J’ai fait la tournée des brasseries de sakés !

On doit vous faire un aveu : depuis que nous l’avons découvert, chez Génération Vignerons, nous nous sommes passionnés pour le saké japonais. Et, vous l’avez sans doute vu, nous y avons consacré plusieurs articles. Encore méconnu en France et bien trop souvent classé dans la catégorie des spiritueux alors qu’il dépasse rarement les 17 % d’alcool, le saké intéresse de plus en plus les sommeliers pour des accords surprenants là où parfois le vin ne réussit pas.

Le saké japonais, qui -faut-il le rappeler- n’a rien à voir avec le saké chinois, se situe à mi-chemin entre le vin et la bière.

Le saké japonais ou nihonshu est issu d’une fermentation de riz mais aussi d’un brassage précis pour transformer l’amidon en sucre, étape de saccharification similaire à celle de la bière où l’on cherche aussi à transformer l’amidon de l’orge en sucre lors de l’empâtage.

La préfecture (département) de Gifu, berceau du saké et Pays des eaux pures n’a pas manqué de remarquer l’intérêt manifesté par notre site pour les sakés les plus célèbres du Japon.

Gifu a donc invité Audrey Delbarre -qui vit désormais en Toscane- à rencontrer les brasseurs de cette région pour mieux connaitre leurs traditions et leur savoir-faire ancestraux. Elle nous raconte son périple dans cet article très complet et très documenté.


Le temps s’est arrêté à Ena

De Fiumicino à Narita, 12 heures de vol et quelques heures de route plus tard, me voici au centre de la plus grande île du Japon, dans la préfecture de Gifu au milieu des montagnes encore couvertes de neige.

Là, je découvre la petite ville d’Ena, un endroit traditionnel où s’alignent les façades en bois des vieilles maisons dans de petites ruelles.

Accrochée en haut de la façade de l’une d’elles, j’apprends à reconnaitre le sugidama, une boule constituée de feuilles du cyprès du Japon qui annonce que ce magasin est un sakagura, une brasserie de saké.

C’est la première étape de mon périple prévu parmi une dizaine de villages.

Iwamura Jozo a été créée en 1787 sous l’ère Edo.

 

Derrière la boutique, une jolie cour agrémentée d’un jardin japonais apaisant traversé par un ruisseau : l’eau est si pure et si douce que j’en ressens une sorte d’évanescence ! Le riz local utilisé pour la fermentation est irrigué avec la même eau que celle utilisée dans le saké.

Mitsuteru Watarai, le propriétaire m’explique qu’il réalise une fermentation douce pendant 27 à 28 jours à basse température (6°C) pour que les levures donnent le meilleur d’elles-mêmes et une aromatique spécifique.

Nous dégustons ensemble le moromi à 7% d’alcool environ, en cours de fermentation. Il est régulièrement analysé afin d’en jauger son niveau d’acidité et d’alcool et d’évaluer le développement des arômes jusqu’à l’obtention de l’équilibre parfait des saveurs.

1% seulement d’humidité de différence peut tout changer sur le volume final de saké et sa qualité.

La brasserie compte 44 cuves, soit 57 200 kilogrammes de riz qui donneront plus de 215 000 litres de saké...

A Toki, une affaire de famille

3o kms plus loin et me voici à Toki, dans une petite ville de 55 000 habitants. Je suis reçue dans cette maison centenaire par Daizo Nakashima et son fils qui proposent des sakés frais à la personnalité affirmée.

A Chigonoiwa tout est réalisé à la main. avec une fermentation effectuée avec la levure de Gifu.

Lors de notre visite, nous sommes au 10ème jour de fermentation et je peux déjà ressentir des arômes ginjô de fruits frais telle la pomme verte. Encore une vingtaine de jours et tout cela partira en filtration à la presse pour finaliser la sortie du saké de la nouvelle année.

