Du vin contre le régime des Ayatollahs

Combien de temps peut encore tenir le régime de la République islamique ? C’est bien la question qui hante des milliers d’Iraniens exilés à travers le monde et qui sauteraient bien dans le premier avion dès l’annonce de son renversement.

Parmi eux le franco-iranien Masrour Makaremi, natif de Shiraz, qui est prêt à réactiver la longue tradition vinicole persane que, depuis la révolution de 1979, les mollahs s’emploient à anéantir à coup de fouets.

Le vin dans la culture en Iran

La viticulture en Iran remonte à la plus haute Antiquité et a été un élément majeur de la culture iranienne.  Les plus grandes régions productrices étant "Qazvin, Orumiyeh, Shiraz et dans une moindre mesure, la province d'Esfahan" selon Wikipedia . Shiraz avait la réputation de produire les vins les plus fins du Moyen-Orient. La culture persane regorge de références à la présence millénaire du vin dans la vie quotidienne : littérature, poésies de Hafez (XIVème siècle), miniatures, fresques qui ornent le Palais de Chehel-Sotoun à Ispahan...

Selon Hérodote, le vin et l'ivresse étaient érigés en mode de réflexion :  "l'ivresse  était utilisée  pour juger de questions importantes sous la dynastie achéménide (559-331 av. J.-C.). Les décisions prises devaient être confirmées en état de sobriété...

A cette époque, des rations étaient fixées pour la population. Ainsi, les femmes qui avaient donné naissance à un fils recevaient dix litres de vin, alors qu'elles n'en recevaient que cinq si elles avaient une fille. Même les chevaux et les chameaux royaux se voyaient attribuer de la bière et du vin. La population active recevait des rations mensuelles fixes de vin, de 20 à 30 litres pour les hommes et de 10 litres pour les femmes" peut-on lire dans le glossaire Wein plus.

Au VIIe siècle, l’arrivée de l’islam modifie la situation, les boissons alcoolisées, et surtout l’ivresse, étant prohibées par le Coran peut-on lire sur le site de l'Institut du Monde arabe. Pour aller plus loin, cet article Vin et Ivresse au Proche Orient (IXème et Xème siècle) sur la bibliothèque numérique Cairn Info.

Le vignoble restant est aujourd'hui tourné vers la production de raisin de table, de raisin sec et la distillation d'alcool pour les usages médicaux et industriels.

Les Makaremi ont dû fuir l’Iran : Hassan le père en 1979, rejoint en 1986 par Masrour son fils âgé de 10 ans avec Chowra sa petite soeur de 7 ans, mais sans leur mère emprisonnée par le régime et qui allait être assassinée par les gardiens de la révolution en 1988. Réfugiés en France, ils y ont refait leur vie : aujourd’hui Hassan est psychanalyste, artiste peintre et calligraphe, Chowra anthropologue et chercheuse au CNRS, Masrour, orthodontiste à Bergerac.

Renaissance

Même si toute la famille Makaremi reste très engagée dans le combat pour la liberté et les droits humains en Iran, Masrour a voulu exprimer sa resistance autrement en perpétuant  -réanimant pourrait-on dire- la tradition viti-vinicole iranienne : c’est le projet Cyrhus Wine : avec l’interdiction de la consommation de l’alcool, ce savoir faire s’est perdu déclarait Masrour Makaremi à Radio Canada. Faire revivre le vin persan dont le vignoble s’étendait sur plus de 300 000 ha avant 1979…comme la flamme d’une bougie qui ne se serait jamais éteinte !

C’est le cœur du projet, scientifiquement il s’agit que le vin perse puisse profiter des nouveaux savoirs de l’œnologie dont il a été exclu en 1979 et que ce vin symbolise aussi un avenir radieux pour l’Iran, c’est une Renaissance, sans le foulard précisait Masrour à Terre de Vins.

Après avoir essuyé pas mal de refus, c’est sur le domaine des Vignobles Dubard à Montravel entre Saint Emilion et Bergerac qu’en 2017 Masrour a pu concrétiser son projet et planter sur un sol argilo-calcaire orienté plein sud quelques hectares de syrah, un cépage ancestral en Iran connu dans le monde sous la dénomination de shiraz et retrouvé à l’identique par Grégory Dubard dans la vallée du Rhône.

Un espace de liberté

Et pour la première fois en 2023, il a fait appel à des jeunes femmes iraniennes, qui avaient dû fuir aussi leur pays, pour vendanger manuellement cette parcelle et élargir ainsi le champ de la résistance. Ce sont les mêmes mains qui se lèvent contre la République islamique disait-il à Sud Ouest.

Mais Masrour Makaremi va encore plus loin : pour être au plus proche des propriétés des vins persans, il s’efforce de reproduire les techniques antiques de vinification : un vin élevé en amphores de 500 litres en terre cuite mais pas trop, légèrement poreuse, pour faciliter les échanges avec l’extérieur. Et pour leur étanchéité, il va jusqu’à rechercher en Grèce un mastic semblable à la résine de pistachier utilisée dans les temps reculés.

Pour ne rien laisser au hasard, Hassan, le père, ajoute sa touche personnelle et calligraphie en persan le mot « patrie » sur chacune des amphores. Quant à l’étiquette, elle a demandé des recherches minutieuses afin de retrouver le bleu persan idéal, celui du minéral lapis-lazuli qui provient de Perse et d’Afghanistan.

Le vin est nommé ainsi en hommage à Cyrus le Grand, l’un des rois perses incontournables, auquel est rajouté un « h » en référence au cépage « Shiraz ». Le roi des perses, Cyrus le Grand, se distinguait par sa bienveillance, il est d’ailleurs l’auteur du « Cylindre de Cyrus » conservé au British Museum, considéré comme le support de la première déclaration des droits de l’Homme.

Au delà du travail sur la symbolique, Cyrhus Wine est aujourd’hui un projet bien connu des médias français et internationaux. Il est arrivé à maturité, validé par plusieurs cuvées, prêt à prendre son essor et qui n’attend plus qu’une seule chose…

Si je ne vis pas assez longtemps pour voir l’Iran libre, si je ne revois jamais mon pays, c’est mon fils qui plantera ces vignes ! Masrour Makaremi (Sud Ouest)

François

Ecrit par Francois SAIAS
--------------------------------------------------------------- Scénariste, réalisateur, documentariste pendant de nombreuses années, François a gardé la curiosité de son premier métier et s'est investi depuis dans le monde du vin, ses rouages, son organisation, ses modes de fonctionnement.
Catégories : Iran , oenotourisme

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