Je vous assure que la relève est assurée…
Domaine des Huards, au delà de l’oenologie
Je vous assure que la relève est assurée. Au Domaine des Huards après 4 heures en compagnie d’Alexandre, fils de Jocelyne et Michel Gendrier, je confirme une impression furtive des toutes premières minutes. L’engouement, les idées, le savoir-faire, l’amour de la vigne se sont exprimées devant moi.
En un mot le « souffle » est là pour assurer une nouvelle génération de vignerons dans la famille presque 40 ans après le retour de son père dans les vignes. J’ai suivi sa visite en compagnie d’un honorable Québécois librement amoureux des vins M. Leduc, professeur d’œnologie.
Installée près de Blois ET du château de Chambord, la famille Gendrier prépare une huitième génération d’hommes du vin. Alexandre nous présente l’histoire du domaine et son ancêtre Eugène Magloire avec respect, non sans une vive pointe d’humour.
Côté jardin : la Sologne Bio en AOC
40 hectares de vignes et 35 de terres, de prairies, de bois, de mares pour conserver la biodiversité. Un bouclier de protection ?
Il faut dire que l’histoire du terroir et du cépage est marquée par un sceau royal. François 1er, en 1519, fait venir de Bourgogne 60 000 pieds de vignes qui sont plantés près du château de Romorantin. Ce que Roi veut, Dieu le veut !
Les sols reposent sur un socle calcaire du miocène ; soit sur des résurgences des calcaires de Beauce, (Aquitanien : âgés de 20 à 23 millions d’années), soit sur des sables et marnes du Blaisois (Burdigalien : âgés de 16 à 20 millions d’années). En surface, les parcelles argilo-calcaires reçoivent les pinots noirs et le romorantin et les sols argilo-siliceux le gamay.
Des grands raisins pour un grand vin depuis 1922
Un grand vin ne peut être réalisé qu’avec de grands raisins. C’est pourquoi les Gendriers apportent beaucoup de soins à la culture de la vigne et sont très attachés à l’équilibre biologique des sols. Tout commence à la vigne.
Qui d’ailleurs est cultivée en bio et biodynamie. Mon père a commencé au même moment que Thierry Michon en Vendée ou Joe Landron en Muscadet à une époque où c’était un peu « tabou » sur les marchés parisiens. On lui demandait : « Pourquoi changer alors que tes vins sont déjà très bien ? ».
Une parcelle de francs de pieds1 est patiemment élevée à l’entrée du domaine. C’est une expérience parmi les plus intéressantes ciblant le romorantin, croisement entre pinot noir et gouais, et dont les premières bouteilles devraient se déguster après 2020.
Les grappes se montrent déjà belles et les rameaux dardent fièrement vers le ciel. Et les risques de phylloxera ? Nous sommes dans l’expérimentation. Savons que de mettre les vignes sous eaux tuerait les insectes ravageurs présents à fleur de sol autour des racines. C’est une solution à l’étude pour le vignoble.
Bulles dangereuses ?
Nous dégustons presque toutes les cuvées en vente en blanc, rouge et rosé. Grâce aux élevages en cuve inox on goûte les vins qui s’expriment sur la précision. Les blancs sont vifs, animés et précis. Belle longueur, sapide, assez complexe, fleuris qui s’ouvrent pour appeler le plaisir d’un repas. Les rouges sur gamay et pinot noir sont friands, parfois serrés mais le fruit reste toujours expressif.
Il y a un crémant extra brut aux bulles fines, INITIA, chardonnay et pinot noir qui attire nos papilles, équilibré, avec du volume et une belle acidité sur le millésime 2013. Pour la prise de mousse, nous, ce que nous faisons et qui est plutôt rare c’est de vendanger avec le TAVP, (le Taux Alcoolémique Volumique Potentiel), directement pour un vin fini à 12,5-13 en équivalent sucre.
Alors on bloque la fermentation alcoolique en refroidissant les jus lorsqu’elle atteint les 24 grammes de sucre, on ajoute quelques levures. Mais on travaille avec les sucres naturels.
Et cela donne une belle minéralité qui exprime très bien le terroir.
On a bien bossé la dégustation commente M. Leduc ravi, comme en témoigne le nombre de bouteilles devant nous.
Les risques semblent assumés et avec ce résultat on ne peut que lui donner raison.
Côté cour : une autre philosophie
On investit beaucoup dans le vignoble. En moyen humain et en énergie, je peux le constater en arpentant les vignes avec mes deux acolytes. Alexandre arrache un rejet sur un cep, remonte une branche. Les densités de plantations sont modérées, le travail des sols comme le décavaillonnage et la gestion de l’enherbement se font naturellement.
Les maladies cryptogamiques peuvent être ralenties en laissant de l’espace entre les ceps et les rangs, tout simplement grâce à la ventilation. Le bon sens et la raison existent donc encore.
Ici, ce que nous cherchons c’est de ne pas avoir d’impact négatif sur la nature en faisant notre activité de vigneron. Et d’avoir le vin le plus sincère possible à l’arrivée. Le plus représentatif du millésime et du terroir. Pour cette famille exigeante de vignerons, on revendique une grande honnêteté dans les pratiques au quotidien. Et jusque dans les propos d’Alexandre.
Bien au-delà des mots à la mode qui peuvent fâcher ou diviser comme l’adjectif « nature » accolé à beaucoup de bouteilles au contenu très controversé et parfois intraçable.
Et après ?
Il y a déjà de nouveaux projets qui se profilent comme une méthode traditionnelle avec le cépage romorantin cela me titille.
Alexandre parle de la biodynamie avec beaucoup de modestie : Je suis jeune … je n’ai pas tout vu. Je n’ai pas du tout la science infuse, mais ce que je constate c’est qu’on valorise, que la diversité et la qualité sont là. Le chien nous suit sur notre parcours, surveillant son maître du coin de l’œil.
Jean-Luc
Franc de pieds1 : le stick est directement planté dans le vignoble, non greffé.