Monsieur Nakashima me confie qu’il veille la nuit à la fermentation et à son bon déroulement tandis que son fils, lui, se lève tôt pour cuire le riz.

Une parfaite organisation à la japonaise car il faut au moins deux personnes pour faire du saké afin de se compléter sur les gestes et étapes de production qui parfois se réalisent en parallèle.

 

Un autre produit du terroir : la céramique Minoyaki

La région est aussi connue pour sa production de céramique Minoyaki, car un des éléments essentiels à sa production, c'est l’eau.

Elle traverse de longues couches d’argile, matériau clé pour la poterie également. Dans le quotidien des Japonais, il est de coutume d’apprécier tant la nourriture que les boissons dans une vaisselle adaptée qui mettra à l’honneur les produits de terroir.

Manger ou boire dans du « beau » participe au plaisir de la dégustation.

L'art de la table prend ainsi une dimension spirituelle et esthétique dont la tradition remonte au XVIe siècle et reflète les valeurs du bouddhisme zen, comme la simplicité, la modestie et la recherche d’une harmonie avec la nature.

L’anguille grillée de Gifu par exemple et son récipient en porcelaine ne font plus qu’un. Long héritage d’objets en faïence réalisés à la période Jomon, il y a environ 10 000 ans, la vaisselle japonaise s’est développée en parallèle de la mise en place de la cérémonie du thé et diverses traditions culturelles.

La vaisselle contribue ainsi à une expérience sensorielle complète.

Tout d’abord, nous avons là la culture du festin avec les yeux car il est un véritable plaisir d’observer les dessins, les formes, les courbes de chaque récipient.

Le toucher vient ensuite compléter l’expérience avec le fait de tenir certains plats en main ou encore d’apprécier les bols et les assiettes en fonction de la saison, plus ou moins épais, une matière plus ou moins chaude. C’est pourquoi la vaisselle japonaise est fabriquée en privilégiant tant l’expérience visuelle que tactile, mais aussi les textures et la sensation en bouche.

C’est cet univers sensoriel que perpétue Marumo Takagi, cinquième génération de la maison Marumo Takagi, spécialisée en céramique fine et fondée en 1887. La manufacture se situe dans la région de Gifu au Japon et se revendique fournisseur impérial officiel, spécialisée dans la verrerie et l’art de la table.

Cette manufacture familiale fournit hôtels, restaurants renommés ainsi que des compagnies aériennes comme Emirates, British Airways...

Depuis la crise du covid, Marumo Takagi,a investi beaucoup de son temps à l'innovation et à la gestion des températures lors des cuissons. C’est ainsi qu’il a développé une gamme de céramiques réagissant en contact avec un liquide froid (<15°C).

Face à ce changement de température, cette gamme de produits affiche une variation de couleurs en surface, permettant de créer ou révéler un autre dessin ou paysage sur la surface de la céramique. Les feuilles des arbres prennent par exemple les couleurs orangées de l’automne. Cette technologie innovante est aussi idéale pour aider les chefs à servir leurs plats à la bonne température.

Kuramoto Yamada, le maîtrise du cycle

A 30 minutes de là, Yaotsu est un petit bourg d’un peu plus de 10 000 habitants où je découvre enfin la Kuramoto Yamada Shoten dont j’avais apprécié les produits lors du Kura Master 2023.

Une brasserie particulièrement reconnue pour sa préparation du kōji, une méthode traditionnelle inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Et surtout un savoir-faire qu’elle perpétue de génération en génération grâce aujourd’hui au maître Tôji, Masaki Uno.

La brasserie produit l’ensemble des étapes de production de saké sur place depuis 1868. Avant cette date, la maison vendait du riz et des médicaments.

Avec Kazuhiko, représentant la sixième génération, je visite l’ensemble de la maison et les étapes de production.

Ici sont réunis tous les éléments clés à l’élaboration d’un saké optimal : l’eau pure disponible sur place grâce au puits de 4 mètres au milieu de la cour apportant les eaux profondes de la montagne voisine, le riz local de qualité poli directement sur place.

