Les vins en IGP – Indication Géographique Protégée – prennent la parole. Un geste légitime sur cette planète vin encombrée d’injonctions contradictoires et polluée par ces messages promotionnels qui obligent à porter un masque anti-pub. Mais de quoi nous protègent-ils, les vins IGP ? De la fraude, bien sûr. Laissons à la DGCCRF le soin de traquer les malfaisants qui voudraient localiser des cargaisons de vins non identifiés dans des régions réputées comme justement les 75 IGP qui couvrent en cumulé une large part du vignoble français.
Tenez, un exemple : l’IGP Pays d’Oc c’est 80% du vignoble languedocien, à l’intérieur duquel vous allez trouver une vingtaine d’AOC. Là où l’histoire, la géologie, la climatologie et le savoir-faire des hommes ont identifié les meilleurs terroirs.
La hiérarchie pyramidale est la colonne administrative de la vigne en France, avec les grands crus tout en haut. Cette hiérarchie est-elle respectée ?
En apparence du moins car le marché et les consommateurs ne l’entendent pas toujours de cette oreille.
DES P’TITS VINS SYMPAS
Les Français ont toujours eu un faible pour les petits vins, les vins de soif, pas chers, buvables et conviviaux. l’IGP répond à ce besoin, vous allez les trouver dans la « cuvée du patron», dans le BIB de rosé d’été, dans la petite quille bio achetée au supermarché.
Une bouteille sur trois consommées en France est un IGP, ça commence à compter d’autant que la tendance n’est pas prête à s’inverser. Terre et Vins titrait récemment : Grande distribution : BIB et vins de cépage profitent de la crise.
Ce n’est pas tant que les IGP gagnent des parts de marché dans le cœur des Français que ceux-ci se détournent de certaines grandes AOC, grandes par la taille et pas toujours par le prestige.
Le choc récent d’une pub de la grande distribution proposant l’AOC Bordeaux Terre d’Exception à 1,69€ la bouteille (achetée par six) contribue à casser la confiance du consommateur. «A quoi ça sert de payer plus cher un vin au nom soi-disant prestigieux ? »
Dans la bataille des étiquettes, l’IGP marque des points.
Oui, mais les vins IGP ont-ils bon goût ? Inutile d’acheter un vin à petit prix si c’est pour le trouver, disons, juste « pas terrible ».
Pour prouver que les IGP « goûtent bien » InterIGP organise un concours national des vins IGP, 18ème du nom cette année. Pour des raisons de contrainte sanitaire, il se déroulait de façon éclatée dans six lieux différents.
Cent vins à la loupe
Une centaine de vins représentant l’IGP Val de Loire a été soumise au jugement de dégustateurs chevronnés (œnologues, négociants, viticulteurs). Pierre-Jean Sauvion, œnologue de la maison Sauvion et du château de Fesles constate les magnifiques progrès des vins en IGP depuis une vingtaine d’années. Des vins qui n’ont plus de complexes à avoir vis à vis des AOC, leurs supérieurs hiérarchiques.
THE WINNER IS….
La palmarès décerne de l’or, de l’argent et du bronze à 32 cuvées récompensées. Et qui est le grand vainqueur ?
Comme d’habitude c’est le vignoble Cogné, la « Romanée Conti » de l’IGP Val de Loire, qui repart avec 6 médailles en or et argent pour ses sauvignon, gamay rosé, pinot noir et cabernet franc.
Génération Vignerons connaît bien ce domaine de 50 ha animé par Yan, Séverine et Stéphanie Cogné, situé aux confins de l’Anjou viticole et du muscadet nantais, facile à repérer, juste à côté du bioparc de Doué-la Fontaine.
Sur ce sujet : l'IGP championne du monde quand un handicap se transforme en avantage compétitif
Ce domaine a démarré dans les années 50 avec un gros handicap, celui de se voir interdire l’accès aux AOP. Aujourd’hui il est le champion des IGP avec ses vins de cépage et son fameux sauvignon, médaillé d’or au Concours Mondial Sauvignon 2018. Si, si, ils ont battu les Australiens, les Sancerrois, les Néo-Zélandais de Marlborough….
A combien le vignoble Cogné vend-il sa bouteille de sauvignon ? Je n’ose pas l’écrire tellement c’est ahurissant d’honnêteté et du respect du client.
LA QUESTION QUI FACHE
Et si on terminait par la question qui fâche, celle de la transition agro-écologique ? Le président d’InterIGP Christophe Bou évoque la richesse et la diversité des vins IGP, des vins décomplexés, accessibles, créatifs et originaux bien qu’ancrés dans leur territoire.
Alors pourquoi passer sous silence, la mobilisation de vignerons et de caves coopératives de plus en plus nombreux à mener le combat de l’urgence agro-écologique ? A chacun son rythme.
Quand on connaît les contraintes de volume et de prix bas pour les IGP, on ne s’attend pas à les voir passer massivement en biodynamie !
Les certifications environnementales sont multiples, même si elles ne sont pas toutes d’un même niveau d’exigence, elles attestent de la volonté des opérateurs d’agir de façon plus vertueuse, pas seulement pour écarter les produits phytosanitaires, mais pour réduire leur empreinte carbone, le recyclage et la consommation d’eau, etc.
Croyez-vous que le consommateur ne soit pas sensible à ces arguments ?
Jean PhilippePhoto à la Une : © Cave de Reuilly