L’Alsace, poumon vert de l’Europe
Ce terroir inspire désormais les nouvelles générations, un beau terroir qui positionne d’ailleurs l’Alsace en tête des vignobles européens Bio & Biodynamiques avec près de 25% du vignoble certifié alors que la moyenne varie de 8 à 12% dans le monde (10% en France) (Source Vins d’Alsace).
A ce propos, certains vignerons alsaciens, comme c’est le cas au Domaine Hausherr, au vignoble Klur ou encore au domaine Marcel Deiss, dépassent le cadre de la biodynamie: ils osent la complantation, bannissent l’usage du soufre, refusent parfois même les appellations pour être libres de produire des vins de terroirs et anti-conventionnels.
Faire revivre le métier de gourmet
Et c’est autour de Jean-Michel Deiss que tout un groupe de professionnels de divers horizons se retrouvent toutes les cinq semaines unis par une passion commune : l’amour des vins de terroir. La quête de ce groupe ? Faire revivre un ancien métier oublié, celui de Gourmet pour démontrer qu’il y a bel et bien un lien entre ce sol merveilleux et complexe, les racines des vignes et la salivation que nous procure un verre de vin ‘vivant’. Ces travaux de recherche sont réalisés dans le cadre d’un programme à l’Université de Strasbourg, soutenu par Jean-Michel Deiss : le Diplôme Universitaire Vers le terroir par la dégustation géosensorielle.
Distinguer un sol mort d’un sol vivant
La thématique se concentre tout d’abord sur l’observation du sol : avez-vous déjà entendu parler de sol mort et de sol vivant ? C’est ce que l’on constate encore bien trop fréquemment aujourd’hui… nous sommes encore entourés de sols « morts »…
Pourquoi ?
Faute à l’industrialisation massive de nos terres depuis le phénomène de consommation de masse amplifié après la seconde guerre mondiale. A cette époque, les pratiques agricoles étaient non respectueuses des sols.
On ne s’inquiétait pas des produits fournis si facilement par les industriels (engrais chimiques, pesticides…) qui n’ont fait que de lessiver et fatiguer la terre, des sols devenant dépourvus de toute vie microbienne…
Le labour une fausse bonne idée ?
Les engins agricoles n’ont fait que passer et repasser à chaque saison. On tasse, on retourne, on expose les animaux sous terre qui préfèrent l’ombre à la pleine lumière et on les asphyxie d’oxygène causant leur mort.
Ce brassage qui homogénéise les composants minéraux (venus du fond) et organiques (venus de la surface) a été accéléré par l’homme avec le labour qui certes, améliore la fertilité à court terme (les sels minéraux et les argiles remontent en surface).
On y retrouve aussi les restes des cultures précédentes et les racines coupées en profondeur qui ne feront plus concurrence car ces dernières sont enfouies en profondeur avec les graines tombées.
Une vision à court terme
Certes, le labour aère le sol, respire et permet l’entrée des eaux de pluie. A cela, nous ajoutons du fumier en surface, ce qui positionne le sol à l’abri de l’oxygène et ralentit sa minéralisation. On maintient artificiellement la matière organique dans le sol, cassée en mottes. Cela sera ensuite fragmenté par le gel d’hiver pour accueillir les semis de la prochaine saison.
Mais à long terme, qu’est-ce que cela donne ? Nous sortons de décennies de réflexion à court terme pour la simple quête du profit. Le labour détruit la matière organique et la vie du sol, des éléments vivants peu habitués à être exposés à l’air libre une fois par an. La vie souterraine meurt peu à peu. De surcroît, on rend le sol meuble et favorisons l’érosion et le changement des reliefs et paysages !
Comme un rouleau compresseur
Le poids des engins crée une semelle de labour qui ne laisse plus passer l’air et retient l’eau. La densité de sol augmente progressivement et réduit le passage des racines, limitant les échanges et séparant les racines de la roche mère, lieu de prédilection où sont libérés les sels minéraux utiles à la bouche (et que l’on ressent dans nos verres de vins, tout du moins ceux respectueux du terroir où ce lien roche-mère et racines existe encore !).
Oui, la plante a besoin de développer son système racinaire, avec des ramifications aux poils absorbants sur lesquelles nous retrouvons la mycorhize (chez 85% des plantes), un champignon qui crée une connexion des racines aux mycéliums souterrains de champignons.
Les hyphes microscopiques de ces champignons sont modulables par la plante selon ses besoins et la disponibilité des ressources.
Bref, la plante nourrit les mycorhizes et les mycorhizes apportent les minéraux à la plante – duo gagnant !
Des racines qui transperçaient le sol
Avant le phylloxéra, saviez-vous que les racines des vignes pouvaient aller jusqu’à 70 mètres de profondeur (selon certains « oui dire ») ? Imaginez tout ce que cette plante pouvait remonter en surface jusque les baies de raisins… Libre à vous de tenter l’expérience d’une dégustation de vignes franche de pieds (non greffées) car une association de vignerons en ce sens existe depuis 2021, initié par Loïc Pasquet, vigneron installé à Bordeaux (domaine Liber Pater) commercialisant les « vins d’avant », fervent défenseur des 8000 ans d’histoire du vin !
Un vigneron champenois parle même de ses vieilles vignes qui plongerait jusqu’à 150 mètres de profondeur : Dans ses vignes enherbées, Didier Depond aime sucer un morceau de craie pour sentir le terroir comme ses vignes : « Ici, les racines des vignes plongent très loin dans la craie, à 150 mètres de profondeur, pour aller chercher leur nourriture. C’est pourquoi Salon possède cette droiture et cette fraîcheur exceptionnelles. » (390 € le Salon 2006.).
Les trois horizons
Nous avons passé un temps à observer une fosse pédologique d’une parcelle de vignes: ici un calcosol ou sol brun calcaire avec 3 horizons (la surface, structural S avec les racines et agrégats, horizon C d’altération soit la structure géologique – à 70 cm il y a trop de calcaire (sol plus clair), le pH est trop élevé et les racines ne peuvent se développer en profondeur – limon d’origine loess)
Sautez sur le sol pour sentir le terroir !
Retour avec l’équipe d’étudiants adultes de l’Université de Strasbourg et marchons entre les rangs de vignes : sautons sur le sol de deux parcelles différentes. Premier ressenti, l’un est dur, signe d’un sol mort, l’autre est plus flexible, rappelant légèrement la sensation d’un matelas à ressort, signe de sol vivant !
Ensuite, abaissons-nous pour observer le sol… D’un côté une terre blanchie, sèche et toute craquelée (signe de passages de machines agricoles : ce n’est pas le poids d’un cheval évidemment !) avec de la mousse, seule plante installée là certainement depuis des années…