Petit pays coincé entre la Roumanie et l’Ukraine, la Moldavie nous rappelle la Syldavie de Tintin dans le sceptre d’Ottokar, dont Hergé se serait inspiré.
Il ne faut pas pousser trop loin la comparaison car 50 années de joug soviétique ont quand même abimé le caractère exotique de la destination.
Ce petit pays de 3 millions et demi d’habitants parlant roumain et russe essaie de trouver un équilibre fragile entre l’accès à l’Union européenne pour le développement économique et la Russie pour tout le reste.
On retiendra que le Moldave est travailleur, adaptable et qu’il n’hésite pas à quitter la mère patrie pour aller chercher du travail ailleurs, à Moscou en particulier. Ces fils et filles du Pays font rentrer des milliards d’euros par an dans l’économie locale contribuant à mettre du baume sur la rudesse de la vie quotidienne, car à ce qu’on peut voir, l’État ne s’occupe pas du social ; mais du vin, oui !
Produit phare de la république Moldave,
le vin fait rentrer beaucoup d’argent dans les caisses de l’État et emploierait un Moldave sur quatre. Une histoire complexe qui remonte aux premières heures de la Chrétienté avec des éclipses liées à la domination Ottomane puis la prospérité sous les Tsars, la mode des cépages français au 19ème siècle, la production industrielle de la période soviétique, le renouveau des cépages locaux et la course à la qualité depuis l’indépendance il y a 25 ans.
S’il y a bien un lieu qui symbolise la puissance vinicole moldave ce sont les caves légendaires de Cricova, à la devise inspirante : Nomen Est Omen. L’oenotouriste le plus blasé sera époustouflé par cette ville souterraine qui compte 120 km de rues-galeries aux noms évocateurs : cabernet, riesling, aligoté, codru, etc. Au dessus des caves, s’étend un vignoble de 700 ha qui produit 40 millions de litres/an. Tout cela est assez récent puisque la transformation de ces anciennes carrières de pierre en cave vinicole remonte à 1952 ; une initiative heureuse des autorités soviétiques !
Le joyau architectural du lieu réside dans les salons souterrains de dégustation, dignes du métro de Moscou et ses trésors du patrimoine mondial vinicole qui vieillissent en paix. Ce monde souterrain chargé de mystères ferait un décor inspiré pour le tournage d’un James Bond ou la série les Revenants. On y trouve la moitié de la cave personnelle du nazi Hermann Goering, prise de guerre de Staline, l’autre moitié repose dans les caves de Massandra en Crimée – ma prochaine destination ?
La visite fut pilotée par Anatol, notre guide russo-moldave à l’anglais impeccable qui nous fit découvrir leur Joconde locale : une bouteille de Evreiesc de Pasti (vin de Pâques de Jérusalem) de 1902. La dégustation ne me laissa pas un souvenir impérissable, si ce n’est la découverte comparée de l’effervescent Cricova Grand Vintage, élaboré en méthode champenoise et en méthode Charmat (fermentation en cuve close). L’occasion de mettre côte à côte ce qui pourrait ressembler pour le premier à un Vouvray Brut et pour le second à un Prosecco, là où dominent les arômes de fleurs blanche, de poire, de pomme et d’agrume. La centaine de médailles fièrement exposées indiquent que les vins de Cricova sont appréciés dans le monde entier, particulièrement dans les ex-républiques soviétiques d’Europe et d’Asie.
Ne boudons pas notre plaisir quand on voit le haut de gamme vendu en boutique à Chisinau autour de 80 Leu moldave, soit 3,5 Euros…
Jean-Philippe