue à planter des ceps en altitude à la recherche d’un climat plus clément. La jeune vigneronne Anne-Laure Sicard s’y installe en avril dernier. Par les efforts d’un néo agriculteur une colline d’oliviers revoit le jour. Une vielle parcelle de syrah est remise en état et vinifiée. Les terres revivent. Une énergie nouvelle gagne du terrain.
LES VINS DU MAS DE L’ERME
Lors des Estivales du Mas Saporta2 j’avais découvert Les Petits Princes 2015 qui porte un fruit mûr légèrement poivré. Belle surprise. En bouche c’est un jus digeste et plaisant. Avec des arômes de fleurs et de fruits à chair jaune ou d’abricot, Nuit Blanche 2016 est un assemblage blanc de viognier, marsanne, roussanne, bourboulenc, vermentino. Bien présent en bouche il développe sa matière ample sans être pesant.
L’Evidence 2014, deux étoiles et coup de cœur au Guide Hachette 2018 en Grenache, Syrah, Carignan livre des arômes de garrigue et une belle longueur en bouche, finissant sur des notes épicées et sanguines. La compagne idéale de plats en sauce mais aussi d’un pavé de bœuf passé sur les braises.
Sur les Terrasses nous cultivons les raisins dans un esprit similaire. On se prête le matériel agricole, il y a de l’entraide. On recherche tous des vins qui expriment la fraîcheur du fruit. Les projets ne manquent pas comme d’agrandir les chais pour mieux circuler ou de se diriger vers la biodynamie.
Avec la Circulade vigneronne en Terrasses du Larzac qui a lieu début juillet la découverte du paysage fabuleux et des vignerons se fait au rythme de la randonnée. Il n’y a pas à dire Les Terrasses du Larzac sont en pleine mutation !
Jean-Luc
1 Pierre Masson est conseiller en biodynamie
2 La maison des vins de Languedoc