Et bien sûr, ce fameux savoir-faire.

Le Saké pas à pas

Au tout début du processus de brassage, il y a l’ingrédient pilier à l’élaboration du saké : le riz. Celui-ci doit être poli afin d’écarter les éléments indésirables au goût mais aussi de retirer le gras du riz et les protéines.

L’objectif du polissage est d’accéder directement au cœur blanc du riz -le shinpaku- constitué d’amidon, nécessaire pour la phase suivante, la saccharification, c'est à dire la transformation de l’amidon en sucre qui lui-même se transformera en alcool. Le niveau de polissage (en %) déterminera le classement du saké et son style.

A Gifu, quelques maisons possèdent leur propre machine de polissage ce qui est rare, dont cette maison Yamada Shoten. Elle nécessite des investissements colossaux. 25 000 bouteilles de 1,8 litres sont produites au cœur de la brasserie avec 100% de riz complet acheté dont 80% venant de la région locale.

Le maitre Tôji programmera le taux de polissage sur cette grande colonne de polissage : par exemple 50% pour obtenir un saké de catégorie Junmai Daiginjo. Une pierre va entrer en rotation rapide pour polir les grains de riz à 360 degrés afin d’obtenir un grain à forme plus arrondie proche du shinpaku. Le nombre d'heures de polissage variera selon la qualité du riz récolté.

Le maitre Tôji touchera ensuite le grain pour ressentir son gras et sa pesanteur. Selon la dureté du grain (plus ou moins dur), il planifiera sa production, le temps de trempage des grains de riz et les temps de cuisson. Ces projections permettent de planifier la production de saké pour l'année à venir.

La réception du riz se fait progressivement à partir du riz récolté dès octobre. Chaque étape de préparation du saké appelle à un climat frais pour assurer une production optimale, exception faite dans la salle de kōji où chaleur et humidité seront nécessaires.

Le maître Tôji de la kuramoto est un véritable observateur du riz complet depuis 20 ans : le toucher, le sentir, l’observer sont ses gestes quotidiens pour imaginer et créer son propre style de saké. En fonction de l'observation du riz, le maître Tôji va ainsi sélectionner les parcelles, selon les rizières, et définir le taux de polissage selon ses idées de projection de sakés. A l’aveugle, il est capable de faire la différence de qualité du riz d'une parcelle à une autre, tout comme on sélectionne une parcelle de vignes pour une cuvée de vin, ce qui confirme l'influence du terroir sur la qualité du riz.

L’analyse sensorielle à tous points de vue du grain de riz est ici une étape clé : connaitre sa matière première pour élaborer des sakés de qualité. La moindre fissure, le moindre problème de surface sur le grain de riz ou de mauvaise gestion d’humidité pourrait avoir des conséquences néfastes sur le saké.

Le terroir au Japon, un concept bien français intraduisible, réunit ici l'eau, le riz et le savoir-faire de l'Homme. L’eau est locale, provenant d’une des 3 rivières qui arrivent à Gifu.

La machine à polir est un véritable trésor : elle est capable de détecter le poids du riz et de calculer la vitesse de rotation en fonction du taux souhaité. Un filtre permet avant la sortie du riz de sélectionner les grains non cassés.

Ceux cassés passeront à travers (trop petits pour la production de saké). Rien ne sera perdu puisque ces rebuts seront réutilisés comme fertilisants du sol pour la production du thé de Gifu, un ingrédient très bénéfique pour une terre fertile.

Le riz sortira ensuite par lot pour remplir des sacs de 30 kg. Il faut compter 4,5 jours de polissage pour préparer un riz destiné à un saké supérieur au taux de 35%.

Un lot de production de polissage de riz nécessitera 1200 kg de riz à chaque utilisation de la machine. Les 1200 kg de riz poli à 50% deviendront 600 kg de riz pour remplir 2000 litres dans une cuve de fermentation ensuite.

