Après le fiasco du Dry January 2021, on aurait pu croire que les hygiénistes de tout bord feraient profil bas, mais c’est sans compter sur la pugnacité du lobby sanitaire qui, se sentant surpuissant en ces temps funestes de COVID, entend nous frapper encore plus fort au portefeuille et à la culpabilité. Une grosse polémique en perspective, où chacun, hygiénistes et défenseurs d’une consommation responsable rejoueront leur partition connue de tous.

C’est sur quoi travaillent depuis une vingtaine d’années les grands noms du négoce des vins et spiritueux et de nombreuses start-up technologiques, dans le secret des laboratoires.
C’EST DU VIN OU PAS ?

Qu’importe les arguties juridiques, la technologie progresse à pas de géant pour nous proposer aujourd’hui des « bulles sans alcool » dans des habillages dignes des champagnes, crémants et autre prosecco. Attention, interdiction de parler d’un champagne sans alcool, le Champagne est élaboré sur la base de deux fermentations alcooliques. Un vin de Champagne ne peut donc être sans alcool, précise-t-on au CIVC qui veille à la stricte protection de l’appellation. Les producteurs se sont intéressés en priorité aux pétillants et aux bulles car ces mots appartiennent au langage commun et aussi parce que le gaz carbonique rajouté masque avantageusement certaines catastrophes gustatives.

Une tendance qui perturbe fortement la planète vin qui y voit là un danger supplémentaire dont il faut éviter de parler. Essayez- de trouver une enquête sur le sujet dans vos magazines favoris ?
Un tour d’horizon sur ces bulles alcohol free-parfois appelées Halal montre des noms qui ne vous diront pas grand-chose mais qui pour certains, seront probablement les grandes marques demain.
– Vendôme Mademoiselle du groupe belge Univers Drinks qui distribue aussi la gamme Night Orient
– J-P Chenet, vin blanc pétillant des Grands Chais de France,
– Nosecco Spumante, de l’italien Angelo Taurini, distribué par Grands Chais de France, 1er groupe français vinicole
– Le Petit Étoilé des domaines Pierre Chavin, en Languedoc
– D’Artigny, du négociant bordelais Bardinet
– Festillant de la maison de Loire Gratien & Meyer (filiale française du groupe allemand Henkell et Freixenet)
– Pétillant de Listel, Carmargue, décliné en raisin, framboise, pêche
– Grain d’envie du groupe Castel, décliné en rouge, blanc et rosé
– Petit BÉRET, une foodtech fondée par Fathi Benni avec Dominique Laporte (meilleur sommelier de France en 2004)
– X Zéro blanc ou rosé d’Ackerman (coopérative Terrena) que Génération Vignerons a testé
On pourrait citer aussi Appolina, Vinosse et d’autres. Un site de vente en ligne sansalcoolshop.fr basé aux Pays-Bas propose tout ce qui se boit sans alcool : vins, mousseux et aussi les bières, les whiskies et les vodkas.
COMMENT FONT-ILS ?

Actuellement, la désalcoolisation prend l’avantage. Le vin classique est désalcoolisé sous vide et à basse température pour garder les arômes et saveurs. A la fin du procédé, on rajoute les arômes extraits du vin pour l’enrichir avec ses propres saveurs. Les micro-organismes se développant plus facilement dans les vins désalcoolisés, l’hygiène joue un rôle très important.
Mais « le vin sans alcool, sans sulfite, sans conservateur et sans aucune fermentation » ne désarme pas pour autant. Son champion est certainement Le Petit BÉRET intarissable sur la qualité de ses produits mais très évasif sur le processus de fabrication. Ce processus naturel, exclusif au Petit BÉRET, vise à réduire la teneur en sucre afin de vous proposer les produits les plus sains possibles. Sans sucre, pas d’alcool, c’est une évidence. Le processus est -il aussi naturel qu’annoncé ?
La communication débridée du Petit BÉRET n’est pas une exception, tous les producteurs d’alcohol free profitent de l’absence de réglementation pour singer au maximum l’élaboration traditionnelle du vin en affirmant n’importe quoi au niveau gustatif et environnemental.
LA BATAILLE DU GOÛT
Faute d’arbitres-dégustateurs et de concours sérieux, le consommateur ne peut se faire une idée de la qualité de ces bulles, à moins de tester toutes les bouteilles du marché. La dépense ne sera pas considérable, puisque ces vins mousseux tournent autour de 5-8 euros la bouteille ; seulement quelques -unes franchissent la barre des 10 euros.

– Les consommateurs adhèrent à l’idée des vins sans alcool : J’apprécie de moins en moins l’alcool et puis en soirée, il en faut bien une qui conduit… Alors je trouve des alternatives pour partager l’apéritif avec mes amis tout en restant sobre… Après la bière sans alcool, j’ai testé ce pétillant et j’ai adoré !
– Souvent ils sont déçus par le manque d’arômes et saveurs : Vu qu’il y avait enfants et femme enceinte (et conducteur) on s’est dit que c’était la meilleure occasion pour boire cette bouteille. Malheureusement ça n’a quasiment aucun goût. C’est très étrange. Aucun verre n a été fini et on a même jeté le restant de la bouteille.
– Mais pas toujours : Très bonne surprise me concernant. J’ai laissé une bouteille une bonne journée au réfrigérateur. Je l’ai servi d’abord nature en apéritif, j’ai bien aimé son côté légèrement sucré avec une pointe très agréable d’acidité. Tous mes convives ont partagé cette avis.
OÙ EST PASSÉE LA TROISIÈME DIMENSION ?

Mais, comment dire : Ça manque de puissance, de relief, où est passée la troisième dimension ?
En enlevant l’alcool, on a enlevé de la chaleur, de la profondeur qui pour l’instant ne sont pas remplacées, il y a comme un vide.
On a enlevé cette griserie qui vous monte à la tête comme le dit Bernard Pivot dans son Dictionnaire amoureux du Vin. Ce bonheur passager qui vous libère de vos craintes et vous fait regarder le monde avec un peu plus de tendresse.
Jean Philippe
image à la Une : ©Food Innov Group

