Le vignoble suisse est l’un des plus variés au monde. Bien qu’il soit 56 fois plus petit que le vignoble français en surface, il propose un nombre de cépages plus important (environ 240 cépages cultivés et autorisés côté suisse, 200 côté français) et des terroirs extrêmement variés d’une région à l’autre. Voici un tour d’horizon de l’histoire de ce vignoble, de ses cépages et de ses crus emblématiques.
20 siècles d’histoire
On sait aujourd’hui que la culture de la vigne en Suisse a débuté au 1er siècle de notre ère. Les conquêtes romaines ont eu ensuite une grande influence sur le vignoble helvétique : notamment par l’importation de nouveaux cépages.
Malgré cela, la viticulture restera une activité très secondaire en Suisse durant plusieurs siècles. Au XIXe siècle apparaissent en Suisse comme dans le reste de l’Europe l’oïdium, le mildiou et enfin le phylloxera. Ces trois maladies de la vigne vont transformer en profondeur l’encépagement du vignoble.
Aujourd’hui, le vignoble suisse dispose d’un héritage très ancien de savoir-faire et traditions. Sa diversité est une des grandes fiertés.
Un chiffre est assez marquant et l’illustre bien : le Valais, la plus grande région viticole du pays, présente la même surface de vignes que l’AOC Saint-Emilion, mais propose une soixantaine de cépages sur cette petite surface.
Je vous emmène à la découverte de ses six régions viticoles si distinctes ? C’est parti !
La Vallée du Rhône en Suisse : le Valais
C’est la première région viticole de Suisse par la taille. C’est également celle dont les vins sont les plus réputés.
Cette région bénéficie d’un micro-climat très favorable à la culture de la vigne avec 300 jours d’ensoleillement et un vent chaud et sec (le foehn).
C’est une région pour laquelle j’ai une affection toute particulière : ses paysages alpins donnent une dimension majestueuse à ce vignoble.
Terre promise du pinot noir : la Suisse alémanique
Cette région regroupe 17 cantons viticoles. Le climat y est globalement plutôt froid. C’est donc à proximité des lacs et rivières ou sur les parcelles les mieux exposées que les raisins développent les meilleures maturités.
Deux tiers des vins qui y sont produits sont des vins rouges. C’est une région peu connue, même en Suisse. Pourtant je dois avouer que j’ai retrouvé la même passion et le même savoir-faire qu’ailleurs en Suisse.
Et la qualité des vins est exceptionnelle chez les meilleurs vignerons.
La Suisse du Sud : le Tessin
Il s’agît du canton italianophone de Suisse. C’est une des plus grandes régions viticoles de Suisse. Il bénéficie d’un ensoleillement important et d’un climat quasi-méditerranéen.
Cette influence de la mer, qui est pourtant assez éloignée, rend cette région vraiment différente des autres régions viticoles suisses. J’ai eu l’occasion d’y rencontrer de nombreux vignerons qui témoignaient de la prédisposition de leur terroir à faire de grands vins.
Toutefois ils soulignent que les précipitations abondantes sont favorables au développement de maladies comme le mildiou.
Une éponge à terroir : le vignoble vaudois
Le vignoble vaudois est le berceau et la patrie du chasselas, cépage blanc le plus planté en Suisse. Un quart des vins suisses proviennent de cette région. Le climat y est fortement influencé par les lacs.
Le chasselas est souvent considéré comme une « éponge à terroir » : son profil aromatique varie fortement selon le terroir où il est planté. Le chasselas combiné à des sols très variés, c’est ce qui donne à chacun des vins du vignoble vaudois son caractère unique.
Je trouve dommage que ce cépage soit parfois catalogué comme le « blanc basique ». Certes cela a longtemps été le cas, notamment car le chasselas est productif. Mais aujourd’hui chez un grand nombre de producteurs c’est un vin qui présente souvent un grand intérêt.
Un vignoble en plein essor : Genève
C’est un petit canton, mais la vigne y est densément présente. Les cépages y sont très variés et le climat de la région est influencé par le Jura et les Préalpes. La proximité du Lac Léman protège les vignes du gel printanier.