Deux sortes de riz sont utilisés : le riz Hida Homare, moins dur et pour lequel le kōji pénètre plus facilement dans le cœur shinpaku mais nécessitant un contrôle du polissage à maximum 50%, au risque de casser les grains ; et le riz de Yamadanishiki produit localement à Yaotsu.

Une partie du riz partira ensuite dans la salle de kōji, située à l'étage comme toujours dans les brasseries traditionnelles, pour des raisons pratiques : maintenir la chaleur et l’humidité à l’étage et aussi, faciliter la logistique une fois le kōji prêt à utiliser, ce dernier retombe par des trappes au sol de l’étage dans les cuves de fermentation.

Et là, la magie va commencer à opérer : le maître Tôji écoute le bruit de la fermentation pour surveiller que le riz, le kōji et les levures agissent en harmonie. L’échelle du temps perd ici tout son sens. La priorité est de réussir sa fermentation, au point de rester sur place, jour et nuit. Le maitre Tôji m'avoue que pour lui, le moromi est comme sa fille. Une fois la fermentation finie, le moût devra être pressé et filtré pour récupérer ensuite le saké. La filtration sera réalisée traditionnellement par la suspension du moromi dans des sacs fukuro dont en sortira en goutte à goutte le saké.

Kosaka au pays du papier Mino Washi

Rendez-vous à Mino, située à mi-parcours de la rivière Nagara dans la préfecture de Gifu, une ville à l’architecture traditionnelle en bois de l’époque Edo construite il y a 400 ans.

Les maisons y sont reconnaissables par le principe architectural udatsu : des ornements décoratifs sur les toitures disposés sur les jonctions entre les murs mitoyens des maisons, composés d’argiles pour prévenir de la propagation des incendies.

 

Les habitants ont vécu pendant des siècles grâce à l’industrie du papier washi : un papier japonais réalisé à la main décliné tant en architecture d’intérieur (papier-peint par exemple) qu’en objets de décoration aujourd’hui.

Le papier washi y est manufacturé depuis 1300 ans selon les mêmes techniques transmises de génération en génération.

De nombreuses boutiques dans la rue principale sont consacrées à la vente de papier.

Je découvre la brasserie Kosaka en plein cœur de cette charmante ville historique. Elle a obtenu sa licence d’exploitation pendant la période Edo.

La brasserie Kosaka est aujourd’hui représentée elle aussi par la 6ème génération. L’eau de source de la rivière voisine Nagara est réputée : certains minéraux combinés à la douceur de celle-ci permettent d’obtenir des sakés au corps puissant et riches en saveurs.

D’ailleurs, une petite cuve est réservée pour les sakés haut de gamme Junmai ginjo et Daiginjo, élaborés avec cette eau précieuse. Le maitre Tôji me confie qu’il aime récupérer le saké au début et au milieu de la presse pour éviter l’amertume de la fin de presse. Il exploitera donc 80% des moûts de la presse.

La marque de saké de cette brasserie est Hyakushun, signifiant le « Saint Printemps », constitué des mots « Hyaku » (saint) et « shun » (printemps).

un riz très spécial : le riz Minonishiki

Une autre cuvée de la gamme porte le nom de Sanyaho, produite avec le riz local Minonishiki pour l’élaboration de sakés Junmai. Le riz Minonishiki est planté chaque année dans les rizières au mois de juin sans aucun intrant chimique. Le polissage du riz Minonishiki est nécessaire car 40% de celui-ci est constitué par le son qui ne peut pas être utilisé pour la production de saké à cause de son amertume bien trop prononcée.

