Un peu grisé par cette dégustation au caveau d’un chenin naturel, je retourne prendre place dans ce combi VW des années 60 (sur la deuxième banquette tout à l’arrière, vous savez, juste au dessus du moteur) pour me laisser conduire vers une autre cave en appellation Saumur Champigny.
Le coup de démarreur déclenche dans l’habitacle du minibus des effluves de SP98. S’ensuit au fond de mon estomac un combat inégal entre les vapeurs lourdes de l’hydrocarbure et les arômes délicats du représentant de la douceur angevine. Léger haut le coeur…mais pourquoi ai-je accepté cette invitation à parcourir la Loire sauvage et ses collines angevines en véhicule d’époque ?
un vrai business
Elles sont nombreuses pourtant, les offres de découverte d’un vignoble à bord d’un véhicule de collection. Un vrai salon de l’auto : Traction Citroën, 2 CV, Peugeot 203 des années 50, Renault Dauphine ou cabriolet Floride des sixties…
Les prestataires se sont multipliés partout en France : Retro Emotion en Anjou, La 2CV attitude dans le Maine et Loire, 4 roues sous un parapluie en Bordelais, Ohmydeuche en Provence, pour n’en citer que quelques uns. Sans parler des découvertes à vélo Solex autour de Gaillac dans le Tarn…
des scrupules mal placés ?
Perso je suis fan de voitures d’époque, j’en possède une moi-même mais de là à débarquer au volant de ma TR6 pimento red de 1972 chez un vigneron…
Je sais, ces scrupules n’embarrassent que moi. Mais l’insouciance voire la désinvolture que suggèrerait une telle visite serait à mes yeux incompatible avec le respect que je dois à une profession qui joue sa survie chaque saison.
Sans compter le regard narquois et dubitatif que le vigneron ne manquerait pas de jeter sur ma pétaradante décapotable puis sur ma dégaine, me faisant ainsi passer pour un charlot ou pire pour un Schpountz, ce personnage prétentieux qu’incarne Fernandel dans un film de Marcel Pagnol.
Mais la question n’est même pas là : quelle considération un domaine peut accorder à un visiteur dont l’intérêt pour ses vins n’est qu’une étape joyeuse, récréative et légèrement arrosée au cours d’une balade consacrée à la découverte des ressorts à lame, des freins à tambour et des surmultipliées…
Notons qu’il ne s’agit pas d’une exception culturelle et nous les Français n’avons pas l’apanage de remettre en service nos anciennes pour attirer les touristes dans les vignes.
Mais la question reste entière : quel rapport avec la choucroute ? Et quel est le point commun entre un véhicule vintage et une exploitation viticole de plus en plus numérique bientôt vendangée par des robots ? Sans direction assistée on ressentirait mieux sous l’asphalte les galets roulés et l’on aurait l’impression d’être au plus près du terroir ? Soyons sérieux, il faut bien l’admettre, il n’y a aucune convergence.
gadgétiser le vignoble ?
La visite d’un domaine ne représente-t-elle pas un pôle d’intérêt suffisant en soi ? A-t-elle vraiment besoin d’être soutenue, boostée, dopée par une activité supplémentaire pour la rendre attractive ?
Bon, me direz-vous, tout dépend ce qu’attend le vigneron d’une visite au domaine. C’est vrai. S’il s’agit juste de placer quelques cartons dans la malle arrière, peu importe d’où viennent les visiteurs et le temps que ceux-ci lui consacrent. Une vigneronne de mes amies en Vallée du Rhône bien placée sur un circuit œnotouristique n’en revenait pas : en plein mois d’aout, au caveau, ont fait une bonne partie du Chiffre d’affaires de l’année.
l’œnotourisme, le vrai
En revanche si ce n’est pas qu’une affaire de picole, si la vigneronne ou le vigneron proposent de mieux faire connaître leur région, leur activité, partager leur savoir-faire, suggérer des accords mets-vins lors de la dégustation, renvoyer vers des tables partenaires -voire vers la leur- l’attention que ces professionnels vont nous accorder mérite que nous leur consacrions tout notre intérêt.
Et nous n’en serons que leurs meilleurs ambassadeurs.
François
PS : si j’avais un choix à faire, pour partir à la découverte des vignobles j’enfourcherais un vélo fusse-t-il électrique -un VAE- qui me donnerait accès aux pistes cyclables et au circuits cyclotouristiques en site propre comme la Loire à Vélo ou la Vélodyssée.
Image à la Une : crédit Bourgogne Tourisme
Bien vu ! Joli coup de crayon François sur un Œnotourisme qui se dirigerait tout droit vers une Disneyrisation des vignobles. Cheers, mais surtout à la santé des Vignerons et du vélo qui restent écolo-compatibles.