Oenotourisme, acte II

Les chiffres sont impressionnants : 87 millions de touristes étrangers en France en 2017. 5,8 millions de Français et 4,2 millions d’étrangers ont visité un domaine, 4,8 millions sont passés par l’un des petits domaines des Vignerons Indépendants…La France est la première destination touristique mondiale (en nombre de visiteurs) et le premier pays exportateur de vins et de spiritueux (en valeur).

Belle réussite ! pourtant, pourtant, il y a 10 ans c’était loin d’être gagné…

Oui, on revient de loin !

Petit rappel : dans les années 2000, le monde du vin est morose. La loi Evin est passée par là. La profession lorgne avec envie hors de ses frontières et observe l’essor spectaculaire des nouvelles activités touristiques que développent les vignobles de Californie, ou ceux de Stellenbosh en Afrique du Sud.

Ministre du tourisme de 2008 à 2010, Hervé Novelli raconte : L’idée était de sortir le monde du vin de cet affrontement stérile et mortifaire avec les tenants d’un hygiénisme strict : ceux qui disent que le vin est un produit nocif. L’autre idée étant qu’à travers la porte d’entrée qu’est la découverte du vin, on découvre la France, ses territoires, ses habitants…

La stratégie a alors consisté à associer l’oenologie à la valeur positive du tourisme. Le coup d’envoi est donné en 2008 et l’activité est dotée d’une réalité institutionnelle avec le Conseil Supérieur de l’Oenotourisme et le label Vignoble et Découverte.

Aujourd’hui lors des premières Assises nationales de l’Oenotourisme, c’est l’occasion de faire le point.

En 2018, 68 destinations bénéficient du fameux label sur les différents vignobles du territoire.

Il s’agit selon la définition d’Atout France de destinations à vocation touristique et viticole proposant une offre de produits touristiques multiples et complémentaires (hébergement, restauration, visite de cave et dégustation, musée, événement,…) et permettant au client de faciliter l’organisation de son séjour et de l’orienter sur des prestations qualifiées.

Avec ses 10.000 caves visitées et ses 5,2 milliards de dépenses globales effectuées par les touristes, l’affaire parait donc entendue.

L’oenotourisme à la française sur les rails sauf que…

 

La concurrence est rude…et les freins aussi !

Le secteur est lui aussi en plein développement sur d’autres destinations, comme l’Espagne ou les USA avec des taux de croissance de près de 30% l’an alors qu’en France on atteint à peine les 18%. En cause, beaucoup de choses…

Pour Jean-François Portarrieu, député de Haute Garonne et rapporteur à l’Assemblée Nationale d’une étude sur la promotion de la destination touristique France : Les attentes des visiteurs aujourd’hui ne sont plus forcément les mêmes qu’il y a 5 ans.  Envisagée au départ à travers le filtre du tourisme social, l’offre a évolué pour répondre à celle d’une clientèle d’Europe du Nord.

Or aujourd’hui c’est le continent asiatique qui s’invite dans les vignes.

Aujourd’hui, la moitié des visiteurs chinois préfère les voyages individuels. Du coup ils n’ont plus d’interprète ! Saurons nous les recevoir en mettant en pratique le meilleur de notre mandarin ?

Autre exemple : quand on sait que 30% de la population indienne est végétarienne, on a du mal  imaginer qu’elle va trouver des offres de restauration adaptée sur les rives du Val de Loire ou au pied des montagnes corses…

Autre exemple encore, saurons nous livrer à notre client chinois de ChengDu, capitale de la province du Sichuan, cette caisse de 6 bouteilles de nos vieilles vignes 2004 ?

Il ne peut décemment pas rapporter dans la soute !

 

 

 

La réglementation freine elle aussi pas mal d’initiatives comme celles des vendanges touristiques qui peuvent être requalifiées par une inspection du travail trop zélée en travail dissimulé !

Ou encore l’interdiction de construire un bâtiment à vocation touristique sur des terres agricoles.

Sans parler de la limitation des pré-enseignes qui ne facilite pas l’accès au domaine…

 

Objectif : le leadership mondial !

Pour Christian Mantei,d’ Atout France, l’agence de développement touristique de la France, il  faut soigner le parcours client . La concurrence entre destinations, territoires et prestataires de service, assujettit le secteur du tourisme et ses dirigeants à une recherche de solutions innovantes . Le client vient découvrir un lieu, une région mais il vient également vivre une expérience forte. L’émotion ressentie lors de ses visites sera la source d’une expérience mémorable qui le fera, soit : en parler ; il devient alors ambassadeur, soit revenir ; il sera fidélisé.

Ce que confirme Sheng Liu de Dufan Voyages Paris : La première destination étrangère des Chinois c’est la France. Et on en attend 4 millions en 2019. A leur retour en Chine ce seront vos meilleurs ambassadeurs !

Pour Laurence Body, auteure de « l’expérience client, le design pour innover » Il faut créer des expériences fluides et sans couture entre l’hôtellerie, la restauration, la visite du vignoble. Il faut travailler sur le lien entre ces visites pour enchanter le client.

C’est ce qu’on appelle l’approche Design, une approche globale.

L’oenotourisme on l’a fait comme Monsieur Jourdain…

Les premières Assises nationales de l’Oenotourisme veulent donc donner le coup d’envoi d’une politique visant à favoriser le développement de l’oenotourisme français. Signe donc, que jusqu’à présent il n’avait pas été vraiment encouragé.

Hervé Novelli, aujourd’hui président du Conseil Supérieur de l’Oenotourisme propose donc vingt actions et mesures en faveur du développement de l’oenotourisme : Pour découvrir le document intégral, cliquer ici

Beaucoup d’entre elles visent à combler des lacunes dans l’organisation comme l’absence de chaire académique et de réelle formation; Nous reviendrons dessus avec l’offre d’un Master 2 bâtie par l’EM Strasbourg Business School. D’autres mesures sont plus opportunistes comme la volonté de pactiser avec les « hygiénistes » en promouvant la consommation responsable et se ré-approprier la prévention. D’autres actions enfin visent la démocratisation de l’oenotourisme avec un accès au numérique.

Avec une autre menace à devoir gérer : le surtourisme,précise Jean-François Portarrieu

Faire de l’oenotourisme c’est facile Faire du bon vin c’est plus compliqué !

C’est vrai, chez les vignerons il y a encore pas mal d’idées fausses. Mais il suffit de se souvenir d’une mauvaise année pour se rappeler qu’à cette occasion on avait déjà regretté de ne pas s’être diversifié…

François

Cliché à la Une : ©RFI

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.

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