Connaissez-vous l’AOC Chignin Bergeron ? Voyons… On est dans les vins de Savoie, Chignin c’est le nom d’une commune et Bergeron : disons une parcelle ou un terroir particulier, non ? Erreur, comme me l’a fait remarquer mon hôte savoyard qui m’accueillait sur la terrasse de son chalet d’alpage avec une bouteille de ladite appellation. Bergeron c’est un nom de cépage, en fait le nom local de la roussanne fort répandue en Provence – qui se différencie du cépage jacquère de l’appellation communale. L’AOC Chignin Bergeron est l’un des crus de Savoie, probablement le plus prestigieux, qui s’étend sur 3 communes.
Le «coureur de vignes » a évidemment voulu voir sur place !
Venant de Saint-Gervais, vous descendez les gorges de l’Arly, traversez Alberville et prenez la direction de Montmélian par la route des vins, une route ravissante qui serpente sur le flanc sud du parc naturel régional des Bauges. Exposition parfaite sacrément pentue ! Les communes viticoles s’enchaînent : Fréterive, Cruet, Arbin, Francin, Montmélian et Chignin, le but de ma visite.
Le vignoble de Savoie revient de loin, un millier d’hectares dans les années 70, aujourd’hui 2200 hectares exploités par environ 300 vignerons. Si 80% du vignoble est effectivement en Savoie, il ne faut pas oublier les vins des rives du Léman, comme Ripaille ou Marin ou ceux de Seyssel à la limite de l’Ain m’explique Michel Quenard, vigneron à Toméry et président du syndicat régional des Vins de Savoie.
L’heure est à la renaissance,
pour un vignoble qui a connu gloire et fortune au temps du Duché de Savoie, c’est à dire avant son rattachement à la France en 1860. Mon interlocuteur m’a aussi appris que la fusion des deux départements savoyards était bien avancée et probablement, le nouvel ensemble s’appellerait Savoie Mont Blanc, d’autres disent Les Savoies, allez savoir ! Le vin de Savoie avait l’image d’un petit vin associé à la fondue, il fallait tourner la page en travaillant sur les modes de culture, les sélections de cépage, la maîtrise des rendements, les vinifications, l’élevage. C’est un tournant qualitatif qui a été pris, avec l’ambition de hisser les vins d’ici à la hauteur de la gastronomie savoyarde.
Le vignoble André et Michel Quenard est emblématique de cette renaissance, de cet effort qualitatif qui en fait l’un des domaines préférés des cavistes et des restaurants gastronomiques de la région Rhône-Alpes. A la dégustation, le Chignin sec et gouleyant, légèrement perlant par son élevage sur lies fines, se marie parfaitement avec une lichette de Beaufort.
Puis vient le Chignin Bergeron ;
un nez puissant au parfum d’abricot, la bouche est ample, en finesse et dotée d’une belle longueur, un joli vin d’apéritif. La montée en gamme se poursuit avec le Chignin Bergeron « les Terrasses » 2013 – un vin de maturité à haute expression- qui offre une bouche plus riche encore avec des arômes d’acacias, de lilas et une belle longueur équilibrée. Un vin pour accompagner l’Omble Chevalier ce poisson noble des grands lacs alpins à la chair si fine, orgueil de la gastronomie savoyarde.
Les prix sont sages, étonnement sages- de 8 à 15€ le col- au regard du travail à la vigne où les fortes pentes rendent la mécanisation presque impossible.
Belle rencontre vigneronne, celle de Michel Quenard, soucieux du jeu collectif par ses responsabilités syndicales, animé par cette passion du terroir qui le conduit à replanter un improbable cépage le Persan dont le berceau serait la vallée de la Maurienne et heureux de me dire que son fils étudie à Changins, la Haute École de Viticulture et d’Oenologie Suisse. Quelle chance que Les Savoies soient devenues françaises, merci à Napoléon III !
Jean-Philippe