Le 26 mai 2018 un orage de grêle traverse le Sud Ouest de la France. Il s’est formé dans le golfe de Gascogne, survole Bordeaux, tangente le Médoc puis traverse l’estuaire, Bourg Blaye, un couloir entre 3 et 7 kms de large, et puis il monte à Cognac et continue encore sa route : 7000 hectares détruits sur la Gironde 10.000 sur les Charentes…
Alain Vidal, propriétaire dans le Blayais du Château Dubraud a perdu 93% de sa production de raisins en 10 minutes à peine : Au lieu de 1530 hectos, on en a récolté 119…Nous leur avions donné la parole ici en juin dernier.
Comprendre pour se prémunir
Pour mieux comprendre ce phénomène –et trouver d’éventuelles parades- le Syndicat Viticole de Blaye a fait appel à une scientifique, Marie-Agnès Courty, du CNRS à Perpignan.
A partir de grêlons congelés, son laboratoire a pu déterminer que l’orage s’était constitué entre 12 et 15 kilomètres d’altitude à partir de particules provenant du Merapi, un volcan indonésien…
Seulement voilà à 12.000 mètres d’altitude, les solutions classiques, comme l’ensemencement en iodure d’argent, les canons anti-grêle, les ballons comme le Laïco n’ont aucun effet si haut et pour des orages d’une telle intensité.
Alors se protéger au sol ? Alain Vidal : Les arboriculteurs dans le Tarn et Garonne ont l’expertise des filets. La viticulture ne l’a pas encore. Les seuls filets que l’on connaisse, ce sont des filets qu’on pose de part et d’autre du rang. Il en coûte entre 15 et 20.000 euros par hectare plus la main-d’oeuvre pour faire les travaux, pour nos appellations c’est inabordable…
Que les yeux pour pleurer ?
Heureusement non ! Si on ne peut agir sur la cause, il faut en anticiper les conséquences : la première solution pour Alain, c’est d’augmenter la réserve (le Volume Complémentaire Individuel, dit VCI) à l’occasion des années fastes : C’est passé dans les cahiers des charges des appellations, en tout cas chez nous, on a le droit de stocker jusqu’à une demie récolte. Les Champenois l’ont compris bien avant nous puisqu’ils sont sous un climat septentrional et ils ont mis ces réserves en place depuis 50 ans. Nous on a mis du temps à comprendre…
La deuxième, c’est l’assurance : Oui heureusement nous étions plutôt bien assurés sur le conseil du Crédit Agricole. : ce n’est pas une assurance grêle, c’est une assurance climat : elle couvre le gel, les coulures, les incidents climatiques…
Elle nous coûte 7000€ par an et sur ces 7000€ on a 3500€ d’aide. 3500€ pour un chèque de 160.000€. Quand on me dit que ça coute cher, moi je dis que non !
On a pu acheter du raisin dans la même appellation chez les collègues. C’est légal, par des baux précaires, du raisin de très bonne qualité chez des confrères qui ne mettent pas tout en bouteille qui travaillent très bien qui sont vignerons indépendants comme nous. Evidemment il faut payer, mais on a pu couvrir un peu nos besoins.
La nature agit, l’homme fait, dit E.Kant
La Chambre d’Agriculture a organisé une réunion chez Alain et Céline Vidal pour savoir ce qu’il fallait faire : il ne restait plus rien , que des chicots ! on a retaillé en vert en laissant juste des boutons et la vigne a très bien repoussé, pas de raisins évidemment, mais en tout cas il y a des bois de taille de très bonne qualité pour tailler. On a des moyens très limités, on n’a pu retailler que 4 hectares, du coup le reste la vigne a repoussé en buisson. On n’a pas eu les moyens de refaire une deuxième épamprage. Il y a un tas de bourgeons qui sont sortis. Il y aura de la récolte l’année prochaine mais on est entre 20 et 30 coups de sécateurs par pied…
Ce qui est frappant c’est la résilience chez les vignerons. Pour Céline Vidal , on y pense plus, ou du moins on essaye de tourner la page par exemple en lançant cette année notre nouvelle gamme de rosé Allegria ! Pour Olivier Cazenave, un autre vigneron bordelais : tu ne fais pas ce métier là si tu n’as pas la conviction chevillée au corps que ça repartira la saison d’après !
François
Photo à la Une : SudOuest.fr ©C.B.