Haut-Bergey, une histoire bordelaise

Les origines historiques du Château Haut-Bergey remontent au XVème siècle. Après un regroupement de terres, les seigneurs locaux de la Louvière et d’Olivier créent un nouveau fief dont le noyau est Haut-Bergey. De changement de propriétaires en changement de main, tantôt au bénéfice des conseillers du Roy puis à ceux des négociants bordelais, ce joyau connaît la valse des siècles sans que l’activité viticole principale n’en pâtisse.

Une histoire séculaire

Au milieu du XIXème siècle, la superbe demeure, encore existante, est construite. S’ensuit un changement d’activité rédhibitoire pour notre liane favorite : le domaine sert principalement de lieu villégiature pendant des décennies laissant l’activité viticole dépérir, d’ailleurs en pleine souffrance à cause du tristement célèbre phylloxera.

Mais la vigne sait attendre et dans les années 1950, elle est réintroduite au domaine afin que l’activité viticole redémarre.

C’est justement à ce moment-là que le nom du Château Haut-Bergey est associé au vin.

La famille Garcin, indissociable de Haut-Bergey

L’histoire d’amour entre la famille Garcin et Haut Bergey démarre véritablement à la fin des années 90. A ce moment-là, Sylvie Garcin en fait l’acquisition associant désormais le nom de famille à la destinée du domaine. Dès son arrivée, elle impose une vision moderne et avant-gardiste : elle démarre la reconstruction complète du chai et décide d’interdire l’utilisation des herbicides afin de reprendre le travail mécanique du sol. Gros défi technique, et très peu répandu dans d’autres domaines, elle est convaincue que c’est le chemin vers une plus grande qualité de vin.

Pendant ce moment-là, un certain Paul, grand passionné de musique et fils de Sylvie, fait ses armes dans le monde musical.

Mais à l’entrée de notre millénaire, le train de la digitalisation de ce secteur emporte tout sur son passage, de ses envies à une partie de ses revenus, lui donnant une raison supplémentaire de venir toquer à la porte du domaine familial.

Nous sommes en 2007, et le Château Haut Bergey entre dans une nouvelle ère, sans encore le savoir.

Formation sur le terrain …

Paul est curieux, très curieux même. En plus de donner des coups de main dans tous les secteurs du domaine, de l’administratif au commercial, il met à profit une certaine liberté de mouvement pour partir à la rencontre de vignerons d’autres régions. Il veut confronter le modèle classique bordelais de l’époque (un conseiller technique, une organisation millimétrée et une distribution commerciale liée à la fameuse Place de Bordeaux) à d’autres modèles. Pour se faire, c’est vers la Loire, la Bourgogne et le Languedoc qu’il se tourne.

Ses virées viticoles le dotent de convictions fortes basées sur les expériences réussies d’autres domaines. C’est ainsi qu’il commence à questionner les pratiques au Château familial. Seulement, les réponses techniques qui lui sont données au fur et à mesure, ne suffisent plus à le persuader que le domaine a pris la bonne direction. Il en a désormais la certitude : la culture de la vigne, la vinification et le commerce doivent être repensés, dans un seul but : créer le lien le plus fort possible entre la terre et le vin.

La philosophie de Paul

Paul sait pertinemment quelle direction prendre. Mais pour l’appliquer, il faut avoir les rênes techniques du domaine. Justement, en 2014, la question est posée d’autant que ses parents vieillissent et réfléchissent depuis quelques années à la transmission du domaine.

Après quelques discussions, la famille décide que c’est le moment opportun de laisser place nette à Paul et à sa vision.

En 2014, Paul prend donc la direction technique du domaine et enclenche directement le changement de pratiques culturales : “on décide de passer tout le domaine en agriculture biologique et biodynamique” m’explique-t-il. C’est ainsi qu’en septembre 2015, Paul interdit à son équipe l’utilisation d’intrants chimiques dans la vigne.

Les conversions en agricultures biologique et biodynamique sont enclenchées en même temps. Ce changement radical, surtout à l’échelle d’un domaine de 43 hectares, nécessite quelques ajustements.

Nouvelle philosophie, nouveaux visages

Pour travailler une telle surface, l’implication des équipes est primordiale d’autant que le volume de travail manuel demandé est colossal. Ainsi les personnes du domaine désireuses, par conviction, de poursuivre cette nouvelle aventure sont maintenues en poste. Pour les autres, il est nécessaire de trouver de nouvelles recrues. Pour orchestrer cela, Paul recherche notamment un responsable de la partie vigne. Il me raconte alors une anecdote intéressante. Sur les 30 personnes reçues pour le poste, la même question est posée : “Qu’est ce que vous inspire la biodynamie ?” Paul se rend vite compte que la majorité des interrogés ne s’était pas sérieusement intéressée à la biodynamie. Y a du boulot !

Il réussit finalement à trouver la perle rare dans les vignes et donne toute sa confiance à François, déjà dans l’équipe, pour poursuivre son travail au chai. La question centrale à laquelle cette nouvelle organisation doit répondre est la suivante : comment faire pour créer de la vie dans le sol et de l’équilibre dans le vin ?

Il ne s’agit plus de gérer de façon curative les maladies mais de réintroduire du vivant dans le sol, condition essentielle pour créer la pureté et l’équilibre qu’ils recherchent chaque année.

Une transition douloureuse

Ainsi, ces trois compères portent un nouveau regard sur les vignes. Pour faire revivre les sols, ils se concentrent sur l’utilisation des préparations biodynamiques, plus efficaces selon eux pour redonner vie et équilibre au sol. Dans le chai, la même idée prévaut : préserver la pureté du fruit. Pour se faire, l’équipe intervient le moins possible sur les vins et les contenants d’élevage sont les moins marquants possibles (gros contenant en bois ou amphores).

Mais cette transition est rendue difficile par des millésimes particulièrement capricieux : 2016, 2018 et 2020 apportent beaucoup de pluie alors que 2017 comme 2021 sont traversés par un gros gel réduisant les récoltes, fragilisant ainsi le modèle économique. Paul et son équipe, convaincus jusqu’à la moëlle de la justesse de leurs convictions tiennent le choc.

L’appellation observe

Pionniers au sein de l’appellation Pessac-Léognan, Paul et ses équipes font des émules. Après quelques années à observer leur travail, il se dit que certains domaines très réputés franchissent le pas de ces modes de cultures. Ils ne diront jamais sur la place publique que Haut Bergey les a convaincus, cependant le succès de cet irréductible domaine familial de passionné a sérieusement dû les aider.

Les Cuvées

Château Branon 2010 : un rouge racé, frais et toute en longueur.

Le fruit se fait encore sentir porté par un élevage délicatement intégré. Style plus traditionnel du domaine, ce vin démontre l’incroyable qualité du terroir d’où il est tiré.

Cuvée Paul 2020 : un blanc bordelais comme je les aime.

Cristallin et frais, il a ce supplément de volume qui lui donne sa structure. L’arômatique est mûr oscillant entre les agrumes, les fruits blancs et les fleurs. Un vin de grand plaisir qui ne dure pas longtemps sur une table !

Florian

Image à la Une : ©Olivier Roux

Ecrit par Florian Nunez
Florian l’ingénieur, fut touché par la grâce de la vigne et du vin et s’y investit totalement au point de décrocher le WSET Diploma. Le voilà  qui décide de se mettre à l’écoute des vignerons pour raconter leur histoire, leurs succès comme leurs déceptions. Et aussi pour promouvoir leurs vins, via son activité d’agent.

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