Le riz poli sera ensuite trempé dans l’eau locale avant de passer à la vapeur (sèche, de nos jours) et sera étalé sur les Koshiki pour assurer une homogénéité. “Koshiki-daoshi” signifie coucher le Koshiki, et donc par analogie de disposer et étaler sur le récipient. En parallèle, le Kōji sera préparé avec le kōji -kin, le champignon aspergillus oryzae dans une pièce dont la température est maintenue à 30°C pendant 44 heures.

Le maître Tôji redouble de vigilance en cette période, surveillant sur place, jour et nuit, le processus.

Kawashiri et les sakés maturés

Petite escapade cette fois au cœur de la ville historique et folklorique de Takayama au nord de Gifu.

Très touristique, Takayama considérée comme le joyau de Gifu, nichée au cœur du paysage pittoresque des Alpes Japonaises. Au cœur de la ville passe un cours d’eau, sillonnant paisiblement le long des nombreux bâtiments historiques. (photo ci-contre des maisons traditionnelles au toit de chaume de Shirakawa-go).

La ville est également renommée pour ses festivals somptueux ainsi que ses onsen (bains d’eau chaude).

La brasserie Kawashiri se situe au cœur de la vieille ville, reconnaissable par une maison traditionnelle en bois datant de 1839.

Les sakés y sont réalisés de la manière la plus traditionnelle avec 100% de riz Hida Homare, produit localement.

 

La maison est spécialisée en koshu, des sakés maturés.

J’ai pu y déguster un koshu incroyable de 1998 !

Le producteur aborde chaque étape d’élaboration du saké avec précaution.

Il utilise 100% de kōji jaune pour une belle acidité maîtrisée, que l’on retrouve moins avec le kōji blanc.

La fermentation se déroulera sur 25 jours avec une levure différente choisie selon les sakés souhaités.

S’ensuit la filtration traditionnelle « Funashibori » pour obtenir un liquide pur et transparent par sédimentation.

La presse en bois est familiale.

Elle prend la forme d’un grand rectangle sur une longueur de plus de deux mètres, rappelant un bateau « Fune ».

Sur chaque paroi latérale seront disposés des bâtons de bois desquels seront suspendus les sacs de moromi.

La brasserie applique chaque été sur la surface en bois de la presse des tannins naturels issus du fruit kaki (connu pour ses…tannins!).

Funashibori est le nom de la méthode de filtration.

 

Komachi le saké en musique

Je retraverse la province de Gifu du nord au sud pour aller à la rencontre de cette maison qui, depuis 123 ans, brasse le « moromi » pour des sakés riches en umami, à base de riz local, Hida Homare et Yamadanishiki.

La brasserie utilise elle aussi l’eau locale de la rivière Nagara. C’est pourquoi la marque principale de la maison, Nagara-Gawa, rend hommage à la rivière connue comme une des trois rivières aux eaux claires du Japon.

La maison Komachi se distingue par la recherche d’un caractère umami prononcé dans ses sakés, umami signifiant ici « délicieux » ou encore « onctueux ».

La fermentation doit aller jusqu’au bout pour obtenir l’umami, car ici, le goût est prioritaire au nez. Selon le maître Tôji, cette longue fermentation et ce repos sur lies est une question d’équilibre. Car, laissé trop longtemps sur ses lies, la technique peut modifier le goût de manière négative et apporter le contre-effet recherché de l’umami.

Pourquoi ce choix du caractère umami pour les sakés Komachi ? La raison repose sur les habitudes de consommation locale.

Les clients sont des consommateurs de miso rouge, une soupe épaisse et riche en umami appelant à s’accorder avec un saké tout aussi riche. « Ici, il n’y a pas la mer donc les poissons sont conservés avec du miso et sont donc plus salés. » nous explique le maitre Tôji.

L’autre particularité unique de la brasserie Komachi est de réaliser tout le processus de fermentation sous une musique naturelle, considérée comme l’un des éléments importants de son processus de brassage.