Des vins emblématiques au pays des Trois lacs
La Région des Trois Lacs regroupe les vignes du bord du Lac de Neuchâtel, Lac de Bienne et Lac de Morat (excepté la partie vaudoise de ces vignes).
Encore une fois, le climat lacustre de ce vignoble joue un rôle de régulateur des températures, ce qui est appréciable dans cette région plutôt fraîche.
L’Œil de Perdrix (rosé de pinot noir) est l’une des principales fiertés de la région, ainsi que le chasselas non-filtré, premier vin de l’année.
le conseil du caviste
Chaque région possède ses spécialités, dont certaines peuvent se targuer d’avoir traversé les siècles. Voici quelques-uns des vins incontournables à découvrir en Suisse :
Les syrahs du Valais : le Valais c’est la Vallée du Rhône en amont du Lac Léman et donc en amont de la France. Rien d’étonnant à ce que des grandes Syrahs y soient produites ! J’ai une affection toute particulière pour celle de Thierry Constantin, vigneron à Pont-de-la-Morge.
Les chasselas du Dézaley : Dézaley est une des AOC Grand Cru du Lavaux, vignoble classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Terroir unique, savoir-faire presque millénaire et cépages autochtones. A mon avis : la recette parfaite pour réaliser des vins d’exception.
Les pinots noirs des Grisons : parfois appelée « Petite Bourgogne », cette région viticole propose des vins suisses souvent primés, comme le pinot noir de la Familien Liesch, Champion du Monde du pinot noir 2015 et 2019.
Le vin en Suisse : un marché en transformation
En Suisse comme en France, la viticulture biologique et biodynamique connaissent un véritable essor. Chacune de ces méthodes dispose d’un label.
Comme pour d’autres cultures, les consommateurs prennent conscience de leur responsabilité dans ce processus de transformation de la viticulture conventionnelle, et ils sont de mieux en mieux informés.
La Production intégrée se pose elle en « troisième voie » à mi-chemin entre le bio et le conventionnel. Cet ensemble de pratiques préventives permet de limiter les traitements curatifs, mais aucun label n’encadre encore cette méthodologie en Suisse.
Les vins étrangers : la concurrence féroce
En Suisse plus d’une bouteille de vin sur deux qui est bue provient de l’étranger : France, Italie, Espagne sont quelques-uns des pays où le vin est bien moins cher à qualité égale.
Des campagnes importantes de promotion du vin suisse et des réglementations sur les importations aident à améliorer cette situation qui est critique pour les vignerons locaux.
Prix élevés et consommation du vin en baisse sont deux phénomènes qui expliquent que seulement 1% du vin suisse s’exporte à l’étranger.
Un vent de modernité
Les élevages en barriques se font de plus en plus rares en Suisse, et les vins taillés pour la garde subissent par conséquent le même sort.
Le goût des consommateurs a beaucoup évolué et le contexte économique a poussé les vignerons à produire des vins à boire dans leur jeunesse, afin de limiter les stocks en cave.
Pour moi l’élevage en barrique n’est pourtant pas définitivement condamné. Il est mieux maîtrisé, et on connaît bien aujourd’hui son rôle dans la stabilisation des vins et ce qu’il peux apporter au profil organoleptique du vin.
Certaines autres pratiques nouvelles modernisent la vinification en Suisse : comme l’élaboration de vins non-filtrés ou de vin orange.
Voilà pour un premier tour d’horizon…helvétique. Si cet avant-gout vous a plu, j’aurai plaisir à vous faire voyager de nouveau dans nos vignes lors d’un prochain article !
Rémi
Merci Rémi, pour cette invitation à voyager dans la Suisse vigneronne. Elle me rappelle ma ballade à Sion « la capitale du vin Suisse » d’il y a quelques années où j’avais tant apprécié la dégustation au caveau-oenothèque des encaveurs. J’avais rapporté quelques bouteilles de Petite Arvine 2014 de la coopérative Provins. Il est temps que j’y retourne, avec toutes les infos que vous nous avez données !
Merci pour votre commentaire. Oui à Sion et aux alentours il y a de nombreux excellents vignerons !