Le Val de Loire est l’une des rares régions viticoles dont les domaines peuvent être encore accessibles. Intéressante cette Allée des Jeunes Vignerons au dernier salon des Vins de Loire à Angers : une brochette d’entrepreneurs de 26 à 63 ans rassemblés sur le critère d’une installation de moins de 4 ans dans la région.
Si parmi les exposants étaient présents plusieurs vignerons qui succédaient à leurs ainés –et donc n’étaient pas dans l’aventure de l’installation- des points communs émergeaient franchement pour des projets très différents les uns des autres.
Ils ont fait le saut
Tout le monde ne commence pas forcément dans le vin. Devenir vigneron est souvent un projet muri qui succède à une ou plusieurs expériences. De fait, à Angers, on trouvait côte à côte un ancien entrepreneur en articles de jardin, un ex contrôleur de gestion, un pompier de Paris, deux professeurs des écoles qui un jour avaient tourné le dos à cette période de leur vie.
Pas d’improvisation :
Plus question aujourd’hui de se jeter à l’eau pour apprendre à nager. Si Odile Ponroy du Château du Quincy s’est entourée des conseils d’un coach viticulteur, la plupart a, au minimum, opté pour une formation en lycée viticole : BP REA pour Vincent Bétis, ancien pompier de Paris à la tête de la Closerie du Bois Joli, bac pro viti-oeno pour Véronique Papin du Domaine de Haute Perche, BTSA pour Antoine Aquilas du Domaine Gaudard, comme pour Clément Marchand du Domaine Marchand et fils, même formation pour Nicolas Lecomte du Domaine Lecomte qu’il a complété par une licence viti-oeno et un diplôme à l’ESA à Angers tout comme François Plumejeau du domaine de la Gonorderie qui y a suivi le master vintage.
Même pour un enfant de vigneron, les bases s’acquièrent à l’école et la case formation diplômante est incontournable.
Se faire la main chez les autres
Au delà de leur valeur pédagogique, les stages font partie intégrante de la formation et sont même obligatoires pour bénéficier des aides à l’installation : pendant longtemps il a fallu effectuer un stage de 6 mois. Aujourd’hui la durée des stages est personnalisée en fonction des candidats aux aides.
Nos jeunes vignerons du Val de Loire ont plutôt recherché l’international et l’Australie est une destination de stage classique : François Plumejeau y a fait sa première vinification tout Clément Marchand et Antoine Aquilas qui a poursuivi par un stage en Argentine, L’Oregon devient aussi une destination prisée, c’était celle de Nicolas Lecomte.
Un premier job
Tous n’ont pas choisi immédiatement l’installation, pour diverses raisons : la première étant l’absence de véritable expérience. Heureusement la profession recrute : Véronique Papin a débuté comme caviste à Paris, Clément Marchand est devenu agent commercial pour Marie Brizard, François Plumejeau a débuté comme maître de chai à Barsac dans le Sauternes. Pour eux, le passage à l’acte s’est fait dans un deuxième voire troisième temps, après avoir observé chez les autres ce qu’il fallait faire et…ne pas faire.
Trouver la perle rare
François et Sheila Plumejeau ont exercé leur métier dans plusieurs châteaux du Bordelais, ils ont même envisagé de s’y installer mais c’est en Anjou en 2011 qu’ils ont fini par poser leurs valises : à Brissac – Quincé. L’exploitation était à la dimension de leurs ambitions et là ils se sentaient bienvenus.
Sur 30 ha de vignes de chardonnay, sauvignon blanc, chenin blanc, grolleau noir, grolleau gris, gamay, pineau d’Aunis, cabernet franc et cabernet sauvignon, ils produisent des vins blancs, rosés, rouges et liquoreux déjà primés par les concours et les guides.
Le micro climat du Saumurois et le charme de ce château néogothique : il n’en fallait pas plus pour convaincre les Cambier de s’installer au Château de Beauregard avec son chai d’une quarantaine de cuves, des kilomètres de caves creusées dans le tuffeau et surtout 23 ha dont 10 attenant au château.
Pour Véronique Papin qui raconte son expérience sur Youtube, le domaine était déjà dans la famille depuis longtemps mais elle eu à convaincre qu’elle était capable de le reprendre alors qu’il avait été mis en vente.
C’est en cherchant une résidence secondaire que Vincent et Nathalie Bétis ont trouvé finalement des vignes ! Amoureux du Layon, ils ont trouvé l’occasion trop belle et acheté ces 1,5 ha de chenin.
Vincent qui ne pouvait plus bénéficier des aides a profité des opportunités offertes par l’armée aux anciens pompiers de Paris pour créer son domaine en 2013 qu’il a porté rapidement à 7,5 ha tout en bio.
Leurs challenges
Le financement bien sûr et ce fameux Parcours à l’Installation rebaptisé aujourd’hui Plan de Professionalisation Personnalisé qui peut prendre plus d’un an pour bénéficier des aides. Les projets peuvent être retoqués soit parce que le financement est insuffisant ou parce que la SAFER -qui a un droit de préemption lors d’une vente- préfère voir s’installer un vigneron dont par exemple la surface financière est plus importante. Opter pour le statut de Jeune Agriculteur permet de mieux faire valoir ses droits et donner à accès à des prêts et des aides préférentiels.
Pour contourner ces écueils, les Plumejeau ont monté 2 structures : la première qui a bénéficié de l’ensemble des aides et des prêts et avec laquelle ils ont acheté tout le matériel de production. La deuxième, un groupement foncier viticole – GFV au régime fiscal avantageux– ouvert à la famille et aux amis qui leur a permis à travers 33 associés de rassembler les fonds pour acquérir les terres.
Une fois en place d’autres difficultés apparaissent dans le quotidien : l’administratif qui est de plus en plus envahissant, la nécessaire disponibilité commerciale et finalement le peu de temps qu’il reste pour s’occuper du domaine. C’est le principal souci rencontré par Clément Marchand qui travaille seul et doit assumer l’ensemble des tâches : du coup il ne peut consacrer qu’un tiers de son temps à ses vignes.
Mais, s’ils reconnaissent tous avoir sous-estimé les difficultés rencontrées, au bout du compte personne ne regrette son choix !
François
-un article intéressant sur ce sujet dans le journal du net