La musique diffusée contient des sons de rivière, donnant une sensation d’eau coulant fraichement dans la salle de brassage, accompagnés de chants d’oiseaux. Selon le maître Tôji, cette musique apporte sérénité et relaxation à toute forme vivante dans la brasserie, y compris le riz, l’eau et le kōji. La diffusion de cette musique naturelle dans la brasserie a été réfléchie pour créer les conditions idéales de fermentation par la levure, une créature vivante considérée comme essentielle. « Sans la levure, le saké n’existerait pas. C’est comme si elle était un membre de l’équipe de production. » Il faut la respecter et la soutenir dans son travail de transformation du sucre en alcool. Détendue par la musique, elle apportera de la profondeur au saké. Cette pratique est inspirée des travaux de recherche du célèbre chercheur japonais Masaru Emoto, auteur du livre La Mémoire de l’eau. Ce dernier est parti du principe que l’eau est un élément vivant, sensible aux influences de son environnement. L’animisme et le boudhisme ne sont jamais très loin !

La brasserie Komachi propose une gamme variée de produits : un saké sec Nagara-Gawa ultimate dry, un Nigori, un Koshu réalisé avec du riz de 1998 mis en bouteille en 1999, un Umeshu et un Yuzu saké.

Miwa Shuzo, le saké peu filtré

Rendez-vous est pris à la brasserie voisine, Miwa Shuzo, un site où sont réunis au même endroit tous les bâtiments de fabrication du saké, depuis le lavage du riz, sa cuisson, sa fermentation, sa filtration, la mise en bouteille jusqu’au stockage.

La visite débute par la salle de cuisson disposée à l’étage. Là se trouvent les tables de refroidissement où sera étalé le riz. Selon Atsuo Sugihara, maître brasseur, pour obtenir un saké nigori, il faut obtenir une matière première bien fondue à la texture molle afin que le kōji puisse pénétrer plus facilement dans le cœur du grain de riz.

Nous passons ensuite à la salle de kōji ou est transféré le riz à une température suffisamment chaude pour développer le champignon aspergillus orizae (kōji-kin) qui pénètrera au cœur du riz pour transformer l’amidon en sucres.

Au rez-de-chaussée, les bouteilles sont étonnamment conservées dans un congélateur. La congélation aurait des bénéfices sur le saké tout juste fermenté, préservant ses arômes et saveurs.

Puis, nous voici dans la salle d’étiquetage avoisinant la zone de congélation: à proximité se trouvent l’ensemble des cuves où reposent les sakés et à côté, la pièce maitresse pour l’obtention des sakés nigori (faiblement filtrés) : une caisse en bois avec un tamis aux trous suffisamment larges pour laisser passer des particules donnant cette texture épaisse et trouble au saké. Il a encore le statut de doburoku* mais après avoir passé le filtre, il deviendra un nigori saké.

Miwa Shuzo propose une large gamme de sakés avec une grande subtilité de nuances dans les techniques de production qui peuvent se ressentir au palais en jouant sur les variations de saveurs, entre acidité (lactique), douceur, umami… Certains sakés passeront par une deuxième filtration avec un tamis aux trous plus petits pour retirer les éléments indésirables solides. La filtration reste obligatoire pour obtenir la reconnaissance de saké.

Audrey

*en référence au Festival Doburuku au cours duquel les habitants de Shirakawa consomment un saké non filtré et prient les dieux de la montagne pour qu’ils apportent fertilité, sécurité et la paix au village.

Ecrit par Audrey DELBARRE
--------------------------------------------------------------- Passionnée par l’écriture, Audrey est une amatrice de vin joviale et enthousiaste, guidée par la richesse du contact humain ! C’est à l’Académie du vin du Cap en Afrique du Sud qu’elle affine ses connaissances dans les vins puis développe son inspiration à partir de ses rencontres et voyages dans les vignobles du monde.... Titulaire du diplôme WSET 3, elle se consacre à l’organisation de séminaires et formations sur le développement des sens et des émotions grâce à l'œnologie.
Catégories : Japon

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