Il y a muselet et muselet m’explique Liv. Si on y regarde de près, on voit bien que la couleur du fil peut varier, qu’il peut être torsadé de façon plus ou moins élégante, et que dire de la capsule du muselet, son design, sa qualité d’impression qui pourra, si elle inspire un placomusophile, terminer dans sa collection ? Quand on écoute Liv parler de muselet on comprend tout de suite qu’on a affaire à quelqu’un qui a le sens du détail, une esthète qui ne laisse rien au hasard.
Justement l’effervescent de Liv s’appelle Gold.
Il est léger comme ses bulles et fin comme un crémant,
mais ce n’est pas encore un crémant car pour mériter l’appellation, Liv doit respecter le cahier des charges de l’AOP qui lui impose un élevage sur latte de douze mois minimum. Or installée depuis un an, Liv ne peut pas attendre et doit constituer son cash-flow, celui qui va lui permettre de faire vivre sa toute jeune exploitation, le Domäne Vincendeau.
Vous avez dit Domäne ? oui et ce n’est pas un tréma mais un umlaut germanique. Car Liv est allemande et cette coquetterie typographique est là pour nous le rappeler. Originaire de Wiesbaden, seraient-ce les vignes de Saxe qui ont conduit Liv sur les bords de Loire ? C’est un peu plus compliqué ! Je rembobine.
L’art de vivre à la Française
Fin des années 90. Son DEA de chimie obtenu à la fois en Angleterre et en France, Liv se prépare à entamer un doctorat de physique-chimie à l’Université de Bordeaux. Or pendant ses vacances elle a la révélation de…l’art de vivre à la française. Elle se passionne alors pour d’autres molécules, plus aromatiques celles-là et décide d’en faire son métier.
Oublié le Bac+5 ! Elle prépare un BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole) la première année à Obernai dans le Bas-Rhin en faisant un apprentissage au domaine Schmitt de Bergbieten puis la deuxième année au lycée de Montreuil-Bellay tout en travaillant en alternance au domaine Rousseau. Elle restera dans ce domaine deux années de plus après l’apprentissage au cours desquelles, bien intégrée par la famille, elle dit avoir tout appris : la technique bien sûr mais tout ce qui tourne autour et qu’un salarié ne peut pas voir.
Apprendre à vendre
C’est à ce stade qu’elle se rend compte que beaucoup de domaines produisent du vin mais ne savent pas le vendre. Aussi décide-t-elle de faire une école de commerce, l’ESSCA à Angers, en formation continue. Et la voilà embauchée par Langlois Château à Saumur, propriété de la maison Bollinger. Elle y tient un poste de responsable de zone export.
Nous sommes en 2006 et Liv traverse une grande période de réflexion, faire du vin oui, mais il me faut mon domaine car je serai indépendante. Elle travaille pendant près de 8 ans dans le secteur tertiaire, loin du vin mais toujours très active dans les réseaux agricoles y compris auprès de la Safer locale. Elle visite plusieurs domaines, mais ça ne se fait toujours pas. Eté 2013, la chance lui sourit car elle finit par trouver à la fois des vignes plantées en chenin sur les hauteurs de Rochefort-sur-Loire et une maison pour emménager avec son informaticien de mari aux Lombardières en bord de Loire.
Faire du vin, c’est perso !
Elle fait construire un chai dans lequel elle installe des cuves rachetées à ses voisins Sylvie et Christian Plessis du Moulin de Chauvigné, l’occasion de se lier d’amitié avec eux et d’échanger sur la nécessaire solitude du vigneron : la création d’un vin, c’est très perso, c’est dans les tripes, comme des gamins !
Liv se lance dans une exploitation tout en bio avec pour commencer, le Gold, un Anjou blanc, le Raguenet et le Crémant de Loire.
Le cas de Liv est intéressant car il nous livre une approche du métier de vigneron vu à travers le prisme allemand : anticipation maximum, grande rigueur dans l’organisation pour ne rien laisser au hasard et être capable de faire face à l’inévitable imprévu. Une leçon !
François
cliché à la Une ©domaine Vincendeau 2